Habiter la frontière #2

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Patricia Guannel a présenté, à Klap Maison pour la danse fin juillet, la sortie de résidence de sa première création Habiter la frontière. Présentée à un public restreint, composé d’intimes et d’amis, sa création prendra son envol à l’occasion de Question de danse, les 19 et 20 octobre prochains, à Klap. Retour sur les mois passés, entre questionnements et la complexité de l’écriture chorégraphique.

Nous nous étions vus en février dernier. Patricia mettait les mouvements sur sa création en devenir. Elle se révélait en tant que chorégraphe d’une proposition du sensible.
De l’eau à couler sous les ponts depuis et nous voila en juin, à l’heure où elle va pénétrer, à nouveau, dans la boîte noire de Klap pour la finalisation de son travail. Tout ce temps passé lui a permis de collecter les retours, de se questionner sur cet objet chorégraphique, de déplacer ses interrogations au sein même de son travail.

De par ses mots, elle montre à quel point il est complexe de passer de l’idée à l’écriture. Elle a visionné sa sortie de résidence un petit temps après, lorsque les conseils et autres retours se taris. C’est à ce moment que la question de « qu’est-ce que je propose au public ? » s’est imposée de façon abrupte. « La vidéo m’a totalement déprimée, se remémore-t-elle. Je me suis dit que je n’avais pas réussi à aller là où je voulais emmener le public ».
Si le travail de la pensée philosophique autour de la notion de frontière est aboutie, il reste cependant à poser les mouvements, les images, sur ce qui restera imprimer sur la rétine du spectateur. « Le corps doit entrer dans la proposition, dit-elle » et son regard se perd dans sa pensée. Les mots ont du mal à laisser percevoir le mouvement. Mais elle ne s’inquiète pas pour autant car elle dispose d’un mois pour tout retravailler.

Patricia a cette lucidité et cette force de retraverser ce qu’elle a construit. Sa pensée devient une dynamique essentielle à sa proposition. Cela permet de mettre le spectateur dans l’état de celui d’accepter ce qui lui est proposé. Pour ce faire, elle travaille sur la danse (son écriture) de chaque moment. Elle questionne son attente pour mieux y répondre en mouvement. Elle pense aussi à réinjecter dans l’espace de danse des éléments, éléments qui pourrait être les frontières que chacun peut traverser.

Si Habiter la frontière est un solo, le travail effectué autour de la lumière, lui donne le statut d’interprète. Ceci complexifie le travail d’écriture chorégraphique tout en le façonnant. Et c’est effectivement un travail d’écoute, de tentatives et de confiance qui s’établit entre elle et Paolo Cafiero. Il traduit la pensée et les attentes de Patricia, avec l’aide de Patrick Servius (chorégraphe de la compagnie le Rêve de la Soie), et l’habille de ses lumières dont lui seul à le secret. Ici aussi, le travail est méticuleux et sensible.

Tout au long du processus, et jusqu’à la date de la création, Patrick Servius posera un regard extérieur sur la création. Il n’influencera pas et tentera seulement de lui renvoyer ce qu’il voit, ce qui se joue sur le plateau pour lui, sans jugement. Il sera le public, ce public susceptible de recevoir une proposition chorégraphique.

Ce qui est sûr aujourd’hui, est que Patricia Guannel inscrit sa démarche dans ce qui l’affecte et l’atteint. Elle réalise avec sa première écriture chorégraphique ce qui paraissait, peut-être difficile à cerner dans son dialogue, à enfanter l’Être.
Lors de sa présentation de sortie de résidence, l’intime présenté s’est mue en un discours universel. Bien que certains éléments scéniques étaient absents, le public vivait une expérience du sensible le mettant face à lui-même, le tout dans une danse énergique caractérisant la personnalité de Patricia Guannel, la chorégraphe. Habiter la frontière scanne les individus, sonde les interstices dans lesquels on peut se cacher, jusqu’à un certain point, mais cela sera à découvrir en octobre.

Après les mots, les images. Retour sur le processus de création par Patrick Servius.

Sortie de résidence, le 24 juillet 2015.
Création les 19 et 20 octobre 2015 , à Klap Maison pour la danse, dans le cadre de « Question de danse ».

Laurent Bourbousson

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