ITW – Festival Les Hivernales : Sébastien Ly pour Au-delà de l’absence

25 février 2017 /// Les interviews
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Sébastien Ly présente, en ce dernier jour de festival, Au-delà de l’absence à la Collection Lambert. Interview.

Ton projet Les Mémoires vivantes t’amène à confronter ta danse à différents lieux d’exposition. Cette confrontation est récurrente dans ton travail. Peux-tu nous expliquer le pourquoi ?
Sébastien Ly :
Cela a commencé en 2009, lorsque je visitais une exposition de Soizic Stokvis, une artiste qui vit et travaille à Paris. Une partie de ses œuvres consiste en des œuvres murales, très graphiques. Elle investit les sols et murs des salles et laisse tout le reste de l’espace vide. J’ai été physiquement appelé par une de ses œuvres et j’ai demandé l’autorisation au directeur du lieu de pouvoir travailler dans son centre d’art. Il est venu voir mon travail et m’a proposé un après-midi de performances dans lequel j’ai été programmé. L’artiste était présente lors de cet événement et cela a débouché sur des collaborations, entre elle et moi, pour d’autres expositions.
La relation à l’art contemporain et à l’espace muséal est ancienne pour moi. Ma mère me raconte que depuis bébé elle m’emmenait dans des musées. Je trouve naturel d’aller dans ses lieux.
J’ai rencontré des partenaires qui m’ont permis, également, de poursuivre cette expérience, notamment à la Villa d’Arson à Nice. Je nourri mon travail et ma réflexion des discussions que je peux avoir les directeurs des lieux.

Tu ne t’ais jamais imposé un choix, à savoir danser uniquement sur un plateau ou dans des lieux d’exposition ?
S. L. :
Je n’ai jamais désiré choisir. Je souhaite conserver ces deux axes de travail, qui sont la scène et le in situ, avec l’espace muséal. Je me rends compte, par rapport à mon travail sur la mémoire qui comporte ces deux formes de proposition, que l’un nourrit l’autre et inversement. Cela questionne le fond de mon propos et l’écriture de ma danse.

Au-delà de l’absence est présenté à la Collection Lambert. Est-ce à une déambulation que tu convies le public ?
S. L. :
Quand j’entends le mot déambulation, cela me renvoie dans mon imaginaire, au déplacement d’un groupe qui suit quelqu’un de lieu en lieu. Nous sommes à l’inverse de cela pour cette proposition. Le principe est que chaque visiteur construise son parcours et sa propre expérience. Il est libre de son choix, élément essentiel pour cette pièce.

Concrètement, comment cela va se dérouler ?
S. L. :
Le principe de cette pièce est qu’il n’y a ni début, ni fin. L’espace du musée est ouvert et les personnes décident de rentrer et de sortir lorsqu’elles le désirent. Dans ce laps de temps qu’elles s’offrent, la personne vivra différentes expériences, que ce soit des duos, des trios, ou encore en seul à seul avec un danseur. Il y a vraiment l’idée de l’expérience collective mais aussi celle singulière et individuelle. Je souhaite que le spectateur soit convaincu que l’expérience qu’il vit et vécue uniquement par lui. Le dispositif mis en place fait qu’à l’inverse du plateau, l’expérience se passe en temps réel en face à face avec le public sous différentes formes.

Les temps dansés se déroulent dans différents lieux d’exposition. Comment as-tu travaillé l’écriture chorégraphique ? Comment le temps va se moduler durant ces trois heures ?
S. L. :
Tu es à un endroit juste. Cette pièce pose la question de comment être hors du temps. Les trois heures sont là pour évacuer l’idée du temps. Concrètement, les 6 modules sont répartis dans 6 endroits différents du musée. C’est le spectateur qui ira de lieu en lieu pour construire son parcours. Pour moi, c’est une métaphore spatiale de la relation à la mémoire. Il y a différents lieux avec différentes propositions et le spectateur réactivera un souvenir de ce qu’il a vécu avec une autre expérience, lorsqu’il en vivra une autre en temps réel. Il pourra également retourner voir les boucles, puisqu’elles seront répétées 3 fois.

Que recherches-tu à provoquer chez le visiteur avec ces modules ?
S. L. :
Ce qui m’intéresse est que mon travail fasse mémoire dans chaque spectateur. L’enjeu est là et pas ailleurs. Ce travail repose sur l’idée du lien et de comment la mémoire se transmet de corps en corps. Au-delà de l’absence s’inscrit dans un long processus qui a débuté avec l’exposition Patrice Chéreau, un musée imaginaire qui a eu lieu à la Collection Lambert. Afin d’expliquer cette idée du lien, il faut que j’explique tout le processus de construction. Tout d’abord, nous avons les œuvres de Patrice Chéreau, Eric Mezil qui produit une exposition autour des ces œuvres, des visiteurs de l’exposition, un collectage des sensations éprouvées lors de leur visite, que j’ai réalisé. Ensuite, j’ai travaille avec un ingénieur sur cette matière. Par ailleurs, il y a le catalogue d’exposition, qui me sert à travailler sur les modules, la proposition émerge et devient un nouveau point d’appui de transmission. Le visiteur vient, vit les modules et repart avec ses propres expériences.
Pour moi, la question est de savoir quel sens cela prendra pour lui. Une nouvelle mémoire se crée au sein du spectacle, qui est de l’ordre de la matière mémoire, non linéaire, mais émotionnelle, tout à fait informe. Cette matière fait sens car lorsque nous l’activons elle met en lien des moments entre eux, et participe à la construction d’un nouveau souvenir.

Tu pars en tournée au Vietnam avec Au-delà de l’absence. Comment vas-tu travailler cette proposition ?
S L. :
Je suis avec une équipe mixte (2 danseurs de la compagnie et 3 danseurs vietnamiens) sur cette proposition puisque des mots sont prononcés et que je souhaite que le visiteur comprennent le sens des mots. Il y aura des collectages réalisés avec du public français, anglophone et vietnamien. Cela fait suite à ma première résidence de recherche, au Vietnam, que j’ai fait au mois d’avril, durant laquelle j’avais travaillé avec les élèves de l’Ecole Supérieure de Danse de Hô Chi Minh-Ville. Cela s’est bien passé et j’ai été invité régulièrement. J’ai rencontré des directeurs de lieux d’art, d’écoles de danse et les représentants de l’Institut Français. De ces rencontres est né, en novembre dernier, un événement Mémoire mouvement. J’ai invité 30 artistes ayant travaillé ou souhaitant travaillé sur la mémoire. Ces artistes vivent tous à Hô Chi Minh-Ville. L’Institut Français nous a prêté un lieu, une ancienne école française, devenue une friche. Durant 4h00, les visiteurs pouvaient circuler dans l’exposition qui rassemblé dessins, peintures, installations et vidéos. Dans différentes salles, il y avait de la danse en lien avec les œuvres d’art ou sur la mémoire. Le public constitué d’expatriés et de vietnamiens a très bien accueilli cette proposition. Et c’est naturellement que nous y retournons le 15 mars pour y créer un festival sur 3 jours.
Chaque jour sera un parcours dans un quartier de la ville qui rassemble lieux de spectacles, de mots, d’expositions et arts culinaires, toujours sur le thème de la mémoire. Le festival s’appelle Crossing-over, un terme de génétique, qui signifie que par le croisement des gènes, nous créons de nouvelles formes. Et parallèlement, Au-delà de l’absence est programmé à Hô Chi Minh-Ville et à Hanoï.

L’idée de ce festival ne participe-t-elle pas à l’idée de démontrer la porosité des arts, que tout se nourrit ?
S L. :
Oui tout à fait, puisque chacun des artistes retenus, avec leur oeuvre autour de la mémoire, mêleront leur propositions avec d’autres, selon affinités, afin de créer une nouvelle oeuvre !

Laurent Bourbousson

Photo : ©Bruno Mahé

Au-delà de l’absence de Sébastien Ly, à la Collection Lambert (Avignon), dans le cadre du festival Les Hivernales, à 14h, 15h, 16h.
Chorégraphie | Sébastien Ly
Interprétation | Thomas Demay, Léa Lansade, Sébastien Ly, Lisa Robert et Cécile Robin-Prévallée
Ingénieur son | Manuel Mazeau

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