ITW : Pauline Bayle pour Clouée au sol

2 décembre 2016 /// Les interviews
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Pauline Bayle interprète le rôle d’une femme pilote de chasse dans l’US Air force dans la pièce de George Brant, Clouée au sol, mise en scène par Gilles David. Elle sera sur le plateau du Théâtre des Halles, le 2 et 3 décembre. Interview autour de sa performance de comédienne pour ce monologue sur l’univers de la guerre.

Pauline Bayle dans "Clouée au sol" ©Marina Raurell pour Le Pôle Média

Pauline Bayle dans « Clouée au sol » ©Marina Raurell pour Le Pôle Média

Comment est-ce que vous vous êtes préparée à l’interprétation du texte de George Brant ?

Pauline Bayle : J’ai lu et vu beaucoup de choses sur les drones armées, les pilotes de chasse, l’armée. C’est un sujet qui passionne beaucoup de chercheurs depuis quelques années et j’ai pu profiter d’une littérature abondante sur le sujet ainsi que de plusieurs documentaires très bien fait.
Et puis j’ai lu le texte de nombreuses fois avant de commencer à l’apprendre, en français et en anglais. Nous en avons parlé en détails avec Gilles et aussi Dominique Hollier, la traductrice.

Certaines critiques reviennent sur le côté performatif de votre interprétation. Était-ce une volonté du metteur en scène, Gilles David, de vous amener vers cela ?

Pauline Bayle : Disons que Gilles place au centre du travail, la manière dont le texte résonne au présent dans le comédien. La manière dont le texte, aussi bien dans sa forme que dans son fond, altère le comédien dans le direct de la représentation. Je crois que c’est cela qui donne l’aspect performatif à l’interprétation. Il y a comme un corps à corps avec le texte.

Est-ce qu’il vous semble que vous performez ce texte, d’une certaine manière ?

Pauline Bayle : J’ai un rapport très précis au texte et à la pensée qu’il rapporte : pour moi tout, absolument tout ce que la pilote dit est important. Il n’y a rien d’accessoire. Dans le travail nous avons « crédité la parole » de la Pilote dans le sens où tout ce qu’elle vit a de l’importance. Tout ce qu’elle dit, tout ce qu’elle vit, tous les détours de sa pensée sont essentiels pour elle. Pour moi cela implique un engagement total au service de cette pensée. Corps et esprit sont complètement concentrés et impliqués dans ce que je dis et ce que ça me fait physiquement.

Dans quel état d’esprit êtes-vous pour interpréter cette jeune femme ?

Pauline Bayle : Pour moi Clouée au sol raconte une initiation : c’est une jeune femme qui apprend à grandir, qui apprend l’ambivalence. Lorsque la pièce commence, elle est enfin arrivée là où elle voulait arriver. Elle a accompli un rêve d’enfant et elle a l’impression qu’enfin pour elle la vie, la vraie vie, va commencer. Au fil de la pièce, elle apprend pas à pas que le monde, la réalité, sont plus complexes et que la vie n’est pas d’un seul tenant. Des imprévus, heureux ou malheureux, obligent à s’adapter, trouver des solutions. C’est sur cet apprentissage là, universel, que je me concentre à une échelle un peu « macro », quand je prends du recul sur le parcours du personnage. Elle part vraiment d’un point A pour arriver à un point B. Ce qu’elle traverse au fil de la pièce, en direct, la change pour toujours.

Dans la version américaine de Clouée au sol (Grounded), Anne Hathaway tenait votre rôle. Est-ce que l’on pense à cela lorsque l’on se voit confier ce personnage ? Qu’est-ce qui vous a poussé à l’interpréter ?

Pauline Bayle : Pour être honnête je n’y ai pas pensé. Je me suis juste dit que si Anne Hathaway avait dit oui c’est que le rôle devait être incroyable…… et il l’est !!! Ce qui m’a donné envie de l’interpréter c’était le désir d’incarner cette jeune femme qui très vite pour moi à pris l’apparence d’une héroïne antique. Comme une sorte d’Antigone même si leurs combats sont très différents évidemment.

Pauline Bayle dans "Clouée au sol" ©Marina Raurell pour Le Pôle Média

Pauline Bayle dans « Clouée au sol » ©Marina Raurell pour Le Pôle Média

Est-ce que ce texte a modifié votre rapport aux images de guerre, car derrière chaque acte se trouve un humain exécutant des ordres ?

Pauline Bayle : Travailler Clouée au sol s’intègre parfaitement dans le cadre d’une réflexion générale que je mène sur la guerre depuis 1 an et demi notamment avec le travail d’adaptation et de mise en scène que j’ai fait sur L’Iliade d’Homère. L’Iliade est l’un des plus anciens textes occidentaux qui existe sur la guerre tandis que Clouée au sol est très contemporain de notre époque. Ce grand écart dans le temps est passionnant et m’a permis de nourrir une réflexion aussi bien sur la figure traditionnelle du héros et ce qu’elle est devenue aujourd’hui que sur ce qu’implique de faire de la guerre son métier. De tuer pour gagner sa vie.

Vous avez été récompensée au Festival Impatience 2016 pour la pièce Iliade, que vous avez mis en scène. Cette mise en scène a été précédée de À l’ouest des terres sauvages et de À Tire-d’Aile. Comment faites-vous pour alterner mises en scène et interprétation ?

Pauline Bayle : Pour moi ce sont deux choses très complémentaires dans la démarche parce qu’elles partent d’un même désir : utiliser le théâtre pour raconter, restituer des mondes jusque là demeurés inconnus.
Quand je mets en scène, je choisis de me mettre légèrement à l’extérieur et d’avoir du recul pour pouvoir créer ce monde pas à pas. Quand je joue, je choisis de plonger dans ce monde de l’intérieur pour pouvoir le raconter.

Clouée au sol de George Brant
Mise en scène de Gilles David, sociétaire de la Comédie-Française
Traduction Dominique Hollier, scénographie Olivier Brichet, lumière Marie-Christine Soma, costume Bernadette Villard, son Julien Fezans
Avec Pauline Bayle
A découvrier les 2 et 3 décembre au Théâtre des Halles, à 20h.
Renseignements : 04 90 85 52 57

Laurent Bourbousson

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