[ITW] Avec le Citron Jaune, place à l’Artivisme !

30 septembre 2024 /// Les interviews
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L’artivisme est un mouvement qui apparaît dans les années 1920-1930, en Russie et en Allemagne, en opposition à l’art pour l’art. Depuis, l’artivisme prend différentes formes selon l’époque. Art engagé et engageant, il cherche à mobiliser le spectateur, à le sortir de son inertie supposée, à lui faire prendre position. 
Le Citron Jaune, Centre national des arts de la rue et de l’espace public à Port Saint Louis du Rhône, présente un temps fort Artivisme ! du 5 au 12 octobre. Pascal Servera, son directeur, nous prévient, “il n’est pas question de faire de ce temps fort un festival”.

Quelle est la genèse du temps fort Artivisme !, que vous proposez du 5 au 12 octobre ?

Le Citron Jaune est un centre national des arts de la rue et de l’espace public qui travaille depuis 30 ans sur les questions liées à l’écologie. Avant, il y avait le festival Les envies Rhônements qui aujourd’hui n’existe plus et qui mettait cette question au cœur de son festival sur un temps donné. L’écologie fait partie de l’ADN du Citron Jaune et cette question est omniprésente à travers notre travail quotidien, que ce soit par l’accueil des compagnies, des projets de territoire…

Avec ce temps fort et compte tenu de l’urgence écologique que l’on connaît, je suis persuadé qu’aujourd’hui, il faut dépasser le stade du simple spectateur consommateur de spectacles. Il faut aller plus loin, être transformateur, nous mettre en action et peut-être considérer les spectateur·ices comme de potentiel·le·s acteur·ices citoyen·nes. D’où le temps fort qui nous intéresse aujourd’hui : Artivisme !

Justement, pouvez-vous donner une définition de l’artivisme ?

C’est  une notion qui existe depuis très longtemps. J’ai constaté que tous les artistes qui évoluent dans ce genre de propositions ne sont pas forcément d’accord avec le terme. Pour certains, c’est plus un engagement artistique qui croise l’action militante et à minima l’engagement citoyen. Et cette forme d’art est intéressante car elle vient déplacer notre regard sur le spectacle.

Que faut-il comprendre par-là ?

L’artivisme n’est plus un spectacle, c’est une action collective, un projet de territoire. C’est une action qui accompagne un mouvement militant, c’est un rituel. Ce n’est plus une simple convocation à l’égard d’un public. Ce n’est plus monétisable.
Au-delà de ce qu’elle représente d’un point de vue artistique, du point de vue de l’art pour le politique, cette notion vient questionner ce que les opérateurs culturels peuvent faire, depuis leurs lieux, à partir d’enjeux politiques donnés et comment ils sont amenés à les traiter dans leur programmation. 

Pour vous, l’artivisme prend quelles formes ? 

Pour ma part, les différentes typologies de l’artivisme, du moins ce que j’en ai compris, varient selon les propositions qui sont données à voir. 

Avec Virus de Yan Duyvendak (10 oct.), l’artiste utilise un genre de pseudo fiction où les participant·es tiennent des jeux de rôle à endosser. Ils jouent des membres d’un gouvernement qui tente d’enrayer une épidémie qui se déclenche en Union européenne. Virus a été écrit avant la crise de la Covid 19 ! Ce jeu vient nous mettre à l’endroit de l’acteur citoyen. 

Ensuite, il y a le worshop avec Gaétan Ranson, Isa Frémeaux et Jay Jordan (10, 11 et 12 oct.). Isa Frémeaux et Jay Jordan ont laissé tomber la production d’art pour s’installer à Notre-Dame-des-Landes afin d’accompagner des mouvements militants avec des outils artistiques. Nous avons implanté ce projet à L’Angerie qui est un lieu militant à Arles et durant une semaine, ils seront présents. 3 grands moments de démonstration sont prévus. 

L’autre typologie de l’artivisme est d’impliquer les habitants d’un territoire. C’est le cas de Thierry Boutonnier, Eva Habasque et Laury Huard à Port Saint Louis du Rhône. A ma demande, ils sont venus s’implanter ici en 2021 et développent depuis une œuvre végétale qui s’apparente à un verger. La palette végétale a été choisie avec les habitant·e·s du quartier Ambroise Croizat et l’olivier est l’arbre tutélaire du projet. Nous nous sommes mis en tête de produire la première huile d’olive de Port saint louis du rhône. En même temps, compte tenu du contexte écologique de la ville, nous travaillons avec l’Institut Ecocitoyen sur la bioaccumulation en relation avec les habitant·e·s (bioaccumulation : certains arbres se protègent de la pollution atmosphérique en concentrant la toxicité de la pollution en question dans les racines, le tronc, les feuilles mais pas le fruit). Nous avons amorcé le début de cette recherche en janvier et allons aboutir à son résultat fin 2024. Et selon le résultat on adaptera la technique de protection du verger. Nous faisons un rituel festif (le 11 oct.) autour de notre huile, dont nous saurons sa comestibilité en fin d’année. On apprendra beaucoup de choses lors de cette soirée qui prend la forme d’un grand loto ! Nous sommes dans un endroit de forme d’artivisme car les gens ne sont que de simples spectateurs. Ils sont citoyen·ne·s de leur ville et ils apprennent des choses sur l’agriculture urbaine.

La quatrième modalité de l’artivisme pour moi est la performance dans ce qu’elle a de collectif et d’intime. En ouverture, le 5 octobre, sur la plage Olga à Port Saint Louis du Rhône, nous nous mettrons en action avec Jordi Gali et Faires, puis avec Jonathan Macias et Caroline Melondeux avec Cinq saisons. Ce sera l’occasion de se reconnecter avec le paysage et le vivant. Puis, on retrouvera les 11 et 12 octobre, Lorette Moreau. Elle partagera ce qui peut réconforter face au sentiment d’effondrement à travers une série de modules. Elle va proposer ses kits de survie dans un moment que l’on peut considérer angoissant. Nous sommes à l’endroit du soi, dans un contexte politique. Cela relève de l’artivisme. Encore une fois, ce n’est pas vraiment du spectacle.

Nous finirons ce temps fort avec une proposition du Festival des Suds, que nous coréalisons avec le Cargo. Nous accueillons Akira et le Sabbat, un groupe emblématique de l’artivisme (12 oct.). 

Pensez-vous que le milieu professionnel soit sensibilisé à l’artivisme ? 

Nous avons une rencontre professionnelle avec l’ONDA, Lieux Publics, la FAI-AR et L’Atelline, qui va se dérouler les 10 et 11 octobre. Le 10 octobre, de 14h à 17h, il y aura un premier temps sur la définition du sujet avec entre autres, Isa Frémeaux, Yan Duyvendak, Florian Gaité qui est un universitaire qui va travailler sur les notions d’esthétique. Le 11 octobre, nous irons à l’Après M, un Mc Donald repris par ses salarié·e·s situé dns le 14e arrondissement à Marseille, qui est un espace d’entraide et une banque alimentaire. Nous allons avoir une visite avec Julien Charmaisseau qui s’est impliqué artistiquement dans ce lieu. Nous terminerons avec un atelier avec des acteurs culturels sur la notion d’entre soi. Forcément, les participant·e·s seront sensiblisé·e·s à l’Artivisme !

Propos recueillis par Laurent Bourbousson

Crédits photos : Virus de Yan Duyvendack ©Niels Knelis – Fort Réconfort de Laurette Moreau ©Alice Piemme – Akira et Le Sabbat ©Andy Jon

Retrouvez toutes les informations du temps fort Artivisme ! sur lecitronjaune.com

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