Vu : La peau d’Élisa, de Carole Fréchette

13 juin 2016 /// Les retours
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La peau d’Élisa de Carole Fréchette raconte l’histoire de cette femme qui, pour ne pas mourir sous l’ensevelissement de sa peau, recueille les histoires d’amour pour les raconter à l’envi. Alphonse Démého a teinté la mise en scène aux couleurs du théâtre africain, Fatoumata Ouedraogo-Camus en était le griot. Retour.

Fattoumata Ouedraogo-Camus dans La peau d'Elisa

Fattoumata Ouedraogo-Camus dans La peau d’Elisa

C’est un texte que Fatoumata Ouedraogo-Camus a rencontré au Conservatoire d’Avignon. Et c’est avec ce texte, quelques années après l’avoir interprété, qu’elle décide d’opérer un retour à la scène. En faisant appel à Alphonse Démého pour la mise en scène, et à Adama Cossiko pour la musique, Fatoumata a fait vivre une véritable odyssée au public.

Fatoumata Ouedraogo-Camus incarne Elisa, cette femme condamnée à raconter des histoires d’amour pour ne pas se voir disparaître sous sa peau. Il y est question de toucher, de regard. Elise et Fatoumata ne pourraient faire qu’une, que cela ne choquerait pas. On penserait que Carole Fréchette a écrit le texte pour Fatoumata, que cela semblerait évident, tellement son interprétation transcende le texte. Sa voix porte chaque syllabe de ce texte étrange, son corps incarne le personnage.
Fatoumata remet à l’honneur l’oralité, pratique millénaire des peuples africains. Elle se fait le griot, ce personnage venu raconter des mythes ou des histoires du passé. Les premiers accords de oud, joués par Adama Cissoko, sont une invitation au voyage. De la salle du Théâtre l’Albatros, nous voici dans les plaines du Burkina Faso, ou bien de la Côte d’Ivoire… La voix de Fatoumata se fait le prolongement des accords. Elle fait chanter chaque mot, en mesure l’importance, laisse les respirations nécessaires au public pour le toucher humainement.

Elisa raconte donc des histoires d’amour. Ces histoires dont l’origine est l’étincelle, le frisson, résultat de l’alchimie de deux corps, laissent place à de véritables variations autour du sujet principal de la pièce : l’amour. Bien quelles soient de natures différentes, toutes ces histoires laissent apparaître l’intensité de l’échange. Les mots illustrent les attractions dont sont victimes les corps, celles du simple amour de jeunesse ou le véritable, à celles de la passion. Les mots sont les témoins de la place que l’être aimé pense avoir dans cette histoire à deux. Ils sont aussi ceux par qui nous rencontrons Élisa.

Elle est cette femme qui s’est réveillée, un beau matin, avec cette sensation que rien n’était comme avant. La peau d’Élisa pousse plus que de nature, elle recouvre son corps, ses articulations. La seule issue favorable est de raconter des histoires d’amour. C’est cet homme qu’elle a rencontré dans ce bar, cet homme qui l’a écoutée parler, qui ne l’a pas jugée, qui lui a dit cela. Comme pour la faire vivre, lui redonner l’étincelle de croire, il lui a dit de récolter bons nombre d’histoires d’amour, du vrai amour, et le raconter à qui veut bien l’écouter. Sous ces airs fantastiques et fantasques, le récit prend des allures de conte moderne. Élisa serait celle que personne ne voit car différente et devrait vivre à travers les histoires d’autrui. Un conte moderne bien triste qui met en première ligne l’image de celui qui n’est pas comme, de celui jugé différent de, et questionne ainsi notre rapport à l’autre, dans une histoire d’amour ou dans le simple fait d’échanger.

Fatoumata Ouedraogo-Camus, Alphonse Démého et Adama Cissoko assument un théâtre loin du théâtre contemporain, un théâtre qui leur tient à cœur. Avec La peau d’Élisa, chacun a trouvé une place pour laisser exprimer la pluralité de leurs êtres et faire de ce texte, une belle histoire humaine.

La pièce La peau d’Élisa, de Carole Fréchette, par la Compagnie Atoumacela, a été vue au Théâtre l’Albatros, le 27 mai 2016.

Laurent Bourbousson

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