[VU] Variations sur un même thème
Quarante minutes d’une hypnotique beauté. Tel est The Gyre, chorégraphié et interprété par Angela Rabaglio et Micaël Florentz.
À l’heure où la Biennale de la Danse de Lyon dévoilait la nouvelle création Dehors est blanc de la compagnie Tumbleweed basée à Bruxelles, Châteauvallon nous invitait à découvrir son opus créé en 2018, The Gyre, qui a trouvé dans l’intimité du plateau de l’ancien studio du Baou la proximité idéale entre les corps dansants et le public.
Épuré, faussement fragile, l’exercice de la marche rotative autour d’un même axe vertical peut être périlleux : où cela va-t-il conduire les interprètes… ? Force est de constater que l’apparition fantomatique d’Angela Rabaglio et Micaël Florentz subjugue dès les premiers instants, imposant une vague sensation de présence car seules les parties dénudées du corps sont perceptibles. Pieds, mains, avant-bras, cous, visages. Le lancinant mouvement des pieds se répète doucement, relevant le défi de tenir la cadence. On la soupçonnait immuable, elle s’accélère, tandis que le balancement des bustes et des bras s’intensifie. Comme si le fait de « simplement » marcher d’un pas identique provoquait le dédoublement du corps… « Chaque mouvement se dilue dans le suivant » écrivent-ils à propos de la pièce et cette impression de flottement prévaut. Un flottement parfaitement maitrisé, une scansion parfaitement rythmée par le martèlement des pas au sol et la musique, enveloppante, d’une pluie imaginaire. Ni monotones, ni linéaires, la chorégraphie et la création sonore nous emportent, ensemble, dans une sensation de vertige : au fur et à mesure, les mouvements prennent de l’ampleur, leur tournoiement s’intensifie, les corps s’arc-boutent, se délient, les bustes se renversent, les bras prennent leur envol. La marche – ce geste quasi martial quand il est orchestré – se transforme ici en un acte libérateur. C’est tout le haut du corps qui se réinvente, épouse celui de l’autre par de subtils attouchements, d’imperceptibles frôlements. The Gyre est à mille lieux d’un déploiement de muscles ou de force ; c’est une intuition plutôt qu’une déclaration, d’une grande finesse du geste et du jeu. Les corps s’enchevêtrent dans d’ondoyantes arabesques, de plus en plus frénétiques tandis que l’orage gronde au loin, comme un long ruban sans fin vers une chute inévitable et pourtant inattendue ! Dos au public, dans une pénombre retrouvée, ils s’effondrent, l’un après l’autre, et ouvrent une nouvelle boucle que l’on n’aimerait pas refermer.
Marie Godfrin-Guidicelli
Crédit photo : © Flurin Bertschinger
Générique
Conception et réalisation Angela Rabaglio et Micaël Florentz / Musique Daniel Perez Hadju / Lumière et scénographie Arnaud Gerniers et Benjamin Van Thiel / Regard extérieur Dagmar Dachauer / Production Tumbleweed
En découvrir plus :
cietumbleweed.com
chateauvallon-liberte.fr
Encore un magique article de Marie Godfrin Guidicelli pour ce duo sublime