Au Théâtre Transversal, focus Jeunes Compagnies : le Collectif Rêve Concret

5 juillet 2018 /// Les interviews
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Avec sa programmation, Laetitia Mazzoleni, directrice du Théâtre Transversal, a ouvert les portes de son lieu a des jeunes compagnies. Cela donne lieu à un focus Jeunes Compagnies. Aujourd’hui, Mathieu Touzé du Collectif Rêve Concret pour le très attendu Un Garçon d’Italie.

Mathieu Touzé, Collectif Rêve Concret

Vous venez d’adapter au théâtre le roman de Philippe Besson, Un garçon d’Italie. L’auteur dit s’être montré dubitatif lors de votre demande car pour lui, « le texte […] me semblait ne pas obéir aux lois du théâtre« . Est-ce que vous vous êtes lancé un défi en souhaitant adapter ce roman à la scène ?
Il n’y a pas vraiment eu de défi, plutôt une nécessité de porter cette écriture au plateau, une évidence aussi. L’écriture d’Un Garçon d’Italie permet de créer quelque chose de radical sur un plateau de théâtre.
Un Garçon d’Italie est le premier livre de Philippe Besson que j’ai lu. Et l’écriture y est très spécifique. L’histoire est écrite trois fois à la première personne et les personnages s’adressent au lecteur. J’aime travailler sur ce type de romans au théâtre, j’avais adapté le roman d’Olivia Rosenthal Que font les rennes après Noël ?. En lisant Un Garçon d’Italie, il m’est apparu évident que l’écriture pouvait être adressée.
Et puis, il fait partie de ces livres qui vous hantent, où les mots, les phrases s’impriment dans votre esprit , vous accompagnent en permanence. Cela est la preuve de deux choses : ils sont porteur de poésie et d’un message nécessaire. Cette connexion entre des mots et soi enclenche la création d’un objet artistique. La nécessité s’impose à vous : j’avais besoin de monter Un Garçon d’Italie pour m’en défaire.
Enfin, il y a une histoire de rencontres. Il y a eu mon désir d’abord puis une cohérence entre un lieu, des comédiens, un texte.
Faire du théâtre par défi ne m’intéresse pas, je fais du théâtre parce que je sens qu’il y a une évidence et une cohérence de monter ce texte.
En fait, cette réflexion de Philippe Besson m’a beaucoup étonné puisque pour moi ce roman contenait une pièce de théâtre, contemporaine, radicale et pleine de promesses.

Qu’avez-vous ressenti à la lecture du roman pour décider de son adaptation ? Est-ce que des images de mises en scène vous venaient à l’esprit ?
L’écriture est le principal moteur. Elle entraine le lecteur vers un évènement spectaculaire. Représenter cet évènement au plateau a été le point de départ. Après elle est fabuleuse, poétique. Elle donne envie de la dire et de la faire entendre. Immédiatement, j’ai vu un espace vide avec des personnages très stylisés, Léo en petite frappe, Anna en executive women, les vidéos, etc.
Philippe, un peu comme Tchekhov, n’est pas tendre avec ses personnages, il ne les pardonne pas. Il les présente avec ce qu’ils ont de mauvais en eux, c’est ce qui les rend magnifiques et passionnants. Il décrit les sensations physiques et psychiques de manière juste et limpide. Il y a énormément de choses dans le texte qui permettent d’aller chercher loin dans l’être humain et en conséquence de donner et de toucher le spectateur.
Il y a aussi une écriture corporelle, comment ces trois corps strictement séparés, si seuls, sont pourtant placés côte à côte, en parallèle. Au théâtre nous pouvons faire cela.
C’est quelque chose de physique, d’instinctif. Dans cette mise en scène, je cherche à partager le chemin que j’ai fait à la lecture du roman.

Vous avez présenté au Théâtre Ouvert votre pièce. Vous avez reçu des retours des plus encourageant de la presse et blogs. Venez-vous à Avignon l’esprit apaisé ? Comment appréhendez-vous votre festival ? 
Je ne suis pas très apaisé en règle générale (rire). Mais oui, c’est vrai que nous avons eu un accueil incroyable jusque là, trois prix, un pour l’adaptation et deux pour les interprètes. Des retours de la presse et des professionnels très encourageants dont la mention spéciale pour Yuming Hey.
Alors, je suis très excité de présenter Un Garçon d’Italie à un nouveau public mais pour autant rien est acquis, surtout dans un art vivant, surtout à Avignon. Je ne suis pas sûr que l’on puisse aborder le festival de manière apaisé. Mais le festival d’Avignon est aussi la fête du théâtre, il y a du théâtre partout et tout le temps. Je suis aussi spectateur de théâtre, de manière presque effrénée.
Avec Yuming, nous avions terriblement envie de cette aventure.

Vous partagez avec Yuming Hey la direction artistique de votre collectif Rêve Concret. Les décisions de porter tel ou tel projet se déroulent comment ?
Je ne suis pas sûr que quelqu’un prenne des décisions… Nous avons une avidité de théâtre. Nous nous poussons l’un l’autre à créer encore plus, avec une certaine exigence, parfois violente. Nous ne choisissons pas tel ou tel projet, nous en mettons le plus possible en développement même si tout ne devient pas un spectacle.
Nous sommes tout le temps au théâtre, nous en lisons beaucoup, le désir de monter des textes est omniprésent.
L’un lis un texte, ça le hante, il demande à l’autre ce qu’il en pense et let’s go ! Le reste est de l’intendance.
Je crois que nous avons tous les deux l’impression que nous allons mourir jeunes alors il faut vivre vite.

Vous allez proposer une lecture durant votre festival dans le cadre du dispositif Ier acte. Pouvez-vous nous en parler ? 
En fait, nous allons proposer deux lectures : Lac de Pascal Rambert et 63 regards de Christophe Pellet.
Ce sont deux auteurs que je connais bien et que j’aime énormément. Yuming et moi avions joué dans Le Garçon Girafe de Pellet à la Cartoucherie (mis en scène par Etienne Pommeret), notre collaboration avec Christophe a commencé à ce moment-là. Ensuite, Yuming a joué dans un long métrage de Christophe, et nous désirions encore travailler ensemble. Je souhaite travailler sur 63 regards depuis très longtemps. Et récemment, ce projet est apparu évident pour tous les trois.
En ce qui concerne Lac, nous avons découvert Pascal Rambert avec Clôture de l’Amour, et nous sommes tombés amoureux, de lui, d’Audrey, de Stan. (Enfin, moi j’étais déjà très amoureux de Stan).
Après une autre histoire d’amour est née à Ier Acte. Pascal était allé voir Ier Acte qui jouait Clôture de l’amour au théâtre National de la Colline (il y avait alors Yuming Hey, Océane Caïraty, Lyna Khoudri, Laetitia Somé, qui ont tous travaillé avec Pascal par la suite sur Actrice et Mount Veritas). Yuming m’a fait lire Lac qui raconte l’histoire d’un groupe de jeune qui veulent faire du théâtre de leur vie. J’ai tout de suite eu envie de le monter.
Je travaillais ou connaissais déjà plusieurs personnes passées par 1er Acte (Yuming bien sûr, Séphora Pondi, Océane Cairaty, Laetitia Somé, Lyna Khoudri…) et j’en ai rencontrées avec qui la collaboration ne fait que commencer. Ce sont tous des personnes qui avaient envie d’une suite à leur aventure. Nous avons commencé les répétitions au Théâtre de l’Odéon pour la lecture à venir et je peux vous dire que c’est déjà très excitant !

Propos recueillis par Laurent Bourbousson

Un Garçon d’Italie de Philippe Besson | Adaptation de Mathieu Touzé | Interprètes Yuming Hey, Mathieu Touzé, Estelle N’Tsendé
Du 6 au 29 juillet 2018 à 10h35, relâche les mercredis, au Théâtre Transversal (ex Ateliers d’Amphoux), . Renseignements ici.

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