À nos corps défendus, Alexia Vidal – Karine Debouzie – 1

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C’est à l’issue de la première résidence de création à la Chartreuse – Centre National des Écritures du Spectacle, en février dernier, que nous avons rencontré Alexia Vidal et Karine Debouzie pour le projet À nos corps défendus qui se construira sur 3 saisons. Nous en suivrons les étapes. À l’aube de leur nouvelle sortie de résidence, ce mercredi 11 avril à la Chartreuse, on revient sur cette première étape dont nous nous donnions le temps de faire état !

Une table remplie de papier avec des mots inscrits dessus et une cabine noire partagent l’espace de la pièce devenue laboratoire de recherche théâtrale pour l’occasion, un peu comme à l’image du diptyque que semble envisager les deux artistes. L’une est metteure en scène, autrice, et l’autre, artiste plasticienne. Alexia Vidal joue avec les mots alors que Karine Debouzie fait parler les images de corps.

Vous présentez À nos corps défendus comme un diptyque. Quelle en sera sa forme ?

Alexia Vidal : On parle de diptyque car l’idée est de présenter une installation vidéo et un spectacle de théâtre créés sur la même matière, celle des entretiens, dans un théâtre. Cependant, les deux objets pourront vivre indépendamment l’un de l’autre.

Karine, qu’est ce qui a motivé l’artiste plasticienne que vous êtes de faire partir de cette création ?

Karine Debouzie : La longueur du projet sur 3 ans. rires. Plus sérieusement, c’est l’interrogation commune qu’Alexia et moi partageons sur le corps. Nous avons déjà travaillé ensemble. J’avais fait la scénographie de Tout ce dont nous avons besoin. J’aime bien être sur des transversalités de travail. 

Face à nous, se trouve une table remplie de mots plus un carré blanc (photo ci-dessus). Comment le travail de recherche a débuté ?

Alexia Vidal : Sur la première semaine de résidence, nous nous sommes entraînées sur la manière de mener les entretiens et sur le sujet de façon plus générale. Nous avons invité des personnes que nous connaissions et qui n’avaient pas vraiment un rapport au corps particulier. Cependant, nous avons vu émerger de belles choses. On voulait un retour de leur part sur notre façon de travailler.
Ensuite, sur la seconde semaine, nous avons sollicité des personnes dont on connaissait leur rapport au corps un peu atypique. Les entretiens sont très libres. Les choix se portent sur un ou plusieurs mots et la parole se fait. On relance le moins possible les interviewés sur leurs dires et nous n’orientons pas leurs réponses. Le carré blanc est un peu le joker donné aux personnes. Si elles veulent parler d’une chose qui n’est pas citée, elles peuvent s’en saisir et parler sur ce qu’elles souhaitent.
Selon ce qui est abordé, on se permet d’approfondir une idée. On perçoit les différents mouvements de la pensée des interviewés très intéressant de voir comment ils vont s’approprier le dispositif et quelles définitions ils mettent derrière les mots. Chacun chemine dans son rapport au corps et c’est ce qui est intéressant.
Karine Debouzie : Oui, c’est curieux parfois, mais c’est hyper généreux dans ce que les gens nous livrent.

Alexia Vidal et Karine Debouzie dans la cabine

Les entretiens permettront de travailler sur la future écriture du spectacle de la part d’Alexia. Vous, Karine, comment procédez-vous ?

Karine Debouzie : D’après ce que les personnes ont évoqué, je commence par filmer, dans la cabine, une partie du corps dont elles ont parlé. Ceci me permet d’avoir une première prise. Ensuite, tout se fait par le dialogue. Puis, je les laisse seules avec la caméra. Les résultats sont étonnants. Même si par le cheminement des mots, les gens se livrent énormément, ils se livrent encore plus devant la caméra.

Vous filmez dans la cabine qui implique une proximité avec le sujet ?

Karine Debouzie : Oui. Je filme sur des très petites zones dont le micro-mouvement devient grand à l’écran.
Alexia Vidal : Lorsque je vois les images, je suis incapable de dire quelle est la partie du corps filmée. Ça ouvre un imaginaire fou : ça peut être animal, tel le pouls du cœur, ou encore un paysage…
Karine Debouzie : L’idée de la vidéo est de comment imager le corps sans trop être illustratif. Les propos tenus par les personnes ne sont pas directement connectés avec l’image.

Comment allez-vous transformer l’ensemble des entretiens en un texte pour le théâtre ? Avez-vous une idée du résultat ?

Alexia Vidal : Le projet est parti d’un désir. Je me suis aperçue que de parler de mon rapport au corps avec d’autres personnes provoquait des questionnements. Puis, j’ai travaillé sur le corps avec des metteurs en scène et des chorégraphes. Cela a modifié la perception que je pouvais en avoir également.
Pour l’instant, je retranscris les entretiens. Ceci me permet de mettre en valeur certaines parties pour un futur texte. Encore une fois, on se laisse le temps du laboratoire. On espère pouvoir répliquer ce dispositif dans différents endroits. Ensuite, ce sera temps de partir avec les comédiens et toute cette matière afin de travailler sur une écriture au plateau, et se poser toutes les questions du style : comment on réécrit, est-ce que l’on déroule des personnages selon un entretien, ou traversons-nous tous les entretiens… Il y aura également des sons des enregistrements et des images que Karine aura tournés et enregistrés. Ça rentrera dans la réflexion lors de l’écriture au plateau.
Même si ce spectacle est basé sur du matériau du réel, le but est d’en faire un objet poétique et non un spectacle dans la lignée du théâtre documentaire. Même si j’aime beaucoup ce style, je n’ai pas envie de m’inscrire là-dedans. Pour l’instant, je ne sais pas si je vais faire appel à un auteur ou une autrice pour l’écriture… Je me laisse le temps de tout cela.

Même si vous êtes en laboratoire, avez-vous une idée du nombre de comédiens sur le plateau ?

Alexia Vidal : Je ne sais pas combien de comédiens il y aura… Je me questionne à savoir si je vais jouer moi-même car la thématique me tient vraiment à cœur, ça me questionne.   

À l’issue de cette rencontre, j’ai pu visionner les premières images tournées par Karine Debouzie, teintées d’onirisme et d’étrangeté. Le regard interrogeait l’image. Elle nous plaçait tel des explorateurs sur une terre inconnue. Le résultat était saisissant car ne sachant pas de quelle partie du corps dont il était question. Le corps devint alors cet immense terrain de jeu dont chaque pore peut faire parler l’humain. Le corps, la peau, le rapport à soi et à l’autre… la compagnie d’Alexia Vidal n’a jamais aussi bien porté son nom : Corps de Passage.

À suivre…

Laurent Bourbousson
Photo : Alex Nollet

Le site de la Compagnie Corps de Passage
Le site de Karine Debouzie
Sortie de laboratoire, le mercredi 11 avril 2018, à La Chartreuse – centre national des écritures du spectacle, à 18h30, entrée libre sur réservations. Renseignements : ici

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