[VU] Au Festival d’Avignon, Yinka Esi Graves, reine de la cour du lycée Saint-Joseph

21 juillet 2024 /// Festival d'Avignon - IN - Les retours
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Pour se faire, elle prend les traits de Lala, artiste de cirque immortalisée par Degas dans le tableau Mademoiselle Lala au cirque Fernando. La chorégraphe traduit en un acte des plus performatifs l’invisibilité des corps noirs dans la société, que ce soit celle civile ou bien du spectacle vivant.

Si à jardin, la guitare et les différents instruments joués Raúl Cantizano et le chant de Carmen Mori sont bien présents, collant parfaitement à l’idée du flamenco que le public se fait, à cour, la batterie de Remi Graves intrigue. L’apparition de Yinka Esi Graves se fait par touche. Cachée derrière une structure de filaments lumineux, ses jambes musclées laissent entrevoir la puissance annonciatrice dont il sera question tout au long de The disappearing act.

Tout est puissance

Tout est joué avec une puissance qui fait trembler murs et planches de la cour du lycée Saint-Joseph. La batterie martèle le tempo, la guitare et le chant se mêle savamment aux variantes de zapateados.

L’histoire que nous conte la chorégraphe puise sa source dans les histoires de colonialisme, de métissage culturel et d’effacement d’identité pour exister dans un monde uniformisé, et de ce jeu de cache-cache, il en sera question de bout en bout du spectacle. La voir gommer les traits de son visage, mettre une perruque brune, dans un des tableaux les plus vertigineux qui rassemble le français, l’anglais et l’espagnol renvoit le public à l’impérialisme qui fait l’histoire de tous les peuples.

La danse flamenca n’est pas pour autant absente de la démonstration. Bien au contraire, elle est puissante, enivrante et magnifique.

Un flamenco renouvelé

Et Yinka Esi Graves offre ainsi un flamenco déconstruit. Les différentes influences mises au plateau se répondent, s’entremêlent et font éclater une brillante relecture de cet art.

Ici, tout a le charme mystérieux et ineffable de l’esprit duende rapporté au flamenco. La chorégraphe devient matador, grâce à la transformation de son costume. Elle devient la maîtresse du rythme. Les moulinets avec ses poignets, les braceos, exécutés avec une précision laisse entrevoir l’appropriation de son enseignement du flamenco.

Elle brille de mille feux dans sa danse. Le jazz s’invite dans sa partition offrant ainsi un nouveau visage à cet art ancestral qui n’est plus l’apanage de l’Espagne mais bien d’identités multiples et multiculturelles.

The Disappearing Act. est rageux, puissant, sensible et énigmatique comme peut l’être ce dessin tracé à la craie par la chorégraphe ; et fait de Yinka Esi Graves, la reine de cette 78e édition du Festival d’Avignon.

Laurent Bourbousson
Crédit photo : ©Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon

Générique

À voir jusqu’au 21 juillet, à 22h, dans le cadre du Festival d’Avignon. Tous les renseignements ICI.

Avec Yinka Esi Graves et Raúl Cantizano (guitare), Remi Graves (batterie), Rosa de Algeciras (chant) /
Conception, mise en scène et chorégraphie Yinka Esi Graves  / Musique Raúl Cantizano / Lumière Carmen Mori / Son Javier Mora / Vidéo Miguel Ángel Rosales / Costumes Stéphanie Coudert / Régie son Enrique Gonzalez / Régie lumière Carmen Mori / Production María González Vidal (Trans-Forma Producción Cultural) 

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