Vu : Entre eux deux de Catherine Verlaguet, mes Adeline Arias

27 novembre 2017 /// Les retours
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Le Théâtre des Halles (Avignon) a reçu les 9 et 10 novembre derniers, l’une des pièces qui a marqué les bloggers d’Ouvert aux publics (retrouvez l’interview de Catherine Verlaguet et d’Adeline Arias ici). On est allé revoir Entre eux deux,  » pour s’assurer de la première impression « . Retour.

Revoir Entre eux deux pour s’assurer de la première impression.

Et constater que oui, tout est à sa place dans cette proposition. Tout. Les mots. Les émotions. Les lumières. Les sons. Tout est là où il devrait être. On le sent bien, Entre eux deux est certifié  » conforme à la vie « .

On ressort de la salle avec dans la tête les mots précieux de Catherine Verlaguet, le phrasé de deux comédiens – pampampam comme un train, les émotions à fleur de peau et – il faut l’admettre – le cœur débordant. Car Entre eux deux est une histoire d’abandon, de folie, d’amour, de trop, de vide, de silence, de fracas, … une histoire de tout le monde donc. C’est surtout une histoire d’impuissance.
De sidération aussi.

Mais revenons à la situation de départ. La recette pour une Rencontre ? Une nuit, une fille et un garçon dans une chambre d’hôpital, avant le départ pour la clinique. Un purgatoire donc où se retrouvent deux éclopés de la vie. Deux handicapés du social qui se reconnaissent d’une certaine façon. Les blessures agissent comme des aimants entre les êtres, c’est prouvé.

Pas de prénom dans cette histoire. C’est bien la preuve que cela peut être n’importe qui. On assiste donc à la rencontre entre Elle et lui, deux électrons aux énergies à la fois si différentes et semblables.

C’est l’histoire de deux impuissances qui s’expriment différemment et qui se font écho. L’histoire d’enfants confrontés au fracas de la vie et à la solitude que le hasard réunit.

Mathieu Béguier et Élise Hobbé ©Aurélien Serre

Pour elle, l’abandon est littéral. Sa mère l’abandonne. De ce drame sur le manège de la fête foraine, l’adolescente hérite (à vie ?) d’une agitation, d’un déluge de mots, d’une colère sourde, d’une tension difficile à retenir, qui se mue en violence spontanée quand trop c’est trop. La sidération, pour elle, laisse la place au combat. À une volonté farouche aussi, un gros  » FUCK  » à ce qui retient et emprisonne. Et en même temps, une très forte aspiration à la paix, aussi.

Lui, c’est l’opposé, du moins en apparence. Un vrai faux calme. Son corps est figé, sa langue liée. Pour lui, l’abandon est davantage symbolique, un abandon de poste dirait un psychologue peut-être. Une maladie mentale dans une famille, ça détruit le malade, et ça dévaste tous ceux autour. Alors oui, la « catastrophe », quand elle survient, c’est exactement ça. Elle laisse place à la sidération. Sonné. À vie, aussi. De ce jour, il conserve une contenance si forte qu’elle l’empêche de bouger. Une nécessité. Une manière de contrôler le temps. Car qui sait ? Si jamais il ne bouge pas peut-être que tout passera sans l’atteindre, peut-être même que tout redeviendra comme avant. Mais forcément à figer les choses, à l’intérieur ça se débat, ça saoule, ça déborde.

Alors vous imaginez bien. Elle parle trop et bouge sans arrêt. Lui est figé et mutique. Ils se complètent tout à fait. A ce stade, c’est mathématique. Vide + plein = un truc étrange, poétique et magique. C’est un vrai joli équilibre que cette rencontre. Chaque coin de l’un renvoie au coin de l’autre. Et là encore, c’est conforme à la vie. On ne dira pas assez combien les deux comédiens – Élise Hobbé et Mathieu Béguier – sont parfaits, chacun dans son rôle, dans ses gestes, dans son ton. Le rythme des phrases qui tourbillonnent, les spasmes qui figent, la colère qui agite, la peur qui fait se replier, tout y est, grâce à eux aussi.

On se surprend à attendre avec gourmandise d’entendre les personnages prononcer chaque mot. On suit les corps sur scène, la tension qui transpire de ces corps malaisés à leur manière propre. Et ce n’est qu’à la sortie qu’on prend conscience combien le corps du spectateur a lui aussi tout ressenti, tout re-vécu en harmonie douloureuse. Les comédiens, ces corps de substitution, ces machines à voyager dans le temps et les émotions.

Entre eux deux réussit à esquisser la magie d’une Rencontre, et c’est un véritable tour de force. Jusque dans l’invisible, dans l’indicible. Comme cette façon qu’ont les solitudes de se reconnaître et de se faire écho. Un truc de l’ordre animal, qui vient des tripes. Comme des battements de cœur irréguliers qui seraient une sorte de radar. Il faut l’avoir vécu pour l’entendre, ce qui se passe à l’intérieur de ces deux êtres. Difficile à montrer sur scène. D’où justement la force de la mise en scène d’Adeline Arias, de parvenir à révéler en finesse et en puissance, par des touches de lumières, de sons, l’intensité de ce qui se passe dans la tête et dans les cœurs. Et la scène, tout d’abord bien rangée, qui se transforme en chantier sous l’impulsion des deux personnages, sorte de métaphore dela vie, de la rencontre, et du choc que produisent les drames de la vie. On l’a dit. Tout est à sa place.

Camille Vinatier

Entre eux deux a été vu au Théâtre des Halles (Avignon).
Texte Catherine Verlaguet / Interprétation Mathieu Béguier et Élise Hobbé / Mise en scène Adeline Arias / Scénographie William Defresne / Lumière et régie lumière Catherine Reverseau / Son Zak Arias
Texte publié aux Éditions Théâtrales Compagnie À Présent

 

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