VU : Derrière le blanc de Jean-Antoine Bigot
Jean-Antoine Bigot livre, avec Derrière le blanc, une performance autour de la toile blanche. Retour.
Je ne verrai plus la page blanche de la même manière.
Alors que la compagnie chorégraphique Ex Nihilo œuvre principalement dans l’espace public, c’est à l’expression de l’intime et de ce qu’il y a de plus intérieur que Jean-Antoine Bigot nous invite. Dès l’entrée dans la salle, nous sommes dans un atelier d’artiste. Toile, peinture, outillage, pinceaux…
Il serait banal de dire que l’art prend vie sous nos yeux, c’est pourquoi je dirais plutôt qu’il prend CORPS. Qui s’intéresse au mouvement ne peut pas imaginer que l’artiste en train de peindre ou de sculpter ne soit pas traversé par cette énergie. Mais ce que nous communique de plus Jean-Antoine Bigot, dans cette pièce, c’est que TOUT est mouvement. Pinceau, bois, peinture, charbon, craie, pierre, scotch, truelle ; l’espace et les objets sont habités de son énergie et la musique live de Pascal Ferrari contribue à donner vie à cet espace lumineux. En effet, « Le petit théâtre de La Mouette » de la Maison Jean Vilar a fait place nette pour que « résonne » la toile blanche.
Il faut approcher la toile. Comme lors d’une première rencontre, il faut y aller doucement. C’est en s’allongeant sous sa toile que Jean-Antoine Bigot établit le contact. Qui de l’un ou de l’autre transmet de sa matière ? Est-ce la toile qui s’imprègne de l’énergie et du mouvement du danseur-artiste ? Est-ce l’artiste qui laisse la toile « l’inspirer » ?
Puis c’est toute l’énergie présente à l’intérieur d’un homme qui surgit. Il sublime tout ce qui est « derrière ». Derrière signifiant en lui, en nous. La toile prend corps et Jean-Antoine danse physiquement avec elle. Partenaire attentif, il l’écoute, la conduit mais parfois la bouscule aussi, comme pour lui dire : « je suis là », « regarde-moi », « parle-moi » ! Le bruit de cette toile tombant au sol résonne dans l’espace.
Au-delà de l’œuvre en train de se faire, c’est aussi de tout ce qui est « derrière » en chacun de nous, dont il est question, et qui résonne. Même si nous ne sommes pas tous artistes. Nous avons toutes et tous nos « feuilles blanches ».
Désormais, je ne verrai plus la page blanche de la même manière. Elle n’est plus synonyme de vide mais bien de plein !
Séverine Gros
Photo : Séverine Gros
Derrière le blanc a été vu dans le cadre de la 39ème édition du festival Les Hivernales (Avignon).
Conception : Jean-Antoine Bigot
Regard complice : Anne Le Batard
Musique live : Pascal Ferrari