[ITW] Hamid Ben Mahi présente Royaume au Festival L’ImpruDanse
Hamid Ben Hami fait sienne la parole des femmes, connues et inconnues, pleinement citoyennes de son Royaume.
Depuis votre premier solo autoportrait Chronic(s) en 2001, vous croisez danse contemporaine et hip hop, mouvements chorégraphiques et paroles pour dénoncer les souffrances sociétales. Dans Royaume, vous abordez la question de la brutalité faite aux femmes. Comment ?
À travers ce solo créé avec le metteur en scène-chorégraphe Michel Schweizer, j’ai appris que l’on pouvait faire résonner des textes, des mots, parler de soi, créer une pièce autobiographique. Par la suite j’ai décliné cette écriture entre prise de paroles sur le plateau et danse sur différents spectacles comme Sekel, La Géographie du danger, Toyi Toyi. La compagnie a aujourd’hui 23 ans et j’ai eu envie de créer une pièce avec six artistes féminines pour qu’elles puissent se raconter, évoquer les injustices et les inégalités. J’ai grandi dans une famille où j’étais le seul garçon parmi toutes mes sœurs, mes tantes et ma mère et l’injustice faite aux femmes me touche énormément. J’ai eu envie, à ce moment-là, d’en parler et d’en faire un acte artistique.
C’est important que vous évoquiez votre environnement familial car il résonne dans chacune de vos pièces.
Oui, la question de l’identité est très présente : qui je suis, où je vis et où je vais. Mes pièces posent la question de « la place » : est-on à la bonne place, avec quelle communauté, quelles sont les personnes qui nous entourent ? Au fur et mesure en parlant de soi, des origines, du racisme, des traditions, j’ai abordé de nombreuses questions et cela a conduit à beaucoup de rencontres et de débats après mes spectacles. Déjà en 2010 avec La Géographie du danger, adapté du roman d’Hamid Skif, on parlait d’exil et d’immigration. La question du racisme, des inégalités, de l’injustice et du non-respect change mais elle est toujours présente. C’était donc important pour moi d’avoir dans Royaume uniquement des artistes femmes et de faire résonner leurs bouts de vie.
Justement, à propos de vos interprètes, elles sont âgées de 25 à 45 ans. Ce ne sont pas les mêmes vies ni le même endroit dans leurs vies. Pour quelles raisons les avez-vous choisies ?
Il y a des danseuses avec lesquelles j’ai déjà travaillé, d’autres que j’ai auditionnées à Paris, à Bordeaux. J’avais besoin que ces artistes fassent un travail de parole, d’écriture de textes, qu’elles soient libres dans leur danse, individuellement et, en même temps, qu’elles adoptent les techniques qui m’appartiennent. J’avais besoin qu’elles soient à l’unisson et dans une esthétique que j’ai l’habitude d’écrire.
Au niveau de la danse, elles sont aguerries à quelles techniques ?
Elles viennent de la danse hip hop contemporaine mais certaines ont des spécificités comme le waacking qui est une danse de club, le popping où le corps se fige et crée des images, la house dance qui est aussi une danse de club avec beaucoup de jeux de pieds, ou encore du break. Il fallait qu’elles soient à la fois pluridisciplinaires, polyvalente et qu’elles aient leur propre signature.
Par rapport à la parole et à l’écriture, les textes de Royaume sont nés de quelle manière ?
Ce sont de vraies anecdotes de vie réécrites ensemble. J’ai choisi des séquences pour faire en sorte que le spectateur puisse voyager, mieux connaitre ces artistes, ce qu’elles vivent au quotidien dans leur vie familiale, professionnelle… Ce n’est pas direct, ni frontal, mais on comprend bien que la vie n’est pas facile, que leur place n’est pas gagnée même si les choses évoluent. Il faut continuer à plaider pour l’égalité et le respect pour tout le monde et à tous les endroits, continuer à faire bouger la société. Le but de la pièce est d’amener au débat, on n’a pas toutes les réponses mais on pose des questions.
Elle ouvre des pistes…
Oui. À un moment donné dans la pièce, on entend la voix de Simone de Beauvoir, de Simone Weil, de Gisèle Halimi et cela amène le spectateur – homme ou femme, jeune ou vieux – à une prise de conscience et à faire le travail ensemble. Au tout début du projet je me suis dit « je suis un homme, je vais chorégraphier des femmes, on va me pointer du doigt, je n’ai pas le droit de la faire ».
Au contraire ! En quoi c’était important pour vous de faire entendre des voix universelles ?
Leur engagement pour faire bouger les lignes, changer les mentalités, la politique, est très important. Je pense que c’était juste de faire résonner leurs paroles, c’est très fort, très touchant. Cela porte aussi les artistes dans une confiance qui leur permet de libérer leurs propres paroles.
Vous citez Hamid Skif dont vous avez adapté le roman. Vous avez souvent une filiation avec des textes d’auteur ?
Il y a eu une ou deux pièces où j’avais besoin d’être en dehors de mon histoire. Dans La Géographie du danger, j’avais envie de parler d’un sans papier, de retracer sa vie, son enfermement, le texte ne parle pas de sa traversée mais de ce qui se passe après, de l’autre côté : la peur, le quotidien, l’attente, la dépendance à l’autre.
Selon vous la danse peut porter toutes ces voix ?
La danse fédère, c’est un média extraordinaire. Tout le monde aime la danse, c’est un besoin vital de bouger son corps. La danse c’est une manière de vivre. C’est être en vie.
Propos recueillis par Marie Godfrin-Guidicelli
Crédit photo : ©Pierre Plancheneault
Générique
Retrouvez Royaume au Festival L’Imprudanse, le samedi 6 avril à 21h au Théâtre de l’Esplanade. TOus les renseignements, ici.
Chorégraphie et mise en scène : Hamid Ben Mahi – Regard extérieur : Hassan Razak – Scénographie : Camille Duchemin – Création musicale et arrangements : Manuel Wandji – Environnement sonore : Sébastien Lamy – Mise en lumière : Antoine Auger
Production : Compagnie Hors Série
Coproduction : L’OARA | Office Artistique de la Région Nouvelle-Aquitaine – La Manufacture Centre de Développement Chorégraphique National Nouvelle-Aquitaine Bordeaux • La Rochelle – Centre Chorégraphique National de Créteil et du Val-de-Marne | Compagnie Käfig direction Mourad Merzouki dans le cadre de l’Accueil Studio | ministère de la Culture – L’iddac, agence culturelle du Département de la Gironde
Accueil studio : Théâtre Jean Vilar | Eysines – Théâtre Le Parnasse | Mimizan
La compagnie est conventionnée par le Ministère de la Culture et de la Communication – DRAC Nouvelle-Aquitaine – Direction Régionale des Affaires Culturelles et subventionnée par la Région Nouvelle-Aquitaine, la Ville de Bordeaux et le Conseil Départemental de la Gironde.