Festival Uzès Danse, un festival qui déplace son public
Il est toujours réjouissant de découvrir la programmation du Festival Uzès Danse, qui se déroulera du 13 au 17 juin 2018. Avec 5 jours intenses et un travail qui se développe tout au long de l’année, Liliane Schaus propose une danse qui déplace le spectateur. Interview.
Définir Uzès danse
Est-ce que l’on pourrait définir votre programmation d’audacieuse, de pointue ?
J’ai beaucoup de retours de spectateurs qui pointent le fait que le festival est fait pour les initiés. Mais non ! Encore une fois, il n’y a pas plus de codes dans la danse que dans la peinture ou toute autre forme d’art. Avec la danse, on peut vous raconter des histoires différemment, on touche à l’ordre de l’émotion, de l’image.
On pourrait déterminer le festival comme un festival qui questionne, déplace le public, voir même le bouscule. Est-ce que cela vous convient ?
Il est vrai que ce qui m’intéresse se sont des propositions qui bousculent. L’opinion du spectateur que l’on accueille est très importante pour l’ensemble de l’équipe, mais je pense que l’on peut programmer des propositions décalées. La fonction de l’art est de déplacer le public. Et aujourd’hui, cela se vit de moins en moins. Durant ce festival, on retrouve des chorégraphes qui nous font réfléchir sur le monde dans lequel on vit et qui déplace le spectateur.
5 jours de festival
D’où vient le lien que vous entretenez avec l’ICI-CCN de Montpellier ?
Uzès Danse a toujours proposé aux jeunes chorégraphes de la formation exerce de présenter leur travail d’étude durant le festival. Il y a toute une génération d’artistes que l’on suit sur le long terme. Aujourd’hui, nous continuons cette collaboration autour de cette formation avec Christian Rizzo, mais de façon différente. Chaque année, nous accompagnons un artiste sur ses recherches pendant sa dernière année de formation.
Thiago Granato et Olivier Muller, présents dans la programmation, font partie de ces anciens élèves…
Thiago Granato est un chorégraphe brésilien qui vit à Berlin. Nous le connaissons depuis longtemps. Il est interprète chez Jefta van Dinther, notamment. Nous allons présenter les deux premiers volets de son projet Choreoversations qui est de s’approprier le vocabulaire et processus de trois couples de chorégraphes. Avec Trança (le 13 – photo ci-dessus ©Haroldo Saboia), il donne vie aux mouvements de 2 chorégraphes décédés, pour Treasured in the dark (le 14), il a rencontré 2 chorégraphes vivants. Le dernier volet, que nous accueillerons en juin 20189, traitera de deux chorégraphes imaginaires. Il prête son corps au dialogue avec ces chorégraphes, ce qui est totalement fictif, mais il crée son écriture.
Olivier Muller, lui, sort de la formation exerce. Nous l’avons accompagné sur sa dernière année. Il était affilié à notre structure en même temps que son Master 2. Son projet est en production déléguée, ce que nous n’avions jamais fait. Hoodie (le 16) est son premier solo. Il travaille, au travers de son langage chorégraphique, sur le déplacement des meutes avec la figure de la sorcière, en marge.
Le festival est aussi une question de fidélité. Parmi les fidèles, Fabrice Ramlingom, Malika Djardi…
On a découvert l’année dernière, Malika Djardi avec son solo, qui était un dialogue avec sa mère, Sa prière. Elle présente sa première pièce 3 (le 15), avec 3 interprètes qui traite de l’intelligence artificielle. Il y sera question de pouvoir.
Fabrice a été artiste associé. Il est parti travailler au Brésil chez Julia Rodrigues. Il a rencontré 3 danseurs de Bruno Beltrao et leur a proposé de travailler avec lui. Chacun raconte son parcours et comment la danse a pu les faire évoluer, de la favela à ce qu’ils sont aujourd’hui, dans Nós, tupi or not tupi ? (le 15). Il respecte leur vocabulaire et les amène dans le champ de la danse contemporaine. Il parle aussi de son rapport qu’il a eu avec ce pays.
Avec The automated spiner (le 14), Julian Hetzel va déplacer son public.
En effet ! C’est un artiste allemand qui vit à Amsterdam. Avec sa proposition, il pose la question du rapport à la guerre, à l’autre. Le public se trouve au centre d’un système ludique et fictionnel dans lequel le spectateur est invité à tirer des balles de peinture sur les artistes. Il est intéressant de voir comment le public peut agir, sans porter le moindre jugement. Tout ceci est fait avec beaucoup de maîtrise.
Emmanuel Eggermont va créer la première cité chorégraphique avec Polis.
C’est un chorégraphe qui est empreint de l’écriture de Raimund Hoghe, à partir de laquelle il a développé son propre langage. C’est un jeune auteur à l’écriture très précise, ciselée, travaillée. Il invente quelque chose de nouveau. Pour Polis, il travaille sur les différentes couches, strates de la cité. Il s’est inspiré de Soulages. C’est une pièce de groupe avec 5 danseurs sur le plateau. Il a transmis son écriture et chacun ajoute sa propre touche.
David Wampach, l’artiste associé au Festival Uzès Danse, présentera Endo (le 13) et sera présent sur les deux derniers jours du festival avec une carte blanche (les 16 et 17).
Endo ouvrira le festival. Cette pièce revisite l’histoire de la performance des années 80. Il revisite tout cela en duo avec Tamar Shelef, son interprète fétiche. C’est une pièce jubilatoire et libératoire
Nous lui avons proposé une carte blanche durant laquelle David a invité Bryan Campbell, Aina Allègre et Erwan (le 17). Ce sont tous des interprètes de David qui ont un travail d’auteur. La pièce de Bryan traite du rapport à la publicité, à la mode. C’est une conférence-performance. Aina est catalane. C’est une femme forte. Elle a travaillé sur les rites populaires des fêtes catalanes.
Ensuite, David nous a proposé de partager son travail de création (les 16 et 17). Il va permettre au public d’assister à quelque chose qui se fabrique. C’est une sorte de mise à nu. Ceci n’est pas simple pour un artiste. Et c’est généreux de sa part d’avoir accepté de jouer le jeu. On a voulu montrer ce que le public ne voit pas. Il y aura des choses qui se passeront ou pas. Ce sera une véritable expérience pour le spectateur et pour nous aussi.
Le projet La Maison
Avec la création de La Maison, votre studio mobile, cela vous permet d’aller sur le territoire. On en déduit que vous devez vous réinventer à chaque fois.
C’est tout à fait ça. Nous installons notre maison et on va créer là où on nous accueille. Cela nous permet d’aller au plus près du public, d’être présent dans des endroits où nous n’allions pas et d’accueillir des chorégraphes pour travailler, même si nous n’avons pas de lieux « en dur ».
Uzès Danse se développe à l’année. On peut vous rencontrer dans différents lieux à l’année.
Nous faisons des coréalisations avec les autres théâtres : le théâtre Le Périscope à Nîmes, Le Pont du Gard, La Maison de l’eau à Allègre-les-fumades, au Théâtre de Ganges… Même si en terme de fonctionnement notre budget à évoluer pour mettre en œuvre La Maison, il faut souligner qu’avec un budget constant pour l’artistique, les coréalisations nous permettent d’accueillir le même nombre d’artistes que lorsque le festival durait 6 jours et de développer notre programmation à l’année. Ce développement permet de s’étendre sur le territoire, de toucher des nouveaux publics et de mettre nos forces en commun.
Le teaser du festival
Propos recueillis par Laurent Bourbousson
Festival Uzès danse, du 13 au 17 juin 2018. Retrouvez toute la programmation sur le site La Maison – CDCN