[ITW] La Compagnie Maâloum, entre lecture et musique

27 février 2022 /// Les interviews
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C’est en 2017 que naît la forme actuelle de la compagnie Maâloum. Avec pour sous-titre “littérature et musique”, ses membres affichent clairement leurs intentions. Rencontre avec Maxime Le Gall, l’un des comédiens de cette belle compagnie.

Si vous n’êtes jamais allé à Carpentras pour découvrir leurs lectures musicales, vous avez pu voir et écouter la compagnie Maâloum à l’Ajmi dans le cadre de la programmation TEA JAZZ en janvier dernier lors de la lecture musicale de la nouvelle d’Alain Damasio, Les Hauts® Parleurs®, extraite de l’ouvrage Aucun souvenir solide (photo ci-dessus : Maxime Le Gall lors de la lecture musicale).

En accolant « Littérature et musique » à leur nom, la compagnie affiche clairement son terrain de jeu, celui de faire rencontrer les mots d’auteurs avec des créations musicales originales à chacune de leurs lectures.

Maâloum, une histoire d’amitié et de plaisir du mot

En premier lieu, on doit la création de la compagnie à la profonde amitié qui lie les comédien·ne·s Julie Minck, Aude Marchand, Maxime Le Gall, Rémi Pradier et le musicien Jérémy Cardaccia. Puis, il y a le plaisir du mot et celui de faire découvrir la littérature. “Nous avons fait le choix du créneau “littérature et musique”. La compagnie ne lancera jamais de productions de spectacles de théâtre. Nous proposons des formats découvertes, d’une durée de 30 minutes, ou bien des lectures musicales, d’1 heure 15. Pour ces dernières, nos choix se portent sur des autrices et auteurs avec une œuvre marquée. Une fois ce choix effectué, nous entamons un travail de découpage qui nous fait un peu plus traverser l’œuvre.” Donner une définition de ce qui les anime revient à dire pour Maxime : “Nous fabriquons une bibliothèque vivante avec cette envie de faire entendre la plume de l’écrivain gratter le papier”.

La compagnie Maâloum : Jérémy Cardaccia, Rémi Pradier, Julie Minck, Maxime Le Gall et Aude Marchand.

Si la compagnie est implantée à Avignon, leurs activités se développent sur une partie du Comtat Venaissin, héritage d’une collaboration avec l’association Bonheurs de lecture. “Lorsque l’association Bonheurs de lecture a décidé de mettre fin à ses activités en 2017, son directeur artistique, Louis Rama, sa directrice, Dominique Basson, et la libraire Agnès Bascou, ont lancé un appel à des professionnels avec lesquels ils avaient commencé à travailler, et dont nous faisions partie, pour poursuivre le travail de lecture développé jusqu’alors sur Carpentras et ses alentours. Nous avons eu envie de tenter l’aventure, celle de partager des lectures musicales d’œuvres. Et nous avons été retenus”.

Découvrir des œuvres de l’antiquité à nos jours

L’ensemble de la compagnie plonge dans la découverte d’œuvres de l’antiquité à nos jours. Ce large spectre de recherche leur permet de croiser des ouvrages majeurs ou plus intimes d’auteurs actuels, reconnus ou oubliés et de les faire découvrir au public, la musique jouant un rôle essentiel dans leurs lectures. “Elle n’est pas là uniquement pour les ellipses. Elle donne l’ambiance de la lecture. Toutes les musiques sont des créations originales. Nous recherchons comment les notes peuvent dialoguer avec la littérature. Comme nous nous mettons vraiment au service de la littérature, en occultant comment on entendrait le texte et en effaçant tout élément factuel dans sa lecture pour le restituer le mieux possible, la musique est essentielle dans notre travail. Tout l’imaginaire passe par les oreilles et par les corps.

Quand la littérature rencontre la musique

C’est un double travail qui commence alors pour la compagnie. D’un côté, le travail sur l’œuvre et de l’autre la commande musicale.

En préambule, nous nous informons de ce que chacun lit. Puis nous mettons tout en commun lors de nos comités de lecture. Nos fiches de lecture permettent de présenter l’œuvre et pour celui qui ne l’a pas lue, il doit être en mesure de poser des questions. Ces moments sont très riches. Il faut proposer, argumenter et parfois s’effacer derrière les arguments du collectif. Le choix des lectures musicales se fait à ce moment-là. Ensuite, on désigne un chef de chantier pour la mise en scène. Les choix artistiques se font vraiment à 5.” Puis, en un temps resserré, la partie émergée de l’iceberg que représente la lecture musicale se met en place pour les comédien·ne·s de la compagnie. Mais parfois, il se trouve que pour certains ouvrages, la compagnie fasse appel à d’autres voix. “ Cela a été le cas pour la lecture de Frankenstein ou le Prométhée moderne de Mary Shelley. Aude Marchand, la cheffe de chantier de cette lecture, est partie de l’écriture. Dans nos échanges, nous sommes arrivés très vite à l’évidence qu’aucun de nous ne convenait pour cet ouvrage. En mettant en parallèle l’âge de l’autrice lors de l’écriture du roman, notre choix s’est porté sur la comédienne Marion Bajot. Prochainement, nous allons travailler avec David Marchal. Pour les lectures, nous tenons vraiment compte de l’âge du personnage, ou du rapport à la voix, ou encore du parcours de l’auteur… nous explique Maxime. Idem pour notre musicien. Nous savons qu’il ne pourra pas faire toutes les dates. Il y a une énorme porte ouverte aux invitations !

C’est alors un dialogue qui se met en place avec les musiciens invités : “On décrit quel est le rôle dramaturgique de la musique dans la lecture. Elle a en plus de son rôle d’ellipse, celui de soutien rythmique et de renouveler l’intérêt du public. Nous savons pertinemment que pour le public le musicien est une machine à fiction. Il va projeter sur lui un rôle. Pour revenir à la lecture du Frankestein, le tromboniste Raphaël André était le docteur et la créature. Le musicien sait que son instrument va dégager des images. Ensuite, pour la création musicale, on raconte des ambiances de ce que l’on décèle lors de la lecture de l’œuvre puis nous sommes à l’écoute de ce que l’autre propose. Soit la musique est en rupture avec ce que l’on raconte, soit elle le prolonge. Cela amplifie la lecture et la met en valeur.

Apprendre à lire

Juste avant de se quitter, nous posons la question à Maxime celle de savoir si l’on apprend à lire : “Oui, et c’est l’objet de notre transmission. La compagnie propose des stages et il y a des outils évidents pour transmettre un regard, une respiration… Par exemple, pour nos lectures musicales, on décrypte l’élément graphique [le texte], cela est notre travail d’enquête qui est la dramaturgie. Au début de la compagnie, nous n’avions pas le même rapport avec le texte que l’on peut entretenir aujourd’hui. Cela nous nourrit énormément.” 

Entre les Bonheurs de lecture au Théâtre de la Charité (Carpentras), la Lecture du midi et celle du samedi à la Bibliothèque-Musée Inguimbertine, les reprises de lectures à travers les villages et la préparation de La nuit des nouvelles pour juin prochain sur Carpentras, les occasions sont nombreuses pour les découvrir en chair et en os. Mais cerise sur le gâteau, vous pouvez également les écouter grâce à leurs Radiophoniques, créées lors du premier confinement. 

La Compagnie Maâloum trace donc sa trajectoire en gardant son cap, celui de vous faire découvrir le plaisir du mot, et quel doux plaisir !

Laurent Bourbousson
Visuel : ©CieMaâloum

Toutes les informations sur le site de la compagnie : ici
Prochaine date : Mardi 8 mars – Bibliothèque-Musée Inguimbertine (Carpentras) : Lecture du midi : De pierre et d’os de Bérengère Cornut.

Sensible à la démarche de la compagnie, Ouvert aux publics donne carte blanche à ses membres tout au long de l’année. Nous les retrouverons régulièrement dans nos pages.

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