[ITW] OFF19 : Julie Timmerman pour Un Démocrate

22 juillet 2019 /// Les interviews - OFF
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Découvrez un extrait de l’interview de Julie Timmerman – Le Cie Idiomécanic, et retrouvez son intégralité dans la REVUE #5

En 2017, le public du festival Off découvrait Un démocrate de Julie Timmerman, au théâtre Chapeau d’Ébène. En juillet, la compagnie revient avec cette création à la Présence Pasteur.

Interview de Julie Timmerman, autrice et metteuse en scène de la compagnie Idiomécanic, qui fait de son théâtre, une œuvre politique.

Un démocrate ou la question du pouvoir

Avec Un Démocrate, vous traitez le sujet de la manipulation des masses. D’après vous, est-ce qu’Edward Bernays aimait l’humain, la société ?
Pour répondre à cette question, il faut bien se remettre dans le contexte historique, au début du XXe siècle. Bernays naît à la fin du XIXe s., c’est le neveu de Freud. Au début du XXe s., il est l’un des premiers à théoriser une nouvelle psychologie des foules et à en tirer des techniques de manipulation qui deviendront très connues, et sont encore utilisées aujourd’hui. Mais à l’époque, il était dans un mouvement progressiste. Les féministes faisaient appel à lui pour promouvoir leur mouvement. Il a œuvré pour elles. Il a également lutté contre le racisme, a travaillé à donner du travail aux gens à leur retour de guerre. Il est vrai que l’on parle très peu de ces aspects progressistes dans la pièce, mais ça a existé.
Il faisait tout cela par goût de la démocratie, il trouvait cela utile. Sa pensée était que la société d’alors avait trop de sollicitations différentes, qu’il était très difficile de choisir quoi acheter, pour qui voter, quelles opinions adopter…. Il s’était donné pour mission d’informer les gens. Son point de vue était nouveau, progressiste et démocratique, au début de sa carrière. Évidemment, cet aspect philosophique ne tient pas longtemps car il fait cela pour des clients qui le payent très cher. Il y a énormément d’argent en jeu. Il justifie toutes ses actions dans le sens où il fait des choses pour le bien public.

Le rapport à l’écriture

Vous êtes l’autrice d’Un démocrate et également de votre prochain spectacle Bananas, dont vous avez fait lecture, dernièrement, au Théâtre du Rond-Point (Paris).
Tout à fait. Bananas raconte un épisode dont on fait état dans Un Démocrate : le coup d’État, au Guatemala, organisé par la C.I.A., à l’instigation d’une grande compagnie bananière qui avait pris ses quartiers dans une grande partie de l’Amérique latine. C’est l’histoire de cette multinationale de l’agroalimentaire que je traite. Elle prend un tel pouvoir, tout au long du XXe s. qu’elle arrive à faire un coup d’état, à faire changer les lois. On assiste à la mise en place des méthodes que l’on dénonce aujourd’hui : ces fameux tribunaux d’arbitrage auxquels une multinationale peut faire appel lorsqu’une loi nuit à ses intérêts. On assiste là à un déni de démocratie et c’est de cela dont je voulais parler dans ce nouveau spectacle.
Le texte a été retenu par le comité de lecture de La piste d’envol du Théâtre du Rond-Point.
Nous allons faire d’autres lectures à Avignon, durant le festival. Cela nous permet de monter la production. La création se fera à l’automne 2020.

Avez-vous l’impression que, depuis l’écriture du texte Un Démocrate, les programmateurs découvrent véritablement votre travail ?
Il est vrai que le passage à l’écriture semble rendre cela plus évident pour eux.
Je pense qu’avec ce texte, je me situe dans un créneau d’engagement social et politique. Le théâtre engagé n’est pas énormément répandu aujourd’hui ; arriver à raconter la grande histoire, afin de parler des problématiques du temps présent, et ainsi avoir un vrai discours politique c’est, pour moi, ce que doit être la place de l’artiste aujourd’hui. C’est vrai que l’on a mis cela de côté pendant un certain temps, mais ça revient. Je vois des compagnies qui ont ce désir-là. C’est là-dessus que les professionnels m’identifient même si j’ai déjà fait 4 spectacles auparavant. J’ai toujours axé mon travail sur la manipulation, sous toutes ses formes. J’avais fait un spectacle sur Orwell, sorte de prémisse d’Un démocrate.

Les projets

L’année dernière, le public a pu vous retrouver à la mise en scène d’un opéra-comique, Le mariage du diable de Gluck, à la Chapelle du Verbe incarné – TOMA. Comment en êtes-vous arrivée à cela ?
C’est Carib’Opéra, collectif de chanteurs lyriques antillais, qui s’est créé afin de faire connaître leurs talents peu représentés sur les scènes internationales. Ils m’ont proposé de les mettre en scène. Cela a été un bonheur fou ! J’ai monté l’opéra-comique de Gluck comme une fable sociale, que l’on a placé durant le carnaval antillais. On a, à la fois, la musique de Gluck, la farce et toute la saveur des chants créoles traditionnels attribués au spectacle, ainsi que l’univers du carnaval avec le Diable en rouge. Il y a toute cette atmosphère du carnaval antillais que j’ai pris plaisir à explorer.

Un démocrate poursuit sa tournée. Bananas suivra. D’autres projets d’écriture ?
J’ai écrit un texte sur la bipolarité, que je monterai après Bananas, en 2021 certainement. Il a pour titre Zoé. Je continue cette écriture personnelle. Je le fais sereinement avec une équipe artistique, technique et administrative qui s’est trouvée autour de la création d’Un démocrate. Un peu comme si j’avais passé un cap à ce moment-là. Ce sont des gens avec lesquels j’ai envie de travailler longtemps.

Dates et générique

UN DÉMOCRATE de Julie Timmerman; jusqu’au 28 Juillet 2019, à la PRÉSENCE PASTEUR à 14h40 – Rue du Pont Trouca – Avignon
Interprétation Anne Cressent Mathieu Desfemmes Jean-Baptiste Verquin Élise Noiraud Dramaturgie Pauline Thimonnier Scénographie Charlotte Villermet Lumière Philippe Sazerat Musique Vincent Artaud Son Michel Head Costumes Dominique Rocher Assistante mes Claire Chaineaux ı Stagiaire Christine Nogueira Administration Gingko Biloba

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