Les Silences Obligés (LSO) #4

10 octobre 2015 /// Compagnie 2 temps 3 mouvements
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Année chargée pour la Cie 2 temps 3 mouvements, du chorégraphe Nabil Hemaïzia, avec les créations de Les Silences Obligés (LSO) en octobre 2015 au Théâtre de Nîmes, et Du chaos naissent les étoiles pour Montpellier-Danse 2016. On reprend le suivi de création là où tout s’était arrêté l’année dernière (pour mémo : LSO #1, LSO #2 et LSO #3).

Une année nous sépare entre l’arrêt de la création de Les Silences Obligés (LSO), suite à la blessure de Nacim Battou (interpète), et de sa reprise. L’urgence est la même que l’année dernière, 4 semaines pour créer LSO, avec une audiodescription en prime, car le projet repose sur l’ouverture à l’art chorégraphique pour les personnes avec un handicap visuel (Kiss Kiss Bank Bank Danse et sens). Cette donnée nécessite une écriture rigoureuse du geste. 4 semaines, donc, est bien peu pour une création. De la reprise à Quimper, fin septembre, à aujourd’hui, au théâtre de l’Odéon (Nîmes), 2 semaines et demie se sont écoulées.
C’est durant tout un après-midi que Nabil Hemaïzia m’a ouvert les portes du théâtre. J’ai pu assister alors à ces moments précieux durant lesquels les différents états, que peut traverser un danseur dans l’acte de création, ont fait jour.

"... la solitude à laquelle est confrontée tout danseur dans sa recherche peut se lire sur le visage de Nacim Battou." - ©LB

« … la solitude à laquelle est confrontée tout danseur dans sa recherche peut se lire sur le visage de Nacim Battou. » – ©LB

Si dans la grande salle de l’Odéon, la création lumière s’affine et se cale (on notera ici le travail efficace de Denis Rateau), dans la salle du haut, lieu d’échauffement, Nacim Batou cherche, compose et affine les facettes de son personnage, sur les pistes de recherche de Nabil Hemaïzia. Il réalise ici un travail considérable, celui de reprendre un rôle, dont les contours se dessinaient à peine il y a un an, afin de le faire sien. C’est une certaine complexité qui se dégage de la tâche. En effet, la réflexion sur le propos et les projections sur le personnage ont évolués et ne sont plus les mêmes que l’année dernière. La danse est une question d’état du danseur, du moment, de cet instant fragile et poreux dans lequel advient le geste, le vrai.

Dans cet espace qui relève de l’intime, la solitude à laquelle est confrontée tout danseur dans sa recherche peut se lire sur le visage de Nacim. Le doute, le questionnement, l’attente construisent ce que sera le geste, l’intention du mouvement. L’idée achemine le mouvement. Cet état traduit l’être et le vivre de l’interprète, ce temps durant lequel on devine les déplacements retracés dans la mémoire pour arriver au nœud qu’il faut défaire pour faire évoluer l’histoire.
Afin de sonder les différentes facettes de l’homme, Nacim écoute différentes musiques (Gorecki, Ibrahim Maalouf, Mayra Andrade…) et se laisse aller aux mouvements, les questionne, les défait. Vecteur essentiel de la chorégraphie, la musique influence et matisse le mouvement.
Le regard de Nacim se fait introspectif, songeur, par moment. Et tout à coup, 5-10 minutes après un temps de repos à retracer l’histoire, il se projette dans la danse pour délivrer ce qui construit son personnage afin d’inscrire ses mouvements dans le corps.

Nabil Hemaïzia - ©LB

Nabil Hemaïzia – ©LB

Après trois heures de recherches et d’écriture physique, Nacim Battou et Nabil Hemaïzia se préparent pour l’ultime filage du jour. Le baluchon qui sert de décor suscite des interrogations. Au centre de cette crispation, sa malléabilité. Il faut alors appréhender au maximum les petites contrariétés afin de les évincer pour rendre plus libres et plus fluides tous mouvements sur le plateau. La concentration doit se faire sur l’essentiel, les intentions de jeu.

Le noir se fait. Si certaines liaisons ne sont pas encore appréhendées, le propos, lui, transpire du plateau. Le je, en question, devient par moment cet autre en soi. Nacim Battou oscille entre le jeu de miroir et les reflets de l’humanité. Les effets lumière collent à cette histoire, de celui qui quitte sa terre (natale, familiale…) pour aller vers. Reste ces quelques jours avant la création pour modeler, effacer les aspérités, et inscrire de manière durable et tangible les mouvements.

Les Silences Obligés ont le goût et la texture qu’ils n’auraient pas eu si ils avaient été créés l’année dernière et font de Nabil Hemaïzia un chorégraphe à part entière. Ils sont bel et bien une ode à nos racines, que l’on soit d’ici ou d’ailleurs. Une ode poétique, violente, avec ce brin de nostalgie qui lui sied bien.

Laurent Bourbousson

A découvrir : Les silences obligés dans le cadre du festival Tout simplement Hip-Hop – association Da Storm, au Théâtre de Nîmes, le 16 octobre 2015, à 20h00.

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