Les Silences obligés #1
La proposition faite à Nabil Hemaïzia, du Collectif 2 temps 3 mouvements, à l’issue de son festival Off d’Avignon (boudoir du off 1 et boudoir du off 1bis) de le suivre sur sa prochaine création, a retenue toute son attention.
En effet, le double enjeu de ce suivi repose sur le fait que la création Les Silences Obligés se fait en un temps record (7 semaines alors qu’habituellement cela peut s’étendre jusqu’à 10 ou 14 semaines) et que le spectacle sera accessible pour le public aveugle ou malvoyant, en audiodescription réalisée par Accès Culture (mais on reparlera de tout cela plus tard).
Nabil Hemaïzia forme avec Nacim Battou, déjà interprète du percutant Prêt-à-Penser, le duo de cette création qui doit sa naissance à l’invitation de l’association Da Storm, basée à Nîmes, dans le cadre du festival Tout simplement Hip Hop.
En se donnant rendez-vous à la rentrée, ni Nabil, ni moi, ne savons quel chemin prendra ce suivi de création. C’est cette aventure que nous avons décidé de vous faire partager.
Le premier rendez-vous se passe à Nîmes à l’issue de la première semaine de résidence au Collège Condorcet. Je retrouve Nabil et Nacim en pleine séance de répétition.
Cette semaine marque le retour de l’épreuve physique après un mois de vacances. Le corps devant alors se réhabituer à l’effort.
Je m’installe dans un coin de la salle et m’imprègne de l’ambiance générale. Ambiance très studieuse car le compte à rebours est enclenché.
Les deux semaines du mois de juin (début de résidence de création) sont loin mais la réflexion a fait son chemin. Le thème est bien là, chacun le fait sien.
Les Silences Obligés nous emmèneront sur les traces des peuples frappés d’exode et du questionnement que cela peut soulever chez les enfants et arrières petits enfants. Faut-il parler ou taire ces histoires et faire de ces silences obligés, une réalité que l’on arrange soi-même, comme une fuite en avant ?
Nabil Hemaïzia me confie prendre appui sur son histoire personnelle pour créer, et Nacim Battou, à son tour, m’indique que son histoire personnelle lui sert pour mieux interpréter ce rôle. Mais lorsque je parle avec eux séparément, je m’aperçois que chacun projette ses propres interrogations et métamorphose, à volonté, leur histoire individuelle pour en faire une histoire universelle.
Les premiers gestes dansés esquissent ce départ, une rencontre quelque part, entre l’ici et l’ailleurs, sur une terre d’accueil. Je suis saisi par l’expression de Nacim Battou. Bien qu’en répétition, il y a une histoire qui est bien visible dans son regard. Ce danseur ne triche pas. Tout comme Nabil Hemaïzia.
Puis tout à coup, un moment intense éclos de cette semaine. Nabil se saisit d’une flûte et se met à jouer sur un fond sonore. Un moment tout en douceur qui raconte le déchirement à une terre, l’adieu aux siens, l’errance dans laquelle se retrouve tout homme loin de chez lui. C’est émouvant. Peut-être un moment à creuser, à fouiller, à interroger pour lui permettre de vivre sur scène…
A l’issue de ces deux heures durant lesquelles les gestes seront répétés et répétés, le propos s’affine, leur hip hop aussi tout comme leurs histoires personnelles. Les Silences Obligés méritent que l’on en parle maintenant.
Laurent Bourbousson