Pourquoi faut-il aller voir Notre classe, mes de Justine Wojtyniak

24 avril 2017 /// Les retours
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10 acteurs pour un ensemble choral ou comment des enfants se retrouvent tiraillés par les préceptes religieux et l’histoire géopolitique d’un pays, une fois grands.

Justine Wojtyniak a réalisé un savant travail en mettant en scène le livre de Tadeusz Slobodzianek, recueil de témoignages de survivants qui se sont sauvés des pogroms (terme désignant des attaques violentes commises sur des Juifs par des populations locales non-juives dans l’Empire russe et dans d’autres pays).

Un vestiaire à jardin, sur lequel sont suspendus des vêtements, une contrebasse en fond de scène, et les comédiens déjà présents sur le plateau constituent les premiers éléments de cette fresque, que le public s’apprête à vivre.
L’ensemble des comédiens semblent errer dans l’espace de jeu qui leur est imparti. Tout en étant véritablement humains, l’idée, que leurs esprits qui habitent le lieu, est renforcée par le jeu de lumière. Durant les 2h30 de la représentation, aucun des comédiens ne sortira du plateau et tous resteront unis dans la douleur, dans la violence ainsi que dans le jeu douloureux des trahisons que va leur dicter leur histoire commune, celle de la Pologne durant la seconde guerre mondiale.
Notre classe relate un fait historique, celui d’une classe d’école de Jedwabne, village polonais, dans laquelle les camarades innocents vont devenir les pires ennemis en grandissant. C’est la question de la religion, dans un premier temps, qui se posera dans cette classe réunissant catholiques et juifs. Bien que l’innocence soit de mise, les paroles dites par les enfants traduisent la pensée des adultes et sont le témoignage d’une tranquillité précaire du vivre-ensemble des deux communautés. De par les paroles, tous assistent impuissants à la construction du schéma de la haine de l’autre et laissent entrapercevoir les prémices de ce qui amènera au génocide, perpétré au nom de l’Allemagne nazie.

Justine Wojtyniak réalise bien plus qu’une simple mise en scène avec cette proposition. Elle fait la démonstration que des faits historiques relevant de l’histoire d’un pays coïncident avec l’histoire sociale et politique planétaire que l’on vit actuellement. Tout en embrassant la véracité des propos, elle insuffle l’idée que la monstruosité humaine, qui habite la proposition du début à sa fin, est malheureusement universelle. Elle décrypte ainsi le mécanisme de la haine, de l’envie d’anéantissement de l’autre, qui demeure intrinsèque à la nature humaine. Notre classe est un spectacle bouleversant et nécessaire, qui éclaire la triste réalité des guerres que l’humanité a vécue, qu’elle vit et qu’elle vivra encore, à moins que l’Homme n’arrive à s’élever pour penser et vivre autrement, ce qui lui serait salutaire.

Laurent Bourbousson

Notre Classe a été vu lors du Fest’Hiver 2017, festival des Scènes d’Avignon, et est à voir du 24 avril au 12 mai 2017, les lundis, mardis & mercredis à 20h30, au Théâtre de l’Épée de bois, Cartoucherie, Paris 12ème.

Jusqu’au 15 mars 2019, au Théâtre Suresnes Jean Vilar (Suresnes)

Découvrez l’interview de Justine Wojtyniak

Photo : ©Ania Winkler

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