Vu : Seul(e). Les oiseaux, de Nans Martin
Le projet Seul(e). Les oiseaux, créé par Nans Martin, artiste associé au Théâtre Golovine pour l’année 2017, a cette particularité d’être présenté une seule fois. Retour.
Seul(e). Les oiseaux, tel est le titre de la dernière création de Nans Martin, l’un des « Garçons sauvages » de Camille Ollagnier, et dont on a vu et adoré à Avignon, aux Hivernales, chez Golovine ou à la Condition des Soies en été, L’angle mort, Parcelles, ou D’œil et d’oubli, pièce sur le deuil, la solitude et la nécessité de faire groupe pour avancer ensemble.
Bouleversé par le drame des migrants, le danseur et chorégraphe, artiste associé cette année 2017 au Théâtre Golovine, a voulu confronter sa démarche de danseur dont » le métier est de se mettre en marche chaque jour » avec ce qui est une nécessité vitale pour ces migrateurs. Et pour expérimenter » dans la réalité, comment on tient debout, se met en marche, regarde l’autre, fait groupe, ou au contraire comment se multiplient les solitudes « , il a choisi de travailler avec un groupe d’amateurs avignonnais non danseurs. À l’exception de Sylvie Da Silva, danseuse amateur qu’il a entraînée dans l’aventure.
Quatre week-ends de travail plus tard, entre février et mai, et avec l’aide intense de Claire Malchrowicz, danseuse de sa compagnie Les laboratoires animés, Nans Martin a lâché ses merveilleux Oiseaux mardi dernier 16 mai.
Le dernier rivage ou le premier ?
Sur le plateau de Golovine, large mais peu profond, dix-huit personnes. Hommes, femmes, pieds nus, de tout âge. Jeunes ou pas. Chacun, différent de l’autre. Errance, fatigue… on les sent perdus et pourtant arrivés quelque part. En bord de mer sans doute, la bande son (très discrète) de Sylvain Ollivier, le compositeur complice de Nans Martin, le laisse à penser. Ils se couchent ou plutôt se laissent tomber, restent ainsi. En tas, presque, proches les uns des autres mais chacun, regard perdu, comme seul. Rejoignant ici et là un sac de couchage abandonné.
Une femme, âgée, ne trouve pas le repos et marche sans cesse. Du groupe éparpillé, se relève l’un ou l’autre, qui reste debout, immobile, et que la dame âgée frôle en passant. Beaucoup d’effleurements fragiles, tendresse à peine esquissée, douloureuse, regards en attente… Parfois tous et toutes se mettent en mouvement et se regroupent. Esquissent une danse de semi-noyés qui oscillent comme des vagues. Frange titubante mais les mains font lien. Flux et reflux somnambules. Échouage, échec et tentative d’envol. La dernière image les voit, couchés, se relever l’un après l’autre dans une extrême lenteur, se remettre en marche en attrapant une main, un pied, former une chaîne qui les aide à s’extraire du plateau, peu à peu : Sauvés ? Bouleversant en tout cas. D’autant que ce spectacle « d’amateurs », proche de <em<D’œil et d’oubli par son travail sur le groupe et la solitude, la violence de la vie et une fraternité possible, était unique : il ne se rejouera pas.
Daniele Carraz
Seul(e). Les oiseaux a été vu au Théâtre Golovine, le mardi 16 mai 2017.
A retrouvé le 6 juin 2017, à Micadanses-Paris et le 11 juin 2017 dans le cadre de June events (Paris) avec d’autres amateurs et non-danseurs.