Vu #OFF17 : Ombres sur Molière de Dominique Ziegler
Pouvoir, théâtre, courtisans… le monde du théâtre contemporain n’a rien inventé. Plongez au cœur de la troupe de Molière avec Ombres sur Molière de Dominique Ziegler. Retour.
C’était le temps où le politique était intimement lié au religieux. Un temps où la liberté de railler le pouvoir pouvait coûter cher, où les gens de théâtre étaient peu de choses. C’était un temps…
Nous voici donc plongés au cœur de la troupe de comédiens que Molière a constituée. L’auteur favori du Roi, jouit d’une protection absolu et c’est à Versailles qu’il officie avec une liberté, qu’il croit acquise à jamais. On retrouve la troupe au moment où un des comédiens rapporte à Molière que Jean Le Sage, comédien de son état mort ce jour, a été jeté dans la fosse commune. Mis en cause : sa profession qu’il n’eût le temps de renier face à un curé, en retard, pour l’extrême onction. C’est avec une rage non dissimulée que Molière se lance dans l’écriture de Tartuffe, pièce sur les attitudes religieuses, contre l’avis de tous. Et cela lui coûtera bien des malheurs.
Partant de ce fait historique, Dominique Ziegler revisite la vie de troupe de théâtre au XVIIème siècle. Pièce écrite en alexandrins, l’auteur place l’action en son temps avec une résonance contemporaine particulière. Tous les mots pensés et réfléchis instruisent à merveille complots, pressions et autres manigances et questionnent la place du théâtre et des comédiens dans une société.
Si les comédiens (Yves Jenny, Caroline Cons, Jean-Alexandre Blanchet, Yasmina Remil, Jean-Paul Favre et Olivier Lafrance, tous à la hauteur du texte) évoluent en habits d’époque, Dominique Ziegler signe une pièce d’une terrible actualité. Il n’est donc pas fortuit de voir des correspondances entre Ombres sur Molière et certains événements de rejet autour de l’art, ou des querelles entre anciens auteurs et la jeune garde, ainsi qu’un retour du religieux dans certaines réactions d’une violence inouïe envers des pièces.
Ombres sur Molière est une pièce vivante tant par les mots que par les situations. L’auteur écrit une partition tout en nuance pour chacun des personnages. Il ne se place pas ainsi pour ou contre le pouvoir, pour ou contre les idées que chacun défend. Bien au contraire, il invite le public à s’emparer des dires, à se forger une opinion, sa propre opinion, pourvu que l’on puisse argumenter.
La pièce met à l’honneur les coulisses du théâtre du XVIIe et d’aujourd’hui, servie par une langue qu’il devient rare d’entendre. Aux amoureux des mots et aux désireux de découvrir la capacité d’écrire en alexandrins, on ne saurait trop vous conseiller cette proposition. Pour les autres, Ombres sur Molière est une pièce intelligente et intelligible. Allez-y !
Laurent Bourbousson
Ombres sur Molière de Dominique Ziegler, jusqu’au 30 juillet (relâche le 24 juillet), au Théâtre du Chêne Noir.
Mise en scène : Dominique Ziegler
Avec : Jean-Alexandre Blanchet,
Caroline Cons, Jean-Paul Favre,
Yves Jenny, Olivier Lafrance
et Yasmina Rémil