VU : Dans la solitude des champs de coton, mes Alain Timár
Alain Timár signe une adaptation faite de partis pris pour sa vision du texte Dans la solitude des champs de coton de Bernard-Marie Koltès. Retour.
Alain Timár ne fait effectivement pas les choses à moitié. En signant son adaptation du texte emblématique de Bernard-Marie Koltès, Dans la solitude des champs de coton, il ne fait pas l’économie de l‘épure.
Le plateau est rempli d’un tout qui situe le spectateur dans un lieu, celui d’un hangar désaffecté, et dans un espace-temps, la nuit. Tout commence par le bruit assourdissant de la batterie, qui réveille l’humanité.
Le parti-pris de la musique
Le batteur Pierre-Jules Billon a rejoint ce dialogue le transformant ainsi en trialogue. La partition musicale accompagne le phrasé mélodieux, sert de ressort aux échanges et module les intentions et tensions du dialogue à l’envi. Les variations sonores sont faites avec tact, et permettent aux interprètes (Robert Bouvier et Paul Camus) de jouer avec les multiples facettes de leur personnage et de laisser échapper les fêlures de leur âme.
Alain Timár a rêvé de cette musique et force est de lui reconnaître qu’elle convient parfaitement à l’écriture aride, qui entremêle moments poétiques et digressions. La musique devient ce personnage invisible, compagnon de route des deux hommes.
Deux hommes pour des paroles sur l’humanité
Koltès a mis, effectivement dans ce dialogue, toute l’humanité existante dans ces deux hommes. Les soliloques de début, qui mettent en situation les deux personnages, semblent, néanmoins, échapper à l’un et à l’autre des interprètes.
Petit à petit, les langues se délient et les postures se font plus légères, comme s’il fallait un moment aux comédiens pour
apprivoiser la langue de Koltès, complexe et d’une richesse certaine, afin de plonger dans ses confins et de dessiner leur jeu.
Le duo devient fort lorsque les rôles se troublent et que l’un entraîne l’autre dans sa valse.
La ressemblance, entre les deux protagonistes, se dessine au fur et à mesure de l’échange. Le metteur en scène, connu pour son univers de plasticien, n’hésite pas à faire de ses deux personnages des hommes d’argile, effaçant ainsi toutes différences. C’est ici que le texte de Koltès reprend toute sa force, avec cet effet. L’individu s’efface et nous pose la question de l’asservissement et du pouvoir, frontalement.
Alain Timár fait surgir toute l’ambiguïté des relations humaines et place le public en témoin de ce moment où chacun peut se retrouver dans le regard de l’autre. Dans la solitude des champs de coton est une pièce qu’il faut laisser grandir, afin d’en goûter chaque mot, sur un air de batterie.
Laurent Bourbousson
Dans la solitude des champs de coton de Bernard-Marie Koltès
Mise en scène, scénographie Alain Timár
Assistante à la mise en scène Lee Fou Messica assistée de So Hee Han, musique Pierre-Jules Billon
Avec Pierre-Jules Billon (batterie), Robert Bouvier et Paul Camus
Vu le 10 mars et à découvrir lors du prochain festival Off 2017, au Théâtre des Halles (Avignon).