F(s) Féminin singulier pluriel
Voilà elles sont 750,
elles sont courageuses et déterminées,
elles sont réalisatrices, comédiennes, étudiantes, metteuses en scène, écrivaines, journalistes…
Elles sont des Femmes et ne veulent pas être traitées à part.
Ah ! J’ai omis de dire qu’elles étaient forcément belges… Elles ne se contentent pas de râler, elles agissent, sans peur du regard ou de représailles pour leurs futurs engagements, avec leurs moyens qu’elles mutualisent et sans un effet de réunionite aiguë, elles foncent !
Elles sont belges, de naissance, de sol ou de cœur. La diversité et la mixité aussi elles les revendiquent. Elles sont pluriel(le)s.
Elles s’insurgent face à une xiéme nomination d’un directeur de théâtre bruxellois parmi trois candidatures féminines dans la « short list » et une majorité dans les postulants (13 femmes se sont présentées et 9 hommes). Et en particulier, que ce soit au Théâtre des Tanneurs, dans ce lieu où il aurait été hautement symbolique de mettre une femme aux commandes pour succèder à son ancien directeur.
La nomination d’Alexandre Caputo, qu’elles ne remettent pas en cause au niveau de sa compétence, il est important de le préciser, a pourtant mis le feu aux poudres car cela a en plus entériné un petit jeu de chaises musicales, de dirigeants déjà implantés dans la place. En effet Alexandre Caputo, est connu comme conseiller à la programmation du Théâtre National de Bruxelles et pour avoir développé jusqu’à une présence au sein du In d’Avignon durant plusieurs années le Festival XS, consacré aux formes courtes. Un Festival qui a fait ses preuves, comme l’homme, ce qui est l’argument du CA des Tanneurs pour expliquer son choix.
Élire une femme aurait-il été plus risqué ?
La carte blanche, envoyé mardi aux média par ce groupe de femmes prouve le contraire : « Beaucoup ont du savoir, des visions, des projets, de l’entregent, des puissances de travail, des idées et des compétences multiples et… de l’expérience ; dont une très singulière : celle de savoir réellement ce qu’est l’appartenance à une classe minorisée et, de ce fait, devoir se battre en permanence. Cela peut donner un certain courage, nécessaire dans ce type de fonction quand on veut faire quelque chose de neuf.
Nous ne pouvons dès lors qu’exprimer d’abord notre colère et notre écœurement mais aussi notre désir de justice, d’égalité, de décloisonnement et de décolonisation . »
Le collectif F(s),
C’est cette immense colère, la fois de trop et de trop nombreux questionnements qui ont mobilisé ces 750 femmes rassemblées sur FB puis pour certaines d’entre elles en petit comité et enfin en grande réunion, vendredi dernier. Elles se sont regroupées en assemblée et ont créé un collectif de femmes qui s’intitule F(s)*.
Elles se définissent ainsi : « Nous, ces femmes, F(s), professionnelles de la culture – de tout âge, origine, classe et orientation confondues, sommes révoltées de constater une fois de plus la non-représentativité des femmes dans le secteur des arts de la scène due à la persistance d’un système instauré et maintenu depuis des siècles par l’homme occidental blanc. Un système qui s’accompagne toujours de la négation des minorités, nombreuses, et de notre sexe, pourtant majoritaire. »
Elles veulent avant tout réfléchir et comprendre cette situation pérenne d’inégalité Hommes-Femmes au sein des institutions artistiques : « Nous voulons que soit interrogé précisément le processus qui a conduit à ce choix :
– Comment un CA qui a fermé les yeux, voire couvert les agissements de son ancien directeur, peut-il encore décider de l’avenir d’un théâtre dont il aura contribué à salir la réputation ?
– Où en est l’enquête demandée par la Ministre de la Culture suite à l’article de Catherine Makereel dans Le Soir et à la lettre, signée par plus de 150 personnes du monde culturel lui demandant d’agir ?
– Comment ne pas être stupéfait devant la composition du jury (6 membres du CA et 4 « experts ») qui ouvre une voie royale aux conflits d’intérêts et à l’éternelle cooptation entre pairs et puissants.
Nous voulons que cesse ce que l’on appelle communément les « petits arrangements entre amis », vieilles pratiques issues de « clubs » d’influence où la présence des femmes – faut-il le rappeler ? – était interdite jusqu’au début du XXe siècle, et reste toujours minoritaire, voire suspecte. Ou sert de simple caution.
A partir d’aujourd’hui, et au-delà de ce cas désormais emblématique, nous nous interrogeons et réagissons pour l’ensemble du secteur. »
La presse belge commence à relayer largement l’info comme ici dans deux des principaux journaux bruxellois, La Libre et Le Soir.
L’origine du monde F(s)
Au départ un texte qui circule sur FB, celui d’Isabelle Bats nommé Femelle. Cette autrice et performeuse, entre autres chez Phia Ménard, connue au Théâtre des Doms (Avignon) pour ses diverses interventions et sa récente présentation toute en verve et vitalité de leur dernier PechaKucha (art de pitcher des créations en 6 min 40 s.), est une grande défenseure de la question du genre et d’un féminisme revendicatif. Ce texte faisait écho aux précédents coups de gueule, lancés aussi sur FB par une des grandes comédiennes belge Valérie Bauchau – vu dans le Off dans Occident, Loin de Linden (ci-contre au milieu de la photo avec des lunettes, à coté d’Isabelle Jans en bleu, ancienne directrice du Théâtre des Doms d’Avignon et de Bérengère Deroux, adjointe à la direction artistique, création théâtrale et diffusion, à Mars – Mons des Arts de la Scène). Rejointes par la metteuse en scène belge Myriam Saduis et bien d’autres, qui sont loin d’être des suivantes, elles créent un groupe secret FB qui réunit en quelques heures 750 femmes et depuis en compte plus de 1000! Une clandestinité qui rappelle d’autres combats mais ne demande ici qu’à percer au grand jour. Ce qui sera fait au fil des diverses réflexions et actions à suivre. Constitués en groupe de travail, elles s’organisent à une vitesse grand V et dans une rigueur impressionnante.
Un collectif de salut public.
Et pas que pour les femmes ! Car ce mouvement qui agace et dérange surement déjà ne fait pas que repositionner les choses; il questionne surtout et remet à plat des pratiques, ce qui ne peut être que salutaire pour tous. Saluons donc cette énergique initiative, cet élan concret et fédérateur (article paru dans Le Soir).
Elles auraient pu se retrancher derrière les plus connues, ou les médiatiques, il y en a beaucoup parmi elles. Elles préfèrent le collectif, la discussion, le partage des taches et le système du vote. Un collectif artistique en Belgique cela fonctionne, on le sait et cela a déjà donné lieu à de grandes compagnies, alors pourquoi celui-là ne conduirait-il pas vers de grandes réformes, d’autres formes de fonctionnement ?
Les femmes de F(s) sont puissantes dans leur nombre et créatives dans la forme constructive qu’elles opposent à cette nomination et omniprésence masculine aux postes d’envergures en Belgique,
elles sont surtout légitimes dans leurs combats et leurs revendications, elles ont tout mon soutien,
j’en suis!
Merci Mesdames, d’ouvrir vos gueules pour que ça ne se passe pas comme ça, comme d’habitude,
merci de sortir du lit du silence, des antichambres du pouvoir, de la cuisine interne machiste des nominations, des places réservées, pour mettre un coup de pied dans les conventions et l’ordre établi.
Les F(s) ne sont pas des Femen, ni des ultra féministes, elles ne sont pas hystériques, ni toutes lesbiennes ou mal baisées…elles sont justes des Femmes avec des convictions et un ton : « Il est temps de secouer violemment la construction pyramidale, très majoritairement masculine, définitivement dépassée, du secteur.
La fulgurance de notre rassemblement hurle notre urgence – hurle, oui, car nous savons que ce qui ne veut pas être entendu doit être prononcé très haut et très fortement – mais dit aussi, très calmement, notre détermination sans faille à modifier en profondeur cette intolérable situation.
Nous prendrons le temps qu’il faudra pour mener ce combat à bon port. »
Merci les Femmes Belges, votre union est belle à voir, et une fois de plus ici en France on vous envie d’être en avance sur nous au plateau, à la scène comme à la vie.
Mais on peut aussi vous rejoindre et unir nos forces pour avancer et réduire les écarts.
Mercredi soir, du coté du Festival de Cannes, Cate Blanchett, présidente du jury, impériale, a lancé un « Mesdames, mesdames, mesdames et messieurs, bonsoir. » Une façon simple de rappeler la présence remarqué des femmes cette année dans le jury.
Les F(s) finissent leur carte blanche ainsi : « Voilà les raisons de cette union nommée F(s). Elle s’annonce comme une révolution, car est révolutionnaire aujourd’hui d’avoir l’équité, l’égalité et la liberté pour boussole. »
Alors si révolution il y a, qu’allons-nous faire, mesdames et messieurs, messieurs, messieurs pour que la parité Homme/Femme (dans le milieu artiste et ailleurs) ne soit plus un combat mais une réalité ?
Pour tout contact avec le Collectif F(s) : femme.s.belgium@gmail.com
* Retrouvez le texte fondateur du collectif, la carte blanche parue mardi, dans son intégralité ici
Marie Anezin
Photographies : Sarah Siré
vous avez raison d’engager ce combat toujours actuel
vous avez raison de mener ce combat toujours d’actualité