VU : L’homme jasmin d’Unica Zürn, l’adaptation réussie de Valérie Paüs
L’Homme Jasmin est un livre d’Unica Zürn de 242 pages. Son autrice, célèbre pour ses anagrammes et dessins, raconte son souffle de vie, ses fantasmes, sa maladie, sa création artistique. Valérie Paüs présente une œuvre théâtrale dans laquelle elle questionne la folie comme moteur de création et poétique. Son adaptation laisse entendre parfaitement le texte à la fois sombre et marrant, cauchemardesque et d’une douce rêverie.
Claire Clavi endosse le rôle d’Unica Zürn. Elle fait même plus, elle est cette femme qui vit sa vie sous les yeux d’un public attentif sur d’immenses pages blanches qu’elle froisse, déchire et avec lesquelles elle s’amuse, comme elle le ferait avec sa vie.
La metteuse en scène plonge, dès la première scène, le public dans un instant d’une rare intensité, celui d’happer toute l’attention de l’auditoire. D’un coup d’un seul, elle convoque l’ouïe, le regard et le toucher. Du souffle aux glissements des doigts sur l’immense page, du déchirement au froissement de cette dernière, des jeux de lumière aux sons convoquant ainsi l’imaginaire, tout prend vie.
Le texte raconte Unica Zürn qui, enfant, à l’âge de 6 ans voit celui qu’elle prénommera l’Homme Jasmin, dont elle tombe éperdument amoureuse. Ce n’est que 41 ans après qu’elle le rencontrera physiquement. Elle l’appellera alors l’Homme Blanc. Cependant sa vie amoureuse, elle la passera en grande partie auprès de l’artiste d’Hans Beller, un des artistes majeurs du surréalisme qui lui vaudra d’être reconnue dans ce mouvement. Si « le jamais vu devient réalité » à ses yeux, c’est lentement que sa schizophrénie s’installe. D’hôpital en hôpital, d’Allemagne à Paris, le destin d’Unica se trame, se dessine et s’entremêle dans ses vies. Ses « apparitions merveilleuses », comme elle les prénomment, sont autant de respirations que d’élans créateurs. Ses pas guidés par le son doux d’un triangle lui font perdre pied sur la réalité mais éveille en elle des instants de vie qui demeurent intenses.
Valérie Paüs réussit là où bien de metteurs en scène auraient pu se casser le nez. En prenant le parti de donner une place forte à l’imaginaire de chacun, dans sa proposition, elle fait vibrer la raison et la folie de l’artiste. Les lumières de Michèle Milivojevic accompagnent les dires de la comédienne. Elles embellissent, transforment et tordent la réalité comme la femme peut le faire. Claire Clavi est épatante dans son rôle qu’elle incarne et rend vivante Unica. Le travail sonore de Stéphane Morisse parfait l’ensemble de cette proposition qui, vous l’aurez deviné, est un bijou d’orfèvre qui est rare de voir.
Laurent Bourbousson
Photographie : L’Homme Jasmin ©Michèle Milivojevich
Un projet de la Compagnie Rhizome | Un texte d’Unica Zürn | Adaptation et mise en scène Valérie Paüs |Assistant à la mise en scène Thomas Rousselot
Avec Claire Calvi | Vidéo et lumières Michèle Milivojevic | Son Stéphane Morisse | Création graphique Yasmine Blum
A été vu au Théâtre des Halles (Avignon), le 11 mai 2018.
A retrouver au Théâtre les Argonautes (Marseille), du 17 au 19 mai à 20h30. Renseignements ici.