ITW-FEST’HIVER : Nicolas Geny pour Devenir Oiseau
Vous avez certainement croisé Nicolas Geny sur l’une des scènes avignonnaises. Dernièrement, il jouait dans la dernière création de Gérard Ventaggioli, Les ailes du désir. C’est sur le plateau du Théâtre du Chien qui fume que sera créé Devenir oiseau, jeudi 2 février, dans le cadre du Fest’Hiver. Interview.
Lorsque nous lisons la distribution de cette proposition, on retrouve le comédien que tu es, et un historien, Philippe Artières. Peux-tu nous expliquer ce projet d’écriture ?
Nicolas Geny : Ce projet repose sur le travail d’historien de Philippe Artières. Il agence les archives qui vont être la matière de l’écriture textuelle, et je m’occupe de l’écriture au plateau. L’enjeu de cette proposition est de soumettre, à un acteur, des archives afin qu’il lui donne corps.
Cette association avec Philippe Artières n’est pas nouvelle. Peux-tu nous parler de votre collaboration ?
N. G. : Pour commencer, Philippe Artières est mon cousin germain. Il y a quelques années, il a été pensionnaire à la Villa Médicis, à Rome, pour un projet d’écriture d’un livre aux éditions du seuil, Vie et mort de Paul Geny. Ce livre raconte la mort d’un de nos aïeuls, philosophe jésuite, assassiné à Rome. Pendant sa résidence, il me contacte afin que je le rejoigne pour travailler ensemble. Nous avons enregistré des passages du livre et je l’ai suivi dans les rues de Rome dans son enquête. Je sais qu’il n’aime pas ce mot, mais c’était un peu ça. Les enregistrements sont restés dans les archives de la Villa. Cela est notre première rencontre artistique professionnelle. Elle est l’élément déclencheur de notre collaboration qui s’est poursuivie à la Maison de la Poésie, à Paris, pour les Echappées.
Devenir oiseau va raconter l’histoire du prisonnier Émile Nouguier. Peux-tu nous en dire plus ?
N. G. : Dans une de ces Echappées, il y avait des textes des cahiers d’Émile Nouguier, poète prisonnier, mort à la prison de Lyon. Sous l’impulsion du professeur Alexandre Lacassagne, initiateur de l’anthropologie criminelle, Émile a écrit, dans un premier temps, une sorte d’autobiographie dans laquelle il liste ses crimes. La raison de sa condamnation est le meurtre d’une tenancière de cabaret. Émile Nouguier est lié à cette époque particulière que l’on appelle les Apaches, sortes d’anarchistes, désireux de tout bousiller dans la société.
Dans les écrits d’Émile, il y a une bascule qui se fait à un moment. Dans les prisons d’avant, les prisonniers se liaient d’amitié avec des objets, des oiseaux. Dans son écriture, apparaît un oiseau qui l’interroge. Il existe toute une série de cahiers qui s’intitule Mémoires d’un moineau. Le moineau explique comment Émile est devenu meurtrier. Il y a une qualité d’écriture extraordinaire. Ceci est le corpus central du projet.
Des ces archives, des ses écrits, va se construire une proposition pour la scène. Comment va se dérouler cette construction ?
N. G. : Nous nous sommes dit qu’il y avait assez de matière pour un véritable objet scénique, qui nous amènerait sur scène tous les deux. Philippe Artières ne sera pas comédien, et je ne deviendrai pas historien. Dans l’idée, Philippe sera le passeur d’archives et je vais donner une voix à Émile Nouguier.
Il y aura d’autres matières au plateau, des extraits du traité sur l’apachisme écrit par Dominique Kalifa, L’oiseau de Jules Michelet, qui est un texte sublime sur le nid, probablement Marguerite Duras, qui utilise le fait-divers dans ses romans. On va introduire un montage que j’ai fait de son texte Le Shaga.
Nous souhaitons montrer le processus d’agencement de toute cette matière.
Que représente pour vous le fait d’être programmé dans le Fest’Hiver ?
N. G. : Pour nous, c’est une véritable gageure de se produire avec cet objet scénique. C’est Gérard Ventaggioli qui m’a proposé de faire le Fest’hiver lorsque je jouais Les ailes du désir, sa création, l’année dernière. En avril, nous serons à Montevideo (Marseille) en résidence pour poursuivre le travail de Devenir oiseau.
Devenir oiseau – Cie de l’Imprimerie – sera présenté les 2 et 3 février 2016, au Théâtre du Chien qui Fume (Avignon)
Jeu/Dramaturgie : Philippe Artières
Jeu : Nicolas Geny
Scénographie/Régie générale : Erick Priano
Visuel : Elodie Seguin
La pièce Les ailes du désir – Cie Gérard Ventaggioli – sera reprise les 18 et 19 mars 2017, au Théâtre du Chien qui fume (Avignon).
Laurent Bourbousson