Nicolas Chatenoud vous invite pour un Face à Face(s)
Il vous est certainement arrivé de croiser, sur Avignon et dans la région, Nicolas Chatenoud en tant que contrebassiste. Aujourd’hui, il propose Face à Face(s), un projet qu’il a pensé, coordonné et mis en scène pour un one-shot. Cela se passera au Théâtre Transversal, le samedi 26 janvier.
La genèse du projet
Quel est la genèse du projet Face à Face(s) que le public découvrira samedi 26 janvier au Théâtre Transversal ?
La genèse, on la doit à Laetitia Mazzoleni, directrice du Théâtre Transversal. Elle donne un réel esprit à son lieu. Elle m’a invité dans le cadre des cartes blanches données aux artistes, ici pour Sound is more. Je pense que cela relève de la fidélité pour les gens avec lesquels elle a pu travailler. J’avais fait la musique de deux de ses spectacles.
Ma première réaction a été de me dire je ne voulais pas faire ce que je fais depuis 30 ans, inviter des potes pour jouer de la musique pour un simple concert. Je ne voulais pas me remettre dans une situation artistique que je connaissais. Avec ce projet, j’ai l’impression d’être dans un nouvel élan de création donc dans une nouvelle forme artistique, avec des gens que j’aime bien, avec un imaginaire et des questions qui m’animent en ce moment.
J’ai une méthodologie très personnelle pour ce projet car je ne suis pas metteur en scène. Ce qui a été très agréable, c’est de laisser aller l’imaginaire, en me posant cette question : « de quoi ai-je vraiment envie ?« . Je me suis mis à la place du public. Qu’est-ce que j’aimerai ressentir comme vibrations, quelles thématiques j’aimerai que l’on aborde, comment j’ai envie de voir les comédiens ? Pour ceci, j’ai fait appel à des comédiens avec lesquels je travaille depuis un moment, Nicolas Gény, Thierry Ottin, Catherine Monin, et j’ai trouvé très drôle d’inviter Laetitia Mazzoleni. Il y a aussi longtemps que je voulais travailler avec Delphine Michelangeli, même si l’on se connaît très bien, on ne s’était pas croisé artistiquement. C’était l’occasion.
Quelles sont les questions que tu te poses ?
Je veux questionner la période, que beaucoup de monde traverse, celle des 50 ans, avec tout ce que ça entraîne de changements et de nouveautés. À partir de là, j’ai imaginé des ambiances lumineuses. J’ai tout de suite fait appel à Catherine Monin, en tant qu’auteur, parce que je savais que sa poésie et la manière dont elle voit la vie correspondraient à mon ressenti. Elle a posé des mots que je ne pouvais imaginer car je ne suis pas auteur ! Elle a écrit 4 textes pour 4 comédiens. Ils seront présentés sous des formes particulières.
La construction de Face à Face(s)
Comment as-tu construit cette forme ?
J’imaginais que cette série d’images, de sensations dont j’avais envie, pouvaient se traduire par une déambulation dans laquelle le spectateur serait invité. La déambulation est composée de 8 étapes. Le spectateur va croiser des comédiens, des photographies, des marionnettes, du son. Ce chemin nous met face à face avec nous-même. Il y a l’idée de répondre à qu’est-ce qui fait que quelque chose nous touche ?, pourquoi à un moment donné, avec tout ce que l’on voit, il y a un détail qui va ponctuellement nous ramener à nous-même ?
Je vais questionner l’enfance, le présent, mais le questionner avec un regard masculin et féminin. Delphine Michelangeli proposera un face à face avec l’extérieur. Parmi les 7 photos proposées, beaucoup ont été faites à l’étranger. C’est un face à face avec une autre culture. Dans la déambulation il y a aura quelque chose de plus organique avec Erick Priano. Il est parti du principe que notre cerveau était un disque dur qui emmagasiné des images et des images. Cela sera traduit par une installation vidéo de 16 mm que j’accompagnerai au son.
Tu parlais de marionnettes toute à l’heure. La Compagnie Deraïdenz est présente également sur le projet ?
Effectivement. Après avoir vu le teaser de leur dernier spectacle Nyctalopes, cela ne pouvait être autrement. J’aime beaucoup l’engagement artistique et humain que la compagnie met dans son travail. Pour Face à Face(s), ils recréent spécialement un geste de marionnettes.
Quelle est la place du son dans tout ça ?
J’ai habillé, au niveau sonore, l’ensemble de la déambulation. J’ai composé des choses, et en toute honnêteté, j’ai réécouté des chutes de bandes que j’ai retravaillées, réarrangées. Le son est omniprésent. La théâtralité de tout ça a pris une part importante, mais le son est à la base de tout ceci.
Questionner la place de l’humain
Concrètement, comment va se dérouler Face à Face(s) pour le public ?
Face à Face(s) a ce sous-titre : déambulation-exposition visuelle et sonore pour une personne et quelques secondes. Le parcours fait entre 15-20 minutes et il y a un départ toutes les 6-7 minutes. L’idée est d’avoir dans la circulation 2 personnes éloignées de 3 pôles de rencontre. Il ne se rencontreront jamais. Frédéric Giulliani sera présent pour guider le public.
C’est vrai que cela bouscule l’habitude d’être spectateur, car il faut réserver un créneau horaire. C’est une forme différente de spectacle. J’espère que le public ressentira quelque chose d’éloigné du rapport frontal qu’il a l’habitude de vivre au théâtre.
Le visuel de la déambulation est ce cumul de poupées. Peux-tu nous en parler ?
C’est une caisse de poupées et la photo a été prise sur un marché par Delphine. Ce cliché me parle d’accumulations des êtres, car on vit au milieu de dizaines et dizaines de personnes, on est à la fois ensemble et seul. J’y vois du commun, du collectif et de la solitude. Les regards également, il y a des poupées qui questionnent. En laissant l’imaginaire, on peut projeter des choses. Il n’y pas vraiment de face à face mais en même temps ils sont présents.
Est-ce que tu projettes de reproduire Face à Face(s) à l’avenir ?
Ce qu’il y a d’hyper jouissif, c’est d’avoir les moyens de réaliser ce que l’on pense et d’être en phase avec cela pour un one-shot. Je n’ai pas envie de penser à l’après. Pour l’instant je suis focalisé sur le fait d’embarquer 9 copains, qui m’ont fait confiance, auxquels j’ai expliqué le projet et qui ont capté tout de suite ce que j’attendais. J’ai l’impression que dans le paysage de la création, il y a une réalité économique qui empêche tout ça. Pour l’instant, il y a juste la volonté d’être dans la création. J’espère que cette déambulation sera vécue de manière humaine par le public, car ce que je recherche à l’intérieur de cette forme est quelque chose de fortement humain.
Propos recueillis par Laurent Bourbousson
Crédit photo : Delphine Michelangeli
Face à Face(s) dans le cadre de Sound is more est à découvrir au Théâtre Transversal, le samedi 26 janvier, de 18 à 23h. Renseignements : ici.
Musiques et matières sonores Nicolas Chatenoud | Photos Delphine Michelangeli | Vidéos Erick Priano | Interprètes Nicolas Gény, Laetitia Mazzoleni, Catherine Monin, Thierry Otin, Frédéric Giulliani, Léa Guillec et Baptiste Zsilina (Cie Deraïdenz)