Plongez dans le Magma de la Cie Bissextile – Stéphane Fratti ce week-end

26 octobre 2024 /// Les interviews
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C’est vendredi matin, le soleil brille sur la cité papale lorsque Laura-Lou Rey, responsable de la coordination des projets de L’Éveilleur, Iliana Fylla, membre du comité de programmation d’Émouvance – 3e édition, et Stéphane Fratti, chorégraphe de la Cie Bissextile, m’attendent à L’Éveilleur, ce nouveau tiers-lieu né à Avignon. Le rendez-vous a été pris la veille, à l’issue de la répétition de Magma, une proposition de Stéphane Fratti, qui est présentée ce samedi 26 octobre, à 15h à l’église des Célestins, et dimanche 27, à 17h30 à L’Éveilleur. 

Émouvance, un éco-événement à l’image des valeurs de L’Éveilleur

Situé au fond de l’impasse Baroni au centre de l’avenue quartier Saint-Ruf, dans l’ancien atelier de la société de carrelage H. Rolland et Cie, ce tiers-lieu dont nous vous reparlerons prochainement ouvre ses portes à l’éco-événement de Ikigai prod, Émouvance. “C’est déjà la troisième édition d’Émouvance, notre éco-événement pour lequel toutes les propositions répondent à des enjeux d’éco-responsabilité, souligne Laura-Lou Rey. La première édition a eu lieu en 2021, dans une version nomade puisque nous n’avions pas de lieu, et portait le nom de Émouvance plastique ; Émouvance portée, la seconde édition a permis d’inaugurer également notre lieu en 2023. Et cette année, donc, nous avons innové en créant un comité de programmation participatif avec lequel nous avons commencé à travailler sur la thématique de cette édition en janvier dernier.” La thématique retenue pour cette édition est celle de la lenteur. “Lors des premières discussions, j’ai amené le sujet de la lenteur et ça a très vite parlé à tout le monde, raconte Iliana Fylla, membre du comité de programmation. Je crois que l’art peut nous donner ce moment précieux d’observation extérieur et intérieur dans nos vies frénétiques. L’idée était de faire appel à des artistes qui donnent à voir des œuvres qui permettent de poétiser la vie, de nous faire réfléchir au rapport que l’on entretient avec l’art et nos rythmes. Ils viennent également questionner la place du public, avec la notion d’inclusivité.

Parmi les artistes invité·e·s à L’Éveilleur, on croise durant ce dernier week-end d’Émouvance suspendue – L’art de la lenteur, les sculptures en terre cuite et matériaux divers d’Euphemia Van Huystee, “Nid” de Lucie Monty-Bruenel, “OFFSHORE P.O.V” de Rémi Billardon, les dessins contemplatifs de Séverine Bourgeois ainsi que l’oeuvre végétale réalisée à partir de matériaux de récupération de Sonia Dupuy. Encore visible, un extrait du film “Mon père à l’Ouest” de la réalisatrice Sylvie Nayral. Puis, il y a le projet participatif de Stéphane Fratti, Magma, œuvre dansée et performée oh combien fascinante !

Magma, une oeuvre majeure, celle de toute une vie

Pour cette performance que l’on vous encourage à aller découvrir aujourd’hui (15h à l’Église des Célestins) et demain (17h30 à L’Éveilleur), les amatrices deviennent les co-autrices de l’expérience artistique dirigée par le chorégraphe Stéphane Fratti. Ce projet peut aussi bien inclure des professionnels que des semi-professionnels, des amateurs, des personnes en situation de handicap… “Peu importe qui l’on soit en résumé, dit Stéphane, car pour Magma le plus important est l’humain qui vient prendre place à l’intérieur de cette masse.

Et ce projet s’est imposé à lui par la force des choses comme une réponse à la déliaison qui marque la société. “Magma est né en 2001, suite aux attentats du 11 septembre. Il est une réponse à la nécessité d’être ensemble et c’est en discutant avec un copain que l’idée m’est venue. Lui qui est très loin du spectacle vivant a compris la portée de ce projet.” Et l’on comprend aisément la valeur intrinsèque de ce projet après avoir vu un temps de répétition. 

Je souhaite travailler toute ma vie sur ce projet car j’apprends énormément sur notre société en créant des Magmas. Chaque création fait appel à l’intelligence collective d’un groupe où chacun accepte la différence de l’autre et continue à évoluer individuellement malgré la proximité et l’activité de l’autre” s’enthousiasme le chorégraphe. Comment un groupe ainsi formé de différentes personnes, tout en étant imbriquées les unes aux autres, peut évoluer, se déplacer, faire corps ensemble ? Comment les individualités de chacun peuvent se frayer un chemin ? Comment proposer son aide sans s’imposer et enfermer l’autre ? Comment se sentir vivant et rendre vivant l’autre à l’intérieur d’un groupe ? Voici quelques-unes des notions qui traversent Magma. Et c’est en ce sens que ce travail est fascinant. 

Intelligence collective et lenteur au service du groupe

De cette masse bougeant sensiblement, chacun peut y lire ce qu’il souhaite. Le rapport que le public entretient à cette performance se crée par petites touches, par de multiples sensations ressenties pour reprendre les mots d’Iliana et de Laura-Lou qui participent à cette performance.

Durant les répétitions, les directions données par Stéphane semblent simples au premier abord mais sont compliquées à mettre en œuvre. L’une des actions primordiales pour le Magma est celle de la lenteur qui permet un voyage à l‘intérieur de ce microcosme constitué. Elle permet également de prendre conscience de la valeur que l’on apporte à l’autre et au groupe in fine. “C’est dans les contraintes physiques suscitées par le groupe que l’être humain lâche prise et laisse place à l’intelligence collective afin de rectifier un chemin qui s’avère être dangereux pour lui” met en exergue Stéphane. 

Et effectivement, cette notion de danger nous l’avons bien vu lors de la répétition lorsqu’une des amatrices a glissé brutalement sur le sol. “Toutes ont un rôle à jouer à l’intérieur de la masse et sont responsables aussi bien individuellement que collectivement dans le Magma” dira Stéphane. 

Un Magma politique

C’est en élargissant notre focale que la portée universelle de Magma prend forme. Il est le reflet de notre société, de nos individualités prises dans une matrice qui inclut la présence de l’autre, de l’inévitable vivre ensemble pour mieux être ensemble. Magma met en lumière les rouages de nos vies dans la complexité des événements qui adviennent, qui s’offrent à nous et qui sont causés par nous, nos agissements.

Il n’est pas interdit que le groupe stoppe son activité pour déconstruire une situation qui s’avère dangereuse pour lui, souligne Stéphane qui raconte cette anecdote lors d’un Magma réalisé par des danseurs professionnels qui étaient habitués à l’exercice. J’ai failli arrêter une représentation car je me rendais compte que le groupe avait pris certaines habitudes et ne voyait plus les dangers. C’est à la limite d’une bascule que l’intelligence collective a fonctionné. Le groupe s’est arrêté, à déconstruit des imbrications puis a repris son cheminement pour le bien commun.”

Magma a donc cette force, celle d’être politique dans le noble sens du terme, à savoir la combinaison des actions qui a attrait au collectif, à une somme d’individualités ou de multiplicités, pour le bien commun. Utopique diriez-vous ? À vous de juger.  

Laurent Bourbousson
Crédit photo : Mélanie VILVARAJAH

Générique

Émouvance suspendue – L’art de la lenteur : exposition visible à L’éveilleur – imp. Baroni Saint Ruf – de 11h à 18h, samedi 26 et dim. 27 octobre.

Magma de Stéphane Fratti – Cie Bissextile, samedi 26, à 15h, à l’église des Célestins avec Le Parcours de l’Art et dimanche 27 octobre, à 17h30 à L’Éveilleur

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