[VU] Celle que vous croyez – Compagnie Les Asphodèles du Colibri : être et ne pas être
Celle que vous croyez, adaptée du roman de Camille Laurens, plonge le public dans un thriller psychologique porté par l’excellente Karin Martin-Prével et Michaël Maino. Retour.
Bienvenue en psychiatrie
Claire (Karin Martin-Prével) entre en scène et s’installe sur un canapé. Elle commence à parler ou plutôt à répondre à des questions que le public n’entend pas mais dont il devine la formulation.
Claire est une femme de 48 ans et à l’heure où elle parle d’elle, se trouve en séance chez le psychiatre dans le centre où elle a été admise. Claire avait tout pour elle, sauf son âge, 48 ans.
Une plongée dans le monde virtuel aux allures de thriller psychologique
Claire raconte sa petite vie d’avant. Professeur, divorcée, adepte de facebook, Claire ressent la solitude que la société impose aux femmes approchant la cinquantaine. Elle s’amourache de Jo, homme séduisant qui la jette et le reprend à loisir. Et un jour, après un énième appel, ce dernier finit par passer le téléphone à Christophe – jeu auquel Claire est habituée. L’échange est bref, fait de remontrances (« tu ne crois pas que tu n’as pas passé l’âge d’être jalouse ») et se termine par un « Va mourir ! ».
Réduite à néant par les mots de Christophe, Claire passe à l’offensive et son arme secrète va être ce faux profil qu’elle se crée sur facebook. Elle sera jeune, photographe, partageant sa vie entre Paris et le monde. Elle rentre en contact avec Christophe et c’est ici que deux mondes vont se superposer jusqu’à se confondre : celui de la réalité et du virtuel.
Un vertigineux questionnement
La mise en scène signée Albane Laquet et la scénographie de Line de Carné donnent toute la place aux mots portés par Karin Martin-Prévert dont le jeu est d’une justesse parfaite. La comédienne jongle entre le vrai et le faux avec une aisance parfaite et referme au fur et à mesure son piège sur elle-même. Le trouble s’ajoute par petites touches dans sa relation virtuelle avec Christophe, déjouant chaque possible rendez-vous réel. Mais au jeu du « être et ne pas être », Claire se prend petit à petit les pieds dans le tapis.
Au fil des séances, elle questionne la place des femmes quinquas dans la société et celle de leur désir – celui de plaire et d’être courtisée -, et interroge in fine la masculinité et la place de la vérité quitte à aller jusqu’au point de rupture.
Tout dévoiler de ce spectacle serait lui faire offense. La compagnie Les Asphodèles du Colibri prend le parti avec Celle que vous croyez de porter au plateau un roman riche dont Albane Laquet extrait un épisode troublant, racontant la dérive de notre contemporanéité et les diktats de vie auxquels tout un chacun se soumet. Brillant et intelligent.
Laurent Bourbousson
Crédit photo : ©Cieles asphodèlesducolibri
Celle que vous croyez, au Théâtre Artéphile, jusqu’au 26 juillet, 13h20 (relâche 20 juillet).
Générique
Adaptation et Mise en scène Albane Laquet / Interprétation Karin Martin-Prevel, Michaël Maino / Scénographie Line de Carné / Création vidéo Catherine Demeure / Création lumière Isabelle Picard / Photographie Gaëlle Doutre / Création sonore Jean-Baptiste Augros / Yannick Moréteau, artiste numérique.
Coproduction : Théâtre l’Allegro – Miribel et le Théâtre de la Grenette – Belleville sur Saône
Le site de la compagnie ici.
Le Théâtre Artéphile dans la Revue 10.