[VU] Violences conjuguées : en passé recomposé, les mémoires trouées
Au 11 · Avignon, Bryan Polach ouvre les ombres de la violence de l’enfance en réouvrant, à l’aube d’être père, le puzzle des traumas du passé.
Il se souvient, mais qui se souvient ? Ses images se cognent aux images de ses proches. Ses souvenirs se heurtent aux mots de ces autres que lui ; son corps en porte traces, que peuvent-ils pour l’aider à entendre pour comprendre.
Dans l’histoire familiale, un coup de genoux porté par son père, au ventre de sa mère, lui laissera une atrophie du bras droit.
Bryan va devenir père et la crainte des répétitions du passé vient le saisir en plein ventre. De quoi a-t-il hérité, que risque-t-il de transmettre ?
A l’occasion d’une consultation médicale, tout bascule.
Le coup porté devient anomalie génétique et cette information va bousculer l’histoire de la violence familiale. De l’homme fils d’un père « sanguin ordinaire », il devient celui qui porte un handicap potentiellement transmissible ; de quoi changer l’histoire.
Son imaginaire est empli des clichés d’une masculinité toxique et, héritier d’une violence qui ne lui appartient pas. Construit à l’ombre d’adultes à la mémoire sélective et fragmentée, il devra retrouver son enfance et avec elle le désir d’aimer, de s’aimer.
Bryan Polach questionne avec justesse et sensibilité les ombres qui nous construisent et les doutes que sèment leur confrontation au regard des proches. Il interroge la véracité du souvenir au regard des traces en corp gardés et de l’avenir possible à donner.
Ce spectacle, même s’il mériterait à certains endroits d’être « affiné » et « ajusté » pour gagner en force, est d’une grande puissance et d’une grande sensibilité. Il énonce avec justesse la question de la transmission et de l’héritage, en particulier celui de la violence masculine. Il dit, à juste titre, que celle-ci est conjugaison d’actes et de mémoire, ce que l’on est relève du coup, de la trace, de l’acte et du conte.
Comment se raconter son histoire sans la recolorier du regard des autres et sans la figer au corps violenté ?
Quel chemin pour aller vers la résilience ?
Ce spectacle dessine une histoire singulière mais c’est également un portrait d’homme comme on a peu l’occasion d’en croiser au plateau.
Bernard Gaurier
Crédit photo : ©Pamela Maddaleno
Générique
Texte et mise en scène Bryan Polach et Karine Sahler / Avec Bryan Polach / Lumière Laurent Vergnaud / Son Didier Léglise / Collaboration artistique Bintou Dembele / Régie générale Julien Hélin
Le 11 · Avignon – Espace Mistral – jusqu’au 21 JUILLET à 20h. Tous les renseignements ICI