
[VU] Le programme danse #1 de La Belle Scène Saint-Denis – Théâtre Louis Aragon
C’est un programme harmonieux qui est à voir à La Parenthèse jusqu’au 6 juillet. Les chorégraphes Agathe Pfauwadel, Aëla Labbé, Mélanie Perrier et Amala Dianor se partagent l’affiche et font sens avec leurs propositions.
Être ensemble à La Belle Scène Saint-Denis
C’est une ouverture spéciale à laquelle le public a eu lieu ce matin. En effet, entourée des artistes Agathe Pfauwadel, Aëla Labbé, Mélanie Perrier et Amala Dianor qui sont à l’affiche de ce programme danse, la directice du Théâtre Louis Aragon, qui s’efface habituellement derrière les artistes qu’elle programme, a pris la parole par nécessité. « Parce que nous ne pouvons pas faire comme si de rien n’était » dans cet entre-deux-tours, Emmanuelle Jouan a tenu à redire les actions qui sont menées au quotidien par ses équipes dans son lieu situé à Tremblay-en-France en Seine-Saint-Denis.
Cette scène conventionnée d’interêt national Art et création serait, et nous n’en doutons pas une seule seconde, menacée d’existence avec l’arrivée d’un RN à la majorité absolue à l’Assemblée nationale et de ministres RN aux commandes des affaires de la France.
Soutenue par les artistes, elle a invité à la plus grande mobilisation. À cet élan commun pour que vivent nos différences dans un État où le service public défendrait encore et toujours les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité, résumé parfait du programme danse qui est à découvrir jusqu’au 6 juillet.
AC/DC (extraits) d’Agathe Pfauwadel et Aëla Labbé
Pour ce premier temps, les chorégraphes Agathe Pfauwadel et Aëla Labbé mettent au plateau Jules Lebel et Stéphane Imbert dans AC/DC. Une partition chorégraphique pour deux physicalités opposées. On y voit la jeunesse de Jules, jeune danseur de l’IME de Château-Thierry, évoluer aux cotés de Stéphane, artiste chorégraphique depuis 40 ans. Tous deux relationnent, échangent, se mettent en mouvement en étant à l’écoute l’un de l’autre pour mieux se découvrir, se rencontrer. C’est une histoire fraternelle dont il est question.
La pièce débute sur la musique de Hells Bells du groupe AC/DC, groupe adoré de Jules dont il vient de mettre le disque. Devant la platine, il retire un à un ses tee-shirts à l’effigie du groupe. Le titre fait également référence au courant alternatif / courant continu qui anime les deux interprètes. Chacun emmène l’autre dans son sillage. Ils édifient ensemble des campements de fortune, jouent au jeu du titre du film, parodient des scènes de meurtres. Assis à cour, Jules lance à l’attention du public le dialogue issu du film Billy Elliot, lorsque le père découvre son fils en cours de danse classique et qu’il lui assène que « les garçons sont faits pour faire du football, de la boxe, du catch, et pas pour devenir danseurs de ballet ».
Tous les deux vont converser en mouvements pour mieux se retrouver dans les bras l’un de l’autre. Une indéfectible histoire d’amitié et de transmission se joue pour de vrai au plateau. C’est beau, délicat, doux et tendre. Un havre de paix en ces temps agités.
Élans, balancements et sauts chez Mélanie Perrier
Avec Jusqu’au moment où nous sauterons ensemble (extraits), la chorégraphe Mélanie Perrier donnent de l’élan à ses interprètes. Marie Barbottin, Pep Garrigues, Claire Malchrowicz, Jérémy Martinez et Bérangère Roussel tissent autour de la figure du saut des relations fédératrices d’un élan commun pour mieux s’élever et s’écouter.
C’est au son d’un gong, animé par Thierry Balasse, que se joue cette partition qui se révèle d’une finesse extrême et d’une grande intelligence. Rassemblés en groupe, les interprètes vétus d’un tee-shirt bleu layette transparent et de bermudas marrons et noirs, se regardent. Ici pas de paroles, juste le regard ou le sourire qui donne le top départ.
Accompagné des percussions qui semblent lointaines, notre groupe débute par des petites demi-pointes en ordre dispersé, comme pour s’échauffer et appréhender l’élan qui ne le quittera plus. Des timides demi-pointes, il passe à la demi-pointe avérée avant de s’élancer petit à petit. Puis, répondant aux percussions, toutes et tous sautent d’un seul et même élan avant de stopper net. Ils se regardent, s’interrogent pour mieux s’élancer de nouveau avec des sourires affichés sur les visages.
Les interprètes jouent avec la notion d’élan. De leurs jambes pliées qui vont donner l’élan au corps pour sauter haut, ils décomposent ce mouvement et en font acte de danse, tout comme l’image des balancements des bras pour donner une même direction à suivre. Le tout est aérien, léger, sensible et s’éxécute dans une écoute parfaite. L’idée même du collectif prend ainsi toute sa dimension dans cette proposition. Et nous rêvons de les rejoindre pour mieux sauter avec eux afin de nous élever.
M&M d’Amala Dianor
Amala Dianor a ce savoir-faire, révèler des interprètes dans chacune de ses créations. Pour M&M, il met en mouvement les danseuses Marion Alzieu et Mwendwa Marchand dans un duo lumineux où le mouvement devient langage. Si le public a déjà croisé Marion avec ses propres projets ou bien en tant qu’interprète, il découvrira Mwendwa et sa pratique sans faille du dancehall.
Loin des battles donnés à voir lors des duos, ici le chorégraphe s’appuie sur le langage propre de chaque danseuse afin de les inviter à communiquer. Et c’est en effet une écoute assidue qui se met en place entre les deux interprètes. Chacune a son propre langage corporel, la danse contemporaine pour Marion, et le dancehall teinté des codes issus de la musique riddim pour Mwendwa. En conservant leur singularité, toutes deux cohabitent par et pour le mouvement. Elles se livrent avec une forte aisance et une réelle joie d’être ensemble. elles partagent leur bonheur d’être sur le plateau et cela se ressent jusqu’au dernier gradin.
Amala Dianor combine à merveille le talent des deux interprètes et fait la démonstration suivante : que la complémentarité est plus que nécessaire dans notre monde, qu’elle est fondatrice d’énergie et de belles émotions.
Laurent Bourbousson
Photo : Les interprètes des spectacles lors du salut final©Laurent Bourbousson
Générique
Programme#1 à voir jusqu’au 6 juillet à La Parenthèse, à 10h00. Tous les renseignements ICI.
AC/DC
Écriture et chorégraphie Agathe Pfauwadel et Aëla Labbé / Interprètes Jules Lebel, Stéphane Imbert / Musique Arthur Chevillon / Costumes Violette Angé / Lumières Florian Laze
Jusqu’au moment où nous sauterons ensemble
Conception et chorégraphie Mélanie Perrier / Interprètes Marie Barbottin, Pep Garrigues, Claire Malchrowicz, Jérémy Martinez, Bérangère Roussel / Compositeur et percussionniste en live Thierry Balasse / Création lumière Jan Fedinger / Spatialisation du son Nicolas Martz / Consultante en AFCMD, soins Nathalie Schulmann / Administratrice de production Julie Blanc / Chargée de développement Constance Chambers-Farah
M&M
Chorégraphie Amala Dianor / Musique Awir Leon / Interprètes Marion Alzieu, Mwendwa Marchand / Lumières Nicolas Tallec / Direction déléguée Mélanie Roger / Production Lucie Jeannenot