Vu : Les Silences Obligés, ode à nos racines

26 octobre 2015 /// Les retours
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Nabil Hemaïzia, chorégraphe de la Cie 2 Temps 3 Mouvements, a présenté, le 16 octobre dernier au Théâtre de Nîmes, Les Silences Obligés. Il signe ici un conte à la fois intime et universel et se fait raconteur d’histoires. Retour.

Ce pourrait être l’histoire de tout un chacun. Les Silences Obligés est un mémorandum aux ancêtres, aux racines, aux parcelles de l’humanité qui forme l’un dans son ensemble. Le personnage de cette pièce autobio(?)-chorégraphique raconte l’exil, la longue route, l’arrivée, la confrontation à ses semblables qui deviennent les autres, et aux racines oubliées que l’on se refuse à dire, à raconter. La création lumières de Denis Rateau habille magnifiquement cette création. La palette de lumières varie du noir au rouge, du sombre à l’incandescence, afin de laisser à place aux souvenirs enfouis.

Nacim Battou dans Les SIlences Obligés - ©Nabil Hemaïzia

Nacim Battou dans Les SIlences Obligés – ©Nabil Hemaïzia

Nacim Battou porte cette histoire d’un bout à l’autre de la pièce. Le personnage, que lui fait endosser Nabil Hemaïzia, résonne fortement aux portes de l’actualité. Comment ne pas projeter, sur cet interprète, les images d’exil dont nous sommes abreuvés ?
Si Les Silences Obligés sont universels, le choix des musiques par le chorégraphe fait la démonstration que le propos lui est intime. Sans se faire le porte-parole d’un peuple, Nabil Hemaïzia nous entraîne dans les histoires de bon nombre de nos compatriotes qui ont fui, ont quitté un pays, celui de leurs racines, pour s’établir là où on les accueillait, par défaut.

Nacim Battou a cette lourde tâche, qui incombe à chaque interprète, celle d’être dans la justesse pour incarner celui qui traverse les routes imaginaires afin de se faire une place dans un nouveau monde. Il développe une gestuelle hip-hop au rythme de ses émotions. C’est ici que, par moments, la pièce peut s’étirer, ce qui laisse le public dans une contemplation introspective. L’errance subit par le personnage jaillit sur le spectateur qui ne peut que l’accompagner sur sa route, route solitaire qui le mène vers un absolu meilleur, un eldorado rêvé et fantasmé.
C’est à l’image de son baluchon de fortune qui se déplie, que la pièce gagne en profondeur. Ouvrant une porte sur l’imaginaire, ce morceau de tissus, parcemé de tissus cousus, peut prendre tour à tour l’image d’une mappemonde ou bien être le coffret de trésors inestimables enfermant des bouts d’ailleurs, ou encore un reliquaire. Accroché en fond de scène, il deviendra un mur de prières.

Nacim Battou dans Les Silences Obligés - ©NabilHemaïzia

Nacim Battou dans Les Silences Obligés – ©NabilHemaïzia

L’entrée de Nabil Hemaïzia, jouant d’une flûte, convoque les ancêtres et autres souvenirs d’un ailleurs. L’un et l’autre se retrouvent, parlent le même langage. Un rire éclate. Est-il moqueur ou bien juste amusé, est-il une invitation à créer du lien entre les deux semblables ou bien exhorte-t-il à retrouver des racines oubliées ? Il est tout à la fois.
Le duo qui suit ce rire douloureux remet en perspective la nécessité de se retrouver avec les siens pour partager les images, les sensations, les odeurs et les goûts d’une terre que l’on a laissé derrière soi.

C’est dans une sorte de danse-transe que Nacim Battou conclut son odyssée. Sorte de chamane, il convoque ses ancêtres en tourbillonnant autour de sa veste posée au sol. Il passe ses bras dans les tissus cousus sur ce baluchon, pour se sentir près de ceux qu’il a quitté et partage sa danse avec les siens dans une communion joyeuse. La lumière se baisse sur le visage apaisé et heureux de Nacim Battou. La réminiscence de ses Silences Obligés résonne comme une invitation à la quête des nôtres.

Les Silences Obligés, de Nabil Hemaïzia – Compagnie 2 temps 3 mouvements, a été vu au Théâtre de Nîmes, le vendredi 16 octobre 2015.

Laurent Bourbousson
Photo : Nabil Hemaïzia

À voir au Pôle culturel Camille Claudel à Sorgues, le vendredi 29 novembre à 20h30. La pièce sera suivie du solo Prêt-à-penser… seul de et par Nabil Hemïzia.

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