Vu #OFF16 : Ce que j’appelle oubli ou l’irréversible tragique

23 juillet 2016 /// Les retours - VU #OFF
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C’est l’histoire d’un drame devenu banal, celui d’un passage à tabac qui tourne mal. Les mots de Laurent Mauvignier révèlent la triste réalité de notre monde. Le comédien Olivier Coyette est bouleversant. Retour.

Olivier Coyette © Marina Raurell pour le Pôle Média

Olivier Coyette ©Marina Raurell pour le Pôle Média

Ce que j’appelle oubli est l’histoire de cet homme, entré dans cet hypermarché, qui ouvre une canette de bière et qui la boit. Il est interpellé par 4 vigiles et est entraîné dans les réserves où il sera passé à tabac. C’est ainsi qu’il perdra la vie, au fond des réserves, à l’abri des caméras de surveillance, dans l’indifférence générale de ses agresseurs et de la société toute entière, lorsque celle-ci lira ce fait divers venu gonfler la longue liste des meurtres.

C’est avec une simplicité désarmante qu’Olivier Coyette livre ce récit. Son auditoire se fait confident de cette descente aux enfers, lente descente qui égratigne tout sur son passage. Les mots de Laurent Mauvignier sont d’une férocité implacable : ils questionnent le rapport que nous entretenons avec la violence devenue ordinaire de nos jours.
Chaque mot énoncé arrive à son destinataire dans un fracas rendu sourd par la banalité du geste. La question qui sous-tend ce magnifique texte, autant glaçant qu’il soit, est celui du coût de la vie, d’une vie. Ici, il est réduit à zéro ou plutôt au prix d’une canette de bière.

Olivier Coyette, donc, est seul face à nous. Il raconte le meurtre de notre frère, notre grand frère, celui qui est Ton frère, Ton grand frère.
Le rythme du phrasé, la respiration entre les mots et la langue qui claque décrivent un monde où l’humain n’a plus sa place, une société qui rendrait un semblable responsable de tous les maux et sur lequel les coups pourraient pleuvoir en toute impunité.

Son interprétation respire l’humanité, allant à l’encontre de ce groupe de vigiles, frappant sans retenue sur un corps sans défense.
Chacun d’eux reprendra son esprit, tout en croyant en leurs mensonges et ils s’inventeront une histoire fausse du pourquoi du geste. Alors, les questions fusent dans l’esprit : peut-on tolérer le meurtre facile ?, quelle est la place du frère, notre semblable, dans notre rapport au monde ?, quelles sont les projections que chacun fait sur un événement, sur un fait divers ?

Il réalise un véritable acte de théâtre, celui de dire l’innommable dans une simplicité désarmante, sans artifice, avec pour seule arme, sa parole.

Ce que j’appelle oubli de Laurent Mauvignier, interprétation d’Olivier Coyette.
Texte Laurent Mauvignier (paru aux Éditions de Minuit en mars 2011) / Conception et interprétation Olivier Coyette / Œil extérieur Olivier Werner  / Collaborateur artistique/chargé de diffusion Olivier Blanc
A été vu au Théâtre des Halles en durant le festival Off d’Avignon en 2016.
Au Théâtre Joliette (Marseille), le jeudi 29 mars. Renseignements ici.

Laurent Bourbousson

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