Vu #OFF18 – La Sauvage par la Farouche Cie à l’Artéphile
La Sauvage par la Farouche Cie, un conte drôle, lumineux et captivant, au coeur d’un été creusois, entre imaginaire et folie.
Une jeune fille se retrouve à devoir accompagner son père dans la Creuse pour y passer l’été. En Creuse. À 13 ans, le « drame » est posé. Les balades en vélo orange et les visites à la grand-mère « malade des nerfs » à l’hôpital n’augurent rien de bon. Et pourtant, c’est justement à la croisée de ces univers, entre la mémé, les patients déjantés du service psychiatrique, et la mystérieuse femme, surnommée La Sauvage, rencontrée au détour d’un chemin, que cet été prend des couleurs inattendues. La jeune fille se retrouve au cœur d’un microcosme qu’elle bouleverse à sa manière, en tourbillon de joie, d’impatience et de fraîcheur.
La Sauvage, un conte drôle, lumineux et captivant
Sabrina Chézeau – comédienne et auteure – nous offre un conte drôle, lumineux et captivant, où les fêlures de la vie affleurent avec humour et poésie. Le temps de cette proposition, voilà de retour les souvenirs de ces étés au soleil brûlant, où le temps se suspend, où tout et rien à la fois semble possible, mais aussi ces moments incertains où la gravité de la vie lutte avec l’insouciance des enfants. On oscille alors entre le monde onirique de l’enfance, fort de fantaisie et de ré-enchantement, et celui des adultes, empêtré dans ses lourdeurs réductrices et ses drames.
La Sauvage repose sur le talent de Sabrina Chézeau, et son bâton-guidon de sorbier/sorcier, pour incarner – avec une grande expressivité – la galerie de personnages loufoques, auxquelles se joignent les puissantes créations lumière et sonore. L’alchimie des trois est d’une force évocatrice certaine qui contraste avec la simplicité du plateau. À la sortie, difficile de croire que les chemins aux lacets interminables, le frottement des pneus, les cheveux voletant dans le vent, l’ombre des arbres immenses, et la froideur javellisée de l’hôpital, n’étaient finalement que dans nos têtes.
Dans son aventure, l’héroïne est accompagnée par deux personnalités féminines opposées : la grand-mère, frêle et délicate, ancrée en apparence dans le monde jusqu’au « dérapage », désormais prisonnière de murs blancs, qui s’échappe désormais par la pensée, et à l’opposé, la Sauvage, figure de conteuse magicienne, d’amie imaginaire ?, libre extravagante et créatrice, prisonnière des a priori et du quand dira-t-on. C’est entre ces deux créatures – alors que l’absence maternelle s’en fait plus pesante – que la jeune fille trouve refuge, et s’épanouit. La proposition explore avec humour et douceur la mince frontière entre imaginaire et folie. Mais au fait qu’est-ce que la folie ? à quel moment commence-t-elle ? quels liens entretient-elle avec la « normalité », la différence ou la création ? où commence l’une et où s’arrête l’autre ? La grand-mère et la Sauvage s’unissent alors en sensibilités féminines unies, confrontées à un monde qui ne semble pas capable d’absorber, d’accepter, leurs essences même. Au milieu de tout ça, le texte soulève enfin, et avec délicatesse, les questions d’héritage et d’hérédité. « Je ne suis pas plus folle que le monde » dira la Sauvage à la jeune fille, comme une interpellation au spectateur, comme un leitmotiv à emporter.
La Sauvage est un récit initiatique, beau, doux et lumineux. On en ressort en serrant fort la petite main de l’enfant que nous étions, les yeux et le cœur tournés vers le ciel à la recherche des mouettes, en se répétant inlassablement avec un léger sourire « roule, roule, appuie sur les pédales, pars, pars, la tête dans les étoiles… »
Camille Vinatier
Crédit photos : Nicolas Faure
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A 10h à l’Artéphile. Du 6 au 27 juillet 2018 / Relâches les dimanches 8, 15 et 22. Renseignements ici.
Vu lors des avant-premières en juin 2018. Tout public dès 10 ans. Durée 1h10.
Ecriture et interprétation Sabrina Chézeau | Mise en scène et co-écriture Luigi Rignanese | Mise en lumière Mathieu Maisonneuve | Régie technique Thomas Lefaux