COLLECTIF 2 TEMPS 3 MOUVEMENTS

14 février 2014 /// Les interviews
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Le portrait

Photo ©Milan SZYPURA

Nabil Hemaïzia, Matthieu Desseigne et Sylvain Bouillet font les beaux jours de leur collectif. Rencontre pour les découvrir en 2 temps 3 mouvements !

Vous êtes 3 à vous partager les rênes du collectif. Pour commencer, une petite question d’échauffement : qui êtes-vous et d’où venez-vous ?

Nabil : Pour moi, danser fut une démarche vraiment personnelle, une initiative de gamin : avec des potes, on prenait des postes radio et on dansait dans les entrées d’immeubles. Ensuite, il y a eu la Maison Pour Tous – Champfleury d’Avignon, lieu où il y avait des possibilités de trouver un espace pour danser et de croiser d’autres danseurs et d’autres personnes. Et au fil des rencontres, tu t’améliores et tu deviens un danseur de hip-hop, ce que je suis.

Sylvain : À Champfleury, je prenais des cours de cirque. Parti à Font Romeu pour mes études, j’ai quitté tout cela. J’ai passé le concours de professeurs des écoles et j’ai exercé mon métier d’instituteur. Ce métier qui est dans la transmission et dans lequel je crois beaucoup, je le retrouve dans la danse. Cela me permet de vivre des aventures avec des gens que j’apprécie, une aventure collective mais aussi physique et intérieure. Il y a peu de domaines qui te permettent de réinventer une histoire pour chaque projet.

Matthieu : J’ai passé le concours d’entrée à Rosny sous bois (1), au même moment où l’on jouait à Champfleury une pièce qui s’appelait « Entre nous ». J’ai été pris pour entrer au Centre National des arts du cirque, l’école à Rosny étant les deux premières années du cursus. Nous nous sommes posé la question de savoir si je faisais cette formation ou si on créait une compagnie pour vraiment se lancer dans l’aventure. A l’époque on était 4, 4 avec Hacene Ouragh, professeur de l’école de cirque de Champfleury. Sylvain voulait finir ses études ; Hacene voulait continuer à développer l’école ; Nabil était partant mais en même temps ne m’a pas retenu ; donc je suis parti faire cette école là.

Votre histoire reste alors en suspend. Comment se passent les retrouvailles ? 

N. : L’histoire s’est effectivement arrêtée. Matthieu était à Rosny, Sylvain à Font-Romeu pour ses études, Hacene et moi étions à Champfleury. Hacene animait des ateliers de cirque et moi, de hip-hop. Les choses sont restées en l’état, avec des envies. Quand Sylvain est revenu, on s’est recroisé et on s’est dit qu’il fallait poursuivre ce que nous avions laissé. On a recommencé à bosser ensemble avec l’objectif de créer notre compagnie et de monter la pièce Reflets, pour la jouer au Chien qui fume (2). Nous en avons parlé instantanément à Matthieu et il nous a dit « ok, je fini ce que je suis en train de faire, je suis de la partie ». Hacene a désiré ne pas suivre.

M. : J’ai suivi à distance la création de Reflets car durant 7 ans, j’ai travaillé avec la compagnie Les Ballets C de la B, créée par Alain Platel. Mais on a réussi à trouver des temps de travail à Champfleury.

Et vous créez le Collectif 2 temps 3 mouvements. Pourquoi le terme collectif et non celui de compagnie pour vous désigner ?

Matthieu : L’idée même de collectif est amenée à évoluer intrinsèquement. Cela nous questionne et nous pousse à redécouvrir et à redéfinir les contours du collectif en fonction des nécessités de création. Cependant, le collectif 2 temps 3 mouvements est une compagnie de danse qui crée du spectacle vivant et qui mène, en parallèle de ses activités de fabrication de spectacle vivant, des tentatives régulières d’échanges avec les publics. Ceci se fait au travers de stages mais aussi en fonction de propositions que les programmateurs nous font. Nous sommes toujours dans la recherche de nouvelles formes de rencontres, d’échanges et de partage.

Vos créations rencontrent de véritables succès. Existe-t-il une recette Collectif 2T3M ?

M. : Peut-être mais jusqu’à présent, on a fonctionné sans recette (rires)

N. : En fait, on cherche une recette. On a atteint un stade de l’histoire du collectif. Ce qui le nourrissait jusqu’à présent, c’était notre histoire commune, du début à Champfleury, dans nos pratiques des arts du cirque et de la danse hip hop. Une amitié. Aujourd’hui, nous avons peut-être épuisées les anciennes bases de ce pourquoi on s’est réuni, et on est là à se poser des questions… sûrement, on a des envies différentes, des choses à dire différemment….

S. : …des points de vue artistiques différents aussi…

N. : …mais on se retrouve sur des points de réflexion que l’on partage puisque nous arrivons soit ensemble sur un plateau, soit avec des projets portés par la compagnie.

M. : Je pense qu’il n’y a pas une recette suffisamment stable qui puisse nous convenir, et résoudre miraculeusement tous les questionnements un peu scabreux auxquels on s’expose. Avant, il y avait une définition au collectif 2t3m qui disait que l’on ne travaillait qu’à 3, sans regard extérieur. Cela venait de notre histoire. Nous nous sommes construits ensemble en dehors des écoles, au sens conservatoire, sauf pour moi, et en dehors des théâtres même si au départ la MPT – Champfleury a été pendant longtemps un vrai lieu de programmation pour les quartiers. Tout ceci est notre identité que nous avons eu envie et besoin de défendre. De défendre et de traverser…

Est-ce que vous créez toujours à trois ?

: C’est une définition qui est en mouvement. Le point de départ du collectif, initialement, était d’être ensemble du début à la fin du processus. En tout cas, ça a été le cas pour Reflets, un peu moins pour La stratégie de l’échec. En tout cas si l’un de nous n’est pas sur le plateau, on essaie d’établir un échange. Il sert de regard extérieur. Avec Et des poussières…, c’était la première fois que nous étions tous les 3 sur le plateau.  Les 3 sur le plateau avec Marie Bauer, ça a été la première opportunité de mettre en pratique l’utopie d’une création partagée.

M. : Et cela, on le doit à l’équipe du festival Montpellier Danse qui, après nous avoir vu au Battle of the year (3) dans La stratégie de l’échec, nous a commandé une création pour leur festival en 2012. Et des poussières… a été compliquée à faire évoluer parce qu’on était en train de découvrir notre mode de fonctionnement à trois, on donnait une réalité à cette utopie. Le processus de création a été complexe et douloureux, mais nous avons trouvé l’exigence de ne pas laisser la création en l’état d’une première inaboutie et surtout de trouver du temps, un recul nécessaire pour la retraverser afin d’amener d’autres questionnements, d’autres émotions et d’autres tensions. Si on devait revivre cette expérience, ce serait différent.

2T3M en dates

Reflets, 2006

La stratégie de l’échec, 2009

Sous nos yeux, 2010

Et des poussières…, 2012

Prêt-À-Penser, 2012

Dans Et des poussières…, Marie Bauer est citée en tant que chorégraphe également. Allez-vous ouvrir le collectif à d’autres collaborations à l’avenir ?

N : Chaque projet a son propre cheminement, son propre mode de fonctionnement. Pour Reflets, c’est une histoire particulière, pour La stratégie de l’échec, c’en est une autre. Sur Et des poussières…, on a tous été au même niveau de réflexions, de propositions ; sur Prêt à penser, c’est une autre histoire car c’est moi qui suis force de propositions. Cette création s’est faite dans l’écoute, le partage, même si elle est clairement assumée par moi. Je suis fait du bruit des autres, c’est une autre histoire parce qu’ils sont 3 avec Lucien Reynès, et puis il va y avoir des amateurs, une influence même à l’intérieur de la création. Aujourd’hui, il n’y a pas de définition précise sur la création de nos spectacles, sur l’intervention des personnes qui sont à l’extérieur du collectif.

: justement on se questionne là-dessus, sur tout ce qui fait notre identité : est-ce notre complémentarité ?, nos tentatives de rencontres ?, et comment poursuivre ce chemin ensemble en s’autorisant certaines émancipations.

En somme, vous vous nourrissez du bruit des autres ?

S. : oui, c’est ça, mais il y a un noyau central qu’on essaie de maintenir tout en le définissant sans cesse, à savoir continuer de travailler ensemble.

Le chemin parcouru depuis la création du collectif est un beau chemin. Savez-vous quel regard votre public porte sur vous?

M. : On a traversé cette première partie de vie de manière très autiste (2006-2013) à cause des, ou grâce aux problèmes que nous avions à régler par rapport à nous, individuellement et collectivement, avec toujours l’évidence d’être dans l’écoute de l’autre. Aujourd’hui, nous faisons le constat que nous ne sommes plus implantés localement et nous ressentons le besoin de retisser ce lien pour comprendre ce que nous sommes devenus et ce que nous allons devenir…

N. : On représente différentes choses à l’encontre des personnes. C’est difficile à définir.

S. : C’est quelque chose que j’ai du mal à mesurer. On a peu d’échanges avec les spectateurs, mis à part les proches. Je pense que nous avons une idée fausse de ce que l’on peut renvoyer comme image.

N. : Par contre, si les jeunes veulent des conseils pour se lancer, qu’ils n’hésitent pas à venir nous voir pour discuter citoyen entre citoyen, voilà ce qui me plaît, échanger sans arrière-pensée, loin du cadre professionnel.

(1)     L’école de Rosny-sous-bois était à l’époque les deux premières années du cursus du Pôle cirque à Châlons en Champagne

(2)     Dans le cadre de la scène ouverte Les amoureux de la scène

(3)  Festival de compagnie de danse hip hop au Zénith de Montpellier chaque année

Retrouvez Le Collectif 2 temps 3 mouvements au festival Les Hivernales le mercredi 5 mars à 18h00 au CDC-Les Hivernales avec Prêt-A-Penser, de Nabil Hemaïzia et le samedi 8 mars à 18h00 au Théâtre des Carmes André Benedetto avec Je suis fait du bruit des autres, de Sylvain Bouillet, Mathieu Desseigne et Lucien Reynès.

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