Itw : Agnès Régolo : « J’ai vu la langue, le verbe et le corps dans le texte de Lagarce »

1 novembre 2016 /// Les interviews
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La nouvelle création de la Compagnie Du jour au lendemain va naître dans une semaine, sur le plateau de la scène nationale La Garance (Cavaillon). Agnès Régolo s’est emparée du texte de Jean-Luc Lagarce, Les règles du savoir-vivre dans la société moderne, pour une partition musicale et chorégraphique. Interview.

les-regles-du-savoir-vivre-dans-la-societe-moderne-jean-luc-lagarce-agnes-regolo-les-theatresLorsque vous rencontrez Agnés Règolo, vous parlez obligatoirement de ses années avignonnaises. C’est en effet ici que tout a commencé, et plus particulièrement auprès de Michèle Addala (ndlr Cie Mises en scène – L’Entrepôt (Avignon)). Et lorsqu’elle évoque ces années, elle souligne la complicité et la confiance que Michèle lui a accordé. Elle m’a offert l’initiative de spectacles, avec toute la bande de comédiens et dans l’esprit qui présidait à l’aventure qu’avait créée Michèle. C’était très important pour moi. J’ai rencontré des acteurs avec lesquels je joue encore. Et puis, j’ai joué chez Alain Timàr (ndlr Théâtre des Halles). Il y a un rapport particulier avec la ville.
C’est en 2008 que Agnès Régolo crée sa compagnie, acte non prémédité, jure-t-elle. C’est peut-être pour cela que j’ai appelé ma compagnie Du jour au lendemain, dit-elle amusée. Je me pensais interprète et voilà que la mise en scène m’a gagnée et s’est révélée être une nécessité. Mais ce n’est pas désir qui s’est formulé tôt. C’est une autre aventure car être au démarrage d’une compagnie, en avoir la direction artistique, c’est un peu une entreprise et ce n’est pas ce que l’on préfère quand on est créateur.
Et justement, aujourd’hui, c’est la comédienne que je rencontre pour Les règles du savoir-vivre de la société moderne de Jean-Luc Lagarce.

Agnès, on vous retrouve sur scène pour Les règles du savoir-vivre dans la société moderne, texte féroce mais oh combien hilarant de Lagarce. Qu’est-ce qui a motivé le choix du texte ?
Pour que je puisse répondre à cette question, il faut remonter à ce qui précède cette création. Le dernier spectacle de la compagnie est le Mariage de Figaro de Beaumarchais. J’ai fréquenté cette langue particulièrement élégante, soignée, vive mais aussi acide, qui pose un regard critique sur l’état de la société, des rapports amoureux, familiaux, avec des airs poétiques. Après cela, il y avait vraiment l’idée de revenir à un texte contemporain et Lagarce s’est imposé comme juste héritier de cette littérature française à la fois élégante et si incisive, féroce et acide sur les règles de notre comédie humaine. C’est une continuité.
Ce texte là coïncide, aussi, avec une envie de revenir sur le plateau, à mon premier état dans le spectacle vivant. Revenir de temps en temps, sur le plateau est nécessaire pour brouiller un peu cette séparation qu’il y a entre un metteur en scène et ses interprètes, comme pour se remettre un peu sur le terrain. Pour cela, j’avais l’envie très forte de travailler avec des musiciens car la musique est un élément qui est très liée à la question du théâtre, pour moi. Je suis tombée sur ce texte que je ne connaissais pas. Et ce texte là, j’avais envie de le monter non pas comme un monologue mais appeler l’apport de la musique, jouée en live, afin de rendre compte du cadre que préconise le texte. Dans tout le texte, il y a une incitation tacite à la transgression et cette musique a cette fonction, celle de rendre compte de ce que raconte le texte, dans ses toutes ses dimensions contradictoires, joyeuses et transgressives. Et je me suis lancée dans cette aventure avec deux musiciens, Guillaume Saurel, violoncelliste, Serge Innocent, percussionniste-batteur-trompettiste, et moi-même avec cette idée ambitieuse que ce trio fasse une conférence.

Comment cela va-t-il se traduire sur le plateau ?
C’est un dispositif qui est entre une conférence, mais qui n’en est pas une.. Le texte n’existe que parce qu’il y a du public, on s’adresse au public, on est dans un show. C’est un show pour mieux rendre des préconisations. On est vraiment engagé physiquement dans l’espace puisqu’il y a une partition physique que l’on partage à 3. Quand j’ai lu le texte, j’ai vu la langue, le verbe, et le corps. Lagarce jouait d’une proximité très étroite avec le plateau, les acteurs, la chair même de l’événement et du coup, ce corps là est parfois dans une même ordonnance, ou parfois le corps part. Je crois que la partition musicale et physique travaille au même élan libératoire qui est derrière le texte.

Derrière ce travail physique, se cache le chorégraphe Georges Appaix…
Oui. J’avais joué dans Music-Hall de Jean-Luc Lagarce, dans une mise en scène de Georges Appaix. Je crois que c’est la seule et unique fois qu’il ait fait une mise en scène pour le théâtre et cela a été une expérience heureuse. Quand je l’ai sollicité pour ce spectacle, il a répondu très amicalement et avec goût. C’est un chorégraphe qui est très près de la question de la langue. Son dernier spectacle est délicieux, avec ce texte (ndlr Vers un protocole de conversation*), et Lagarce fait partie de ses auteurs de prédilection. Il a suivi le travail et nous a aidé à dessiner ces mouvements-là.

Photographie de la résidence de création avril 2016 ©Delphine Michelangeli

Photographie de la résidence de création avril 2016 ©Delphine Michelangeli

Vous parliez, toute à l’heure, de la nécessité de revenir sur le plateau. Est-ce que c’est aussi se mettre en danger en tant que comédienne ?
Oui, c’est un peu renouer avec… oui, oui, c’est confus. C’est un peu comme pourquoi avoir choisi ce texte. Après on trouve pourquoi. C’est un peu mystérieux, mais je pense que ça à avoir avec mon parcours.

Vous êtes l’une des artistes à être en compagnonnage avec la SN La Garance. Comment cela se traduit-il pour la compagnie ?
C’est extrêmement précieux. Cette proposition de Didier Le Corre est très importante parce que la Compagnie Du jour au lendemain n’est pas si ancienne que cela. Les règles du savoir-vivre est le 4ème spectacle. On est soutenu par les tutelles, mais nous ne sommes pas conventionnés. Tout ceci est très fragile. Alors, lorsque quelques fées se penchent sur le berceau, c’est important et c’est ce qu’a fait la SN La Garance, de s’engager sur deux ans.
Un des aspects du compagnonnage a été de réaliser tout un travail avec des élèves du Lycée Ismaël Dauphin, de Cavaillon, autour de la question des règles, des lois. Ce travail là, conduit par Catherine Monin, comédienne de la compagnie, a été rendu possible dans ce cadre là. Cela a donné lieux à des échanges lorsqu’ils sont venus nous voir.
Et enfin, il y a aussi l’idée de se retrouver dans une maison avec les autres artistes en compagnonnage, c’est stimulant. On échange sur les problématiques territoriales, sur la question des publics. Cette cohabitation est très dynamisante et confortable pour pouvoir faire les objets que l’on souhaite.

Les règles du savoir-vivre de la société moderne de Jean-Luc Lagarce, mise en scène de Agnès Régolo assistée de Jean-François Santolini, avec Agnès Régolo, Serge Innocent, Guillaume Saurel, est à découvrir à La Garance – Cavaillon, le 8 nov. à 19h, le 9 à 20h30 et le 10 à 14h15. Renseignements ici.
La tournée emmènera la compagnie Du jour au lendemain, en 2017, à Aubagne(2 fév), à Marseille (du 13 au 17 fév.), à Port-de-Bouc (31 mars), à Pertuis (28 avril) et à Salon-de-Provence (2 mai).
*Vers un protocole de conversation de Georges Appaix est programmé en Nomades à la SN La Garance, du 16 au 20 janvier 2017. Georges Appaix en parlait sur Ouvert aux Publics en février dernier.

Laurent Bourbousson

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