ITW : Jean Manifacier pour L’incroyable destin de Charles Cholomski
Jean Manifacier met en scène le premier Musicleaks de l’histoire de la musique classique avec L’incroyable destin de Charles Cholomski. Révélations et confidences seront au rendez-vous sur la scène de L’Autre Scène, à Vedène, ce dimanche 18 décembre. Interview.
Jean Manifacier, j’avais envie de vous appeler Jean Revel aujourd’hui. Est-ce possible ?
Jean Manifacier : Oui, vous pouvez le faire si vous voulez (rires). C’est un peu sur ce malentendu que le spectacle est construit : raconter l’histoire d’un personnage imaginaire pour raconter l’histoire de la musique. Ce Jean Revel pourrait bien être le Julian Assange de la musique classique. D’ailleurs, je m’étais dit que j’appellerai le spectacle Musicleaks (rires) parce que l’on fait tout un tas de révélations fracassantes sur les secrets qui parcourent toute l’histoire de la musique, pour les gens qui sont un peu profanes. On va apprendre comment Ravel a eu l’idée de son Boléro, comment Jean Sébastien Bach, avec ses 15 enfants, a trouvé le temps pour écrire plus de 15 000 opus, où Wagner a pris l’énergie pour écrire sa tétralogie, tout cela on va le dire et c’est assez audacieux, car la raison pour laquelle ils ont réussi est liée aux champignons hallucinogènes.
Comment vous est venue l’idée de ce spectacle ?
Jean Manifacier : Depuis une quinzaine d’années je travaille avec des orchestres, des solistes, des chefs d’orchestre sur la mise en place d’outils pour essayer d’atteindre un public qui ne va pas forcément à un concert de musique classique. On s’est posé beaucoup de questions pour savoir comment toucher ce public. Comme je viens du théâtre, je pensais que la meilleure manière était de leur raconter des histoires. J’ai commencé à écrire des scénarios, pour tout un tas de musiciens, et nous avons constaté que cela marchait très bien. Le public, qui venait voir un spectacle, n’était pas dans la même disposition que celui qui venait voir un concert de musique classique. J’ai l’impression que la musique classique continue à véhiculer tout un tas de préjugés. Beaucoup de gens se disent que ce n’est pas pour eux et ils n’auraient pas l’idée de prendre un billet pour aller voir l’intégrale des sonates de Beethoven alors que, peut-être, ils prendront un billet pour aller voir L’incroyable destin de Charles Cholomski, car il y a quelque chose d’assez tentant dans le titre.
C’était un peu l’idée de départ. Ensuite, il fallait coupler cette histoire, qui n’a d’imaginaire que le personnage principal, au duo Fromentin-Plancade, qui est un duo que j’adore. Ils vont jouer à 4 mains l’ouverture de Tannhäuser de Wagner, des symphonies, Mendelsshon, des ouvertures d’opéra… Ce concert est ce que l’on appelle un concert de transcription qui est tradition du 19ème siècle qui a permis de diffuser la musique dans des petits lieux où il n’y avait pas d’orchestre. C’est ce répertoire réjouissant que nous entendrons à L’Autre Scène.
Comment l’homme de théâtre que vous êtes en est venu à diriger des mises en scène d’opéras ?
Jean Manifacier : J’ai eu la chance de faire le conservatoire de musique de Rouen et d’avoir beaucoup joué au théâtre. Aujourd’hui, beaucoup de spectacles brassent la musique, le théâtre et la danse. Je pense qu’il est essentiel de faire un brassage des publics et de se servir des choses que l’on maîtrise pour ouvrir des imaginaires, avec le but d’attirer des publics de tous horizons. Il y a 95% de la population européenne qui n’a jamais fréquenté une salle de concert classique. Je me dis qu’il y a un champ d’investigation énorme et qu’il faut utiliser tous les moyens possibles pour faire connaître cela. Nous allons d’ailleurs dans des lieux qui ne sont pas forcément faits pour la musique classique.
Cela correspond au projet de L’opéra Vagabond que vous mettez en place ?
Jean Manifacier : L’Opéra Vagabond est un gros projet qui nous tient à coeur. Lors d’un voyage à Monteaux, en France, et je m’étais aperçu qu’il y avait deux territoires : l’un qui était très occupé par des festivals et manifestations culturelles, et l’autre, totalement déserté. Je m’étais dit qu’il serait drôle de mobiliser les connaissances que j’ai dans le métier pour partir sur les routes afin de donner des représentations lyriques dans les villages qui sont coupés des festivals et des circuits artistiques. Cette idée a fait son chemin. L’Opéra Vagabond aboutira à l’été 2018. Cela prend du temps car il faut se montrer convaincant face aux acteurs politiques locaux.
Est-ce que l’on peut dire que vous participez, avec vos créations, à la démocratisation de la musique classique ?
Jean Manifacier : Oui, je crois que oui. Ce qui m’intéressait, était d’aller rencontrer le public là où il se trouve. On peut avoir une scène très importante à côté de chez soi et ne pas y aller. Or, lorsque l’on vient rencontrer les gens sur la place du village ou dans des lieux autres qu’une salle de concert, c’est différent pour les gens. Il y a une autre démarche. Ceci est la clé, je dis de la démocratisation, bien que je n’aime pas ce mot… Ce qui est important, c’est de parler aux gens, d’aller à leur rencontre, leur dire qui nous sommes, pourquoi nous le faisons, pourquoi nous avons cette passion, et ce que l’art apporte à la vie quotidienne car je pense que cela n’est pas clair pour tous.
L’incroyable destin de Charles Cholomski
Avec : Laure Fromentin, Dominique Plancade et Jean Manifacier.
L’Autre Scène (Vedène)
Dimanche 18 décembre 2016 à 17h00
Renseignements : 04 90 31 07 75
Laurent Bourbousson