
[ITW] OFF19 : Anne Barbot pour Humiliés et offensés d’après Dostoïevski
La compagnie NAR6 est un collectif d’artistes rassemblée autour d’Anne Barbot et Alexandre Delawarde. Pour ce OFF19, Anne Barbot présente Humiliés et offensés d’après l’adaptation de plusieurs œuvres de Dostoïevski. Interview.
Après Yvonne, princesse de bourgogne, présentée lors du Festival Off d’Avignon en 2013, la compagnie NAR6 revient avec deux des quatre parcours que composent Humiliés et offensés.
Quelle a été votre motivation pour venir présenter Humiliés et offensés à Avignon cette année ?
J’ai créée cette pièce en octobre dernier. J’avais très envie de venir à Avignon pour plus de visibilité, pour la compagnie, pour la création et rencontrer le public afin que le spectacle vive sur longueur. C’est important pour moi.
L’intégralité d’Humiliés et offensés se compose de 4 parcours. Vous ne présentez que le parcours 1 et 3. Comment s’est établi le choix ?
Je savais que le premier épisode allait partir car c’est celui qui pose les bases, qui permet au spectateur de rentrer dans l’histoire et de la comprendre. Il énonce presque toutes les problématiques. Dans ce parcours, on assiste à une émancipation très profonde, très intime au sein de la famille. J’avais envie du troisième épisode, qui est un épisode plus idéologique, plus politique. Je rapproche le terme politique de l’engagement, d’un acte moins solitaire. Si j’étais allée au bout de mon idée, je serai partie avec le parcours 4 car il présente une émancipation idéologique assez forte du personnage d’Aliocha. Pour cet épisode, j’ai travaillé avec un groupe d’amateurs et d’élèves du conservatoire à Paris. Ce groupe intervient dans cette partie. Pour des raisons économiques, je ne pouvais pas faire venir celui-ci à Avignon car nous aurions été pratiquement 20 au plateau.
Avec Humiliés et offensés, que souhaitiez-vous montrer de l’œuvre de Dostoïevski ?
L’idée était de donner à voir toute l’ampleur, la dimension qu’il y a dans l’œuvre de Dostoïevski, celle où il parle des petites gens, des rapports humains dans toute leur complexité, mais également avec sa dimension philosophique et métaphysique.
Votre futur projet, Je sentais bien que je n’étais pas Napoléon, sera l’adaptation de Crime et châtiment de Dostoïevski. En quoi ses œuvres vous fascinent ?
Ce qui me touche, dans son écriture, est qu’il va nous parler de manière très simple. Il a cette force là. C’est un psychologue philosophe qui touche à des choses très profondes. J’ai travaillé sur le territoire du Grand-Orly Seine Bièvre pour Humiliés et offensés. Il y a une vraie résonance avec l’écriture de Dostoïevski. C’est pour cela que j’ai enlevé tout contexte de rapport au temps, dans Humiliés, pour que le texte puisse résonner.
Il y a également chez tous ses personnages une soif de liberté absolue, quitte à enfreindre les lois, les règles. Pour les interpréter, les comédiens doivent vibrer de l’intérieur afin de faire ressentir ce désir de liberté.
Comment avez-vous constitué votre équipe de comédiens ?
Je suis très fidèle à mes comédiens. Pour moi, les créations sont plus le résultat d’un parcours de compagnie que d’un seul projet. Cela est important pour moi. Le personnage d’Ivan, qui traverse tous les épisodes, est interprété par Benoît Dallongeville, un comédien avec lequel j’ai beaucoup travaillé.
Ce que je recherche chez mes comédiens, se niche dans leur maladresse, leur faiblesse. Cela fait leur force, et c’est comme cela que je travaille. On retrouve dans la distribution Minouche Briot. C’est une musicienne que j’ai rencontré sur la Seine Musicale à Paris. Nous avons une amie en commun qui m’a permise de rentrer en contact avec elle afin de lui proposer de travailler avec moi. Minouche a commencé à composer la musique. On a travaillé main dans la main. Je confrontais mon adaptation à sa musique. Je lui ai proposé le rôle de Nelly. Elle est comme son personnage, très impulsive.
J’ai casté une seule personne pour le rôle d’Aliocha, L’idiot dans le livre de Dostoïevski. Pour interpréter ce personnage complexe, mon choix s’est porté sur Jérémy Torres.
Pensez-vous que nous vivons dans une société libre ?
Je ne crois pas. Et c’est toute la question que pose Dostoïevski. Il développe dans Le Grand Inquisiteur que l’Homme a peur de la liberté. J’ai une citation de Nietzsche qui dit La liberté, c’est de savoir danser avec ses chaînes. Je pense que c’est ça. On est contraint par des règles si on veut vivre tous ensemble. Après, je pense qu’il faut avoir cette liberté de vouloir changer les choses, mais comment ? C’est la question du passage à l’acte que je traite dans les 4 parcours d’Humiliés et offensés. Je pose également la question de la violence. Faut-il tout brûler pour pouvoir reconstruire, si l’on n’arrive pas à être entendu ? Ce sont toutes les questions qui se posent aujourd’hui. C’est le passage à l’acte qui m’intéresse. Comment un personnage naïf peut prendre en main le cours des événements ? Aliocha en est un parfait exemple. Il est la complexité de l’homme.
Laurent Bourbousson
Visuel : Anne Barbot ©Pascal Gely
Dates et générique
Humiliés et offensés – Parcours 1 et 3, jusqu’au 28 juillet, relâche les 16 et 23, au Théâtre des Lucioles, à 13h45.
Mise en scène Anne Barbot | Interprétation Anne Barbot Minouche Briot Benoît Dallongeville Philippe Risler Jérémy Torres | Traduction André Markowicz | Musique Minouche Briot | Régie Jérôme Bertin