[ITW] Olivier Py, de l’Amour Vainqueur à MacBeth Philosophe

5 juillet 2019 /// IN - Les interviews
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C’était mercredi, avant le début du Festival d’Avignon et de toutes les agitations, que la rencontre avec Olivier Py était programmée. Nous avons évoqué le public du Festival, parlé de L’Amour Vainqueur et de MacBeth Philosophe, de son travail avec les détenus du Centre pénitentiaire Avignon-Le Pontet, et de trac.

Un semblant de calme régne encore au Coître Saint-Louis en ce mercredi, fin de journée. C’est avec son programme, posé près de lui, qu’Olivier Py, Directeur du Festival d’Avignon et metteur en scéne, a répondu à nos questions avant l’agitation du Festival et de sa première de l’Amour Vainqueur.

Le Festival d’Avignon : son public et ses chiffres

Au vu des places vendues depuis l’ouverture des locations, peut-on dire que cette édition est d’ores et déjà un succès ? 
Oui, mais ça ne suffit pas bien sûr. Mais en terme de fréquentation, nous sommes assez heureux et à date équivalente avec l’année dernière, nous sommes en progression.

Le directeur que vous êtes est donc satisfait de ce résultat ?
Oui, mais c’est surtout l’adhésion du public qui nous satisfait. La force du festival vient de là.

Vous travaillez effectivement en direction du public, à son rajeunissement et à son renouvellement.
En effet, le public a un peu rajeuni. C’est de l’ordre de 1 à 2% par an. Comme je suis ici depuis 6 ans, ça fait donc un gain [rires}. Mais c’est un travail constant de veiller à ce qu’il ne vieillisse pas trop vite, et qu’il soit métissé. Cela est le travail de mes équipes, depuis plusieurs années.

L’Amour Vainqueur 

En parlant de rajeunissement du public, vous présentez L’Amour Vainqueur adapté du conte Demoiselle Maleen des frères Grimm. Peut-on parler réellement d’une adaptation ?
Non, parce que les contes des frères Grimm tiennent le plus souvent en une page. C’est un synopsis avec très peu de mots. Dans L’Amour Vainqueur, il n’y a aucuns mots qui leur appartiennent.

Quels sont les éléments qui interpellent l’auteur que vous êtes, chez les frères Grimm ?
Dans leurs contes, c’est la résilience. C’est le quatrième conte que j’écris à partir d’un schéma grimmien, et ils fonctionnent tous à peu près de la même manière. Le plus souvent, une jeune fille subit un traumatisme et l’histoire est de savoir comment on en survit. Mais ce traumatisme, c’est d’abord la perte de l’enfance. Alors, c’est pour cela que ces spectacles s’adressent à des enfants mais également à des gens intelligents, et il y en a plein.

Comment travaillez-vous les mises en scène de vos spectacles destinés au jeune public ?
En premier lieu, il faut penser que, très souvent, les enfants viennent voir du théâtre pour la première fois. Il y a l’idée du spectateur primitif qui va découvrir, non pas seulement cette pièce, mais le théâtre. Donc, on pense toujours à ça. On essaie de mettre en scène la magie théâtrale elle-même. Mais, l’enfant, qui doit voir ce spectacle, doit avoir premièrement du plaisir, il doit être ému par ce qu’il voit, s’identifier à certains personnages et puis découvrir, en réalité, le poétique, la force littéraire. Et pour cela, il n’y a pas d’âge pour avoir un premier choc avec la langue, avec l’art. 

Vous signez le texte, la mise en scène et la musique d’Amour Vainqueur ? C’est une première en ce qui concerne la musique ?
Oui, pour la première fois de ma vie, je fais cela. Quand j’ai écrit ce texte et que je l’ai lu à mon partenaire scénographe, je chantais toutes les chansons. Je lui ai dit qu’il fallait trouver un musicien. Il m’a répondu que c’était fait en me montrant. Une fois le pas franchi, j’ai travaillé pratiquement un an sur ces musiques, avec beaucoup d’humilité car c’est très difficile et que ce n’est pas ma sphère de compétence absolue. J’ai été aidé par Antoni Sykopoulos, qui joue dans le spectacle. Il en a fait les arrangements.
Je me suis réellement amusé. Autant écrire, pour moi, est une souffrance, pleine d’angoisses et de doutes, autant travailler sur la musique, pianoter mes débuts de mélodie, j’ai vraiment adoré.

Dans votre voix, on ressent un sentiment de liberté ?
Oui, de liberté sans doute. J’avais l’impression d’être débutant, c’était très agréable. Je demandais plein de conseils.

Les enfants ont des questions métaphysiques

La première de L’Amour Vainqueur se fera le 5 juillet. On peut être étonné de cela dans la programmation : le directeur du festival qui débute la programmation avec un spectacle jeune public ?
Pourquoi ? Je l’avais fait en 2014. En général, je reviens au théâtre jeune public tous les 4-5 ans. Je le fais avec beaucoup de modestie et de travail. Même si la durée est d’une heure, il faut qu’il y ait une petite horloge parfaite.

On sent tous les enjeux que vous placez dans la création pour le jeune public ?
Oui, c’est l’occasion, pour moi, d’être philosophique. Les questions des adultes ne sont pas très intéressantes. Les enfants ont des questions métaphysiques, que les adultes ne posent pas tellement que ce soit dans les spectacles ou dans la vie. Ce sont des questions plus extraordinaires, plus frontales, plus naïves peut-être.

MacBeth Philosophe

On vous retrouvera, pour la seconde partie du festival, avec Macbeth Philosophe. Vous poursuivez le travail avec le détenus du Centre pénitentiaire Avignon-Le Pontet.
Oui, j’ai des spectateurs un peu étrange cette année. Je travaille pour les enfants et pour les détenus. Pour moi, ces deux publics m’apportent beaucoup.

Ils vous apportent ce que le public du festival ne parvient pas à vous donner ?
Ils m’apportent autre chose. En un sens, ils me mettent en danger et j’aime beaucoup ressentir cela.

Vous avez adaptez, donc, MacBeth de William Shakespeare pour l’occasion ?
Traduit et adapté… Tradapté (sourire). Hamlet et MacBeth sont les pièces les plus adaptées de Shakespeare, elles ne sont jamais jouées telle qu’on les trouve dans leur texte.

Je pense qu’ils connaissent MacBeth mieux que moi

Était-ce une volonté des détenus de jouer ce texte ?
Oui. On avait fait Hamlet, en 2016. Ils avaient un souvenir émerveillé de Shakespeare. On a lu plusieurs textes et ils ont choisi. Donc, nous faisons Macbeth.

Quelle satisfaction en retirez-vous ?
Au mois d’octobre dernier, je leur ai apporté une première version traduite et adapté que j’avais travaillé. Je pense qu’ils connaissent MacBeth mieux que moi. Durant toute l’année, ils m’ont aidé à comprendre la pièce.

Travaillez-vous toujours avec le même groupe de détenus ?
Non, parce que certains sont sortis fort heureusement. Cela je les ai perdus.

Tout est donc à reconstruire avec chaque projet. 
Oui. Honnêtement, c’est très difficile de travailler et c’est cette difficulté qui nous plaît avec Enzo Verdet. Le groupe n’est jamais constant, certains vont sortir, d’autres vont abandonner, les conditions sont très dures. C’est dur. C’est un combat de chaque semaine et tout est émotionnellement surdimensionné en prison. Les moments de défaite comme les moments de victoire, que nous avons connus, sont très forts. 

Quand vous leur annoncer qu’ils vont faire partie de la programmation du Festival d’Avignon, quelles sont leurs réactions ?
C’est la troisième fois que l’on montre notre travail. Si je leur avais annoncé que nous ne faisions pas le Festival, ils auraient été déçus.
En toute modestie, je peux dire que MacBeth Philosophe est notre chef d’œuvre, au groupe, à Enzo, à moi, à l’administration pénitentiaire et aux surveillants qui sont devenus nos complices dans cette affaire. C’est vraiment un travail en commun. C’est quelque chose que nous n’aurions pas pu faire la première ou la deuxième année. Il faut gagner la confiance de tout le monde, avoir les autorisations à temps, et c’est toujours un danger, même à l’heure où je vous parle.

Histoire de trac

Est-ce que le metteur en scène que vous êtes tremble lors des premières ?
Non. Je n’ai pas tellement le trac en tant que directeur et metteur en scène, sauf si je n’étais pas content d’un spectacle mais ce n’est jamais arrivé. Par contre, j’ai un trac à mourir lorsque je dois entrer en scène.

Même en tant que Miss Knife ?
Surtout en tant que Miss Knife, et encore plus si je dois chanter ! Mais en tant que directeur et metteur en scène, je n’ai absolument pas le trac. Je pense que c’est à moi d’amortir les tensions de ceux qui jouent, je ne suis pas là pour leur ajouter de l’inquiétude.

Avant de terminer, l’un des spectacles de votre programmation que nous attendons particulièrement est La maison de thé ? Quel serait le vôtre ?
J’aime tous mes enfants [rires]. Même sous la torture, je ne répondrai pas à cette question. C’est normal que ce spectacle intrigue et que l’on ait très envie de le voir. Peut-être parce que nous n’avons pas tellement eu de spectacle chinois. C’est un grand spectacle avec une grande équipe. C’est un spectacle qui est très attendu. Personnellement, j’ai envie de le revoir.

Propos recueillis par Laurent Bourbousson
Visuel : L’Ampour Vainqueur ©Christophe Raynaud de Lage

Dates et génériques

L’amour vainqueur, 5, 6, 7, 8, 10, 11, 12, 13 juillet, au Gymnase du Lycée Mistral.
Interprétation Clémentine Bourgoin, Pierre Lebon, Flannan Obé, Antoni Sykopoulos | Texte, mise en scène et musique Olivier Py | Scénographie, costumes, maquillage Pierre-André Weitz | Lumière Bertrand Killy | Arrangements musicaux Antoni Sykopoulos | Construction décor Ateliers du Festival d’Avignon | Confection costumes Ateliers de l’Opéra de Limoges

MacBeth Philosophe, 17, 18, 19 juillet, à la Chartreuse de Villeneuve lez Avignon
Interprètation les participants de l’atelier théâtre du Centre pénitentiaire Avignon-Le Pontet : Christian, Mohamed, Mourad, Olivier, Philippe, Redwane, Samir, Youssef | Texte William Shakespeare | Traduction et adaptation Olivier Py | Ateliers de création théâtrale – Direction Olivier Py et Enzo Verdet

Le site Festival d’Avignon.

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