Rencontres à la Maison Jean Vilar
Il existe des lieux dans lesquels, une fois les portes poussées, vous êtes heureux d’être là. La Maison Jean Vilar en fait partie. Rencontre avec Jacques Téphany, Directeur Délégué de l’association de la Maison Jean Vilar, et Lenka Bokova, Directrice de l’antenne avignonnaise du département des Arts du spectacle de la Bibliothèque nationale de France.
Si vous n’avez jamais eu l’idée ou l’envie d’entrer dans ce lieu « sacralisé » par le nom qu’il porte, ou si pour des raisons qui vous sont propres, vous ne vous sentiez pas à la hauteur de ce lieu, ceci pourrait bien changer après ce qui va suivre. La Maison Jean Vilar est une véritable caverne d’Ali Baba, dans laquelle se cachent des trésors du spectacle vivant.
Une fois la porte poussée, vous êtes happé par l’espace muséal. C’est un parcours qui met vos pas dans ceux de Jean Vilar, vous présente sa pensée, son combat et les archives des pièces créées.
C’est au cours de ma visite que Jacques Téphany, Directeur Délégué de l’Association, arrive avec ce sourire chaleureux qui le caractérise. Assis au salon, nous entamons une discussion autour de ce lieu, de l’esprit Jean Vilar, de l’avenir de cette Maison et de son désir d’horizon (discussion à retrouver en bas de page).
Oui, Jacques Téphany a ce cap en tête, celui de préparer la relève, de passer le relais à un homme de son temps, d’ici l’année prochaine. Il me dit ces mots « Vilar disait : j’ai fait, pour les gens de mon époque, le théâtre de mon temps » et les transforme aussitôt en : « Cela fait 12 ans que je suis là, et j’ai fait la maison pour les gens de mon époque. Il faut que tout ceci évolue ».
C’est cette sagesse qui définit son parcours au sein de cette association. L’entendre dérouler le fil de l’histoire laisse apparaître l’homme de terrain qu’il est aussi. Et le mot responsabilité apparaît. Ce mot employé pour qualifier le travail de Jean Vilar réalisé pour le théâtre (il avançait ses propres deniers pour ses créations), résonne aussi dans le travail de Jacques Téphany pour cette Maison. Il regrette que l’adjectif responsable soit peu accolé ou absent des missions confiées aux directrices et directeurs des différentes institutions, des différents lieux qui constellent le paysage du spectacle vivant.
Toujours avide de propositions, il prépare la programmation du Festival d’Avignon car la Maison Jean Vilar est un lieu plein de vie l’été, avec notamment les rencontres à la Calade et les expositions à découvrir au premier étage. Même si cette année et pour des raisons de sécurité il n’y aura pas de spectacles donnés à la Maison Jean Vilar, les festivaliers iront jusqu’à Villeneuve les Avignon pour découvrir Le Bazar Vilar de la Compagnie Dominique Houdart.
« L’esprit Jean Vilar existe beaucoup plus qu’hier chez les jeunes metteurs en scène »
Lorsque nous évoquons la difficulté pour les habitants d’Avignon de ne pas oser entrer dans cette maison, ou de la méconnaître tout simplement, il étaie son exemple avec la difficulté intrinsèque de la ville, à savoir le dedans et le dehors, l’intra et l’extra-muros. Car ce qui lui plairait, c’est que ce ne soit pas tant l’intra qui entre dans la maison, mais l’extra.
Pourtant, des actions sont mises en œuvre tout au long de l’année. La Maison Jean Vilar a participé au Festo Pitcho, des partenariats durables sont mis en place avec le festival Les Hivernales… autant d’actions qui visent à rendre visible ce lieu précieux.
Sur la question de l’héritage de la pensée de Jean Vilar, sa réponse est sans appel : « Oui, il existe beaucoup plus qu’hier chez les jeunes metteurs en scène ». Jacques Téphany laisse à son successeur la charge de l’ouvrir aux artistes dont le corps de métier est le spectacle vivant dans sa diversité.
La diversité est aussi l’image de cette Maison. Si le rez-de-chaussée et le premier étage sont dédiés à Jean Vilar, le second s’ouvre sur l’antenne avignonnaise du département des Arts du spectacle de la Bibliothèque nationale de France.
C’est un lieu qui demande à éclore me confiera en pointillé Lenka Bokova, Directrice de la bibliothèque. Encore peu ou pas reconnu, le lieu est une véritable perle pour les chercheurs, les universitaires en spectacle vivant mais aussi pour de simples passionnés. Des expositions, issues des collections, sont présentées et sont un véritable enchantement.
La BNF détient des documents qui font la mémoire du Festival d’Avignon, des théâtres d’Avignon et de la danse à Avignon. Le traitement des collections a été complexe car il fallait traiter le courant et rattraper le rétrospectif pour signaler les collections non inscrites au catalogue. Travail méticuleux pour répertorier, classer les documents qui prennent place sur les mètres de linéaires qui feraient pâlir tous archivistes de métier.
« La Bibliothèque en chiffres : 1 200 mètres de rayonnage, 33 000 livres, 13 00 affiches, sur 600 m2 »
Les collections sont issues des versements effectués par les directions du Festival d’Avignon et des Hivernales.
Pour la collection du Festival Off, le travail est un peu plus ardu puisque c’est une course à la collecte qui s’organise en allant voir directement les théâtres (annuels et temporaires) et les compagnies pour récolter tous les documents qui feront la mémoire de ce festival.
Ce sont près de 33 000 livres, 13 000 affiches sur une totalité de 600 m2, qui attendent d’être compulsés. Ressource inestimable qui au final raconte beaucoup plus que l’histoire des festivals.
Lenka Bokova parle avec ce langage passionné qui donne vie à ses collections et vous pousse à y revenir. Il serait bon de grimper les escaliers jusqu’au troisième car la bibliothèque accueille tous les publics curieux du spectacle vivant.
L’interview de Jacques Téphany
La création de la Maison Jean Vilar
L’arrivée de Jacques Téphany au sein de l’association de la Maison Jean Vilar
L’esprit de Jean Vilar aujourd’hui
Entretien réalisé le 3 avril 2015.
Le site de la Maison Jean Vilar : ici.
Le blog de la Maison Jean Vilar : là.
Laurent Bourbousson