Vu dans le Off 2015 : Flat/grand délit – Cristina
Les deux interprètes de Yann Lheureux ont cette particularité commune : le jusqu’au-boutisme. Ces duos posent la question de la passion. Tour à tour dévoré par ce que l’on pourrait désigner d’obsession, ils nous renvoient l’image de nos propres addictions.
Flat/grand délit
Yann Lheureux a chorégraphié pour Vincent Warin (champion de France et vice-champion du monde de la pratique BMX) un solo qui lance un ultimatum au temps qui passe.
Vincent Warin arrive à transformer ce solo en duo tant il ne lâche jamais son BMX. La prouesse technique est à couper le souffle, la prouesse chorégraphique l’est tout autant.
Il n’y a pas une seule minute à perdre dans les enchaînements. Il exécute une danse de l’urgence, une danse tripée. Avec ses mouvements saccadés, il raconte sa relation à l’objet. Il fait montre de l’addiction qui le lie à ce guidon, à ces roues (magnifique moment lorsque la roue lui roule sur la joue, sur les lèvres). Il existe bien une relation charnelle, entre l’homme et le mécanique, mise à jour par le regard de Yann Lheureux.
J’ai hier, J’ai demain, J’ai aujourd’hui peut-être dit Vincent Warin. Cette relation au temps peut aussi bien illustrer la fragilité du corps pour cet exercice ou résonner comme une célébration à la nature humaine, qui fait que nous sommes encore ici aujourd’hui. C’est pour cela certainement, qu’il a aussi 6 ans et 65 000 années. Vincent est intemporel. Il est partout à la fois. Il remonte, alors, en selle, identique à l’image des iroquois sur leurs chevaux galopant dans les plaines.
Flat/grand délit est une danse à la vie, à la mort, passionnelle et fusionnelle.
Cristina
Yann Lheureux a la faculté de s’entourer d’interprètes à fortes personnalités. Avec Cristina Hall, il n’échappe pas la règle. La voir à la sortie du théâtre, vous avez du mal à faire le rapprochement avec l’interprète que vous venez de voir sur scène.
Cristina Hall se raconte dans ce solo. Elle se lance dans l’arène sans retenue, sans mentir. Tout est vrai. Il y a aussi une urgence qui sous-tend son propos. Peut-être est-ce pour s’affranchir de sa culture américaine et revendiquer la danseuse flamenco qu’elle est devenue ?
Cristina nous invite dans une sorte de Cabaret, dont elle serait le Monsieur Loyal. Le zapateado du début envoûte, séduit. L’énergie qui s’en dégage est d’une force magnétique.
Ce solo lui permet d’ajouter à son savoir-faire initial, à savoir danseuse de flamenco, celui d’être comédienne. Elle illumine la scène, hypnotise le public, par son jeu.
Le plateau composé de 3 espaces différents se trouve être le révélateur de la dichotomie de ses cultures : le traditionnel se retrouve confronté à la pop culture. pour preuve : la voir manger du pop-corn dans une sorte d’euphorie contagieuse est tout autant symbolique que de l’entendre au chant.
Cristina Hall a cette faculté de montrer la fragilité et la force de l’être, le dément et le sage qui sommeille en chacun de nous, et de donner à voir une danse libératrice.
Flat/grand délit – Cristina, tous les jours (sauf les mercredis) au Théâtre de l’Oulle, à 10h15. Jusqu’au 26 juillet.
Laurent Bourbousson