VU #OFF18 : L’Homme seul de Seb Lanz
La simple lecture du titre de ce spectacle, dans le programme du Théâtre des Carmes, a ravivé des images et des sensations vécues en janvier 2017 lors de sa sortie de résidence. L’Homme seul fait partie de ces spectacles dont on ne ressort pas indemne. Rencontre avec Seb Lanz, le metteur en scène de la compagnie DDCM La vie moderne, et retour sur cette proposition d’une grande utilité publique.
Rencontre avec Seb Lanz
Au départ, Seb Lanz a reçu une double formation, celle de musicien et de comédien. Mais lorsqu’il a fallu choisir une direction à 20 ans, son désir le plus fort a été de se diriger vers la musique. « Je ne me voyais pas répéter des textes seul dans ma chambre, alors qu’écrire des chansons et chanter, cela me correspondait » plus raconte l’intéressé. Puis, un jour, il tombe sur L’enseignement de l’ignorance de Jean-Claude Michéa et monter ce texte devient une évidence. « Je n’ai pas de formation de metteur en scène, mais j’ai eu la chance de côtoyer, quand j’avais 20 ans, Jean-Lambert Wild, l’un des metteurs en scène très talentueux de notre époque. De ce que j’ai pu observer de son travail, je m’en sers maintenant (rires). J’ai bénéficié, pour ma première mise en scène, d’une curiosité de la part du public qui a été importante et les retours critiques étaient bons. J’ai enchaîné alors avec l’écriture de L’Homme Seul. »
Cependant, Seb Lanz ne laisse pas tomber pour autant la musique, puisqu’il continue de jouer. « Je serais musicien jusqu’au bout ! Même si j’ai fait très peu de solfège, et que cela a pu m’handicaper, aujourd’hui, j’ai une liberté dans l’improvisation. »
Même si pour lui, le théâtre est très incertain, il sera pour trois années, à compter de la saison prochaine (2018-2019), artiste en résidence au Théâtre Louis Jouvet de Rethel. Être sur ce territoire, éloigné d’Avignon, est d’une importance réelle : « Je suis petit fils de Général, et servir un pays c’est répandre la culture dans toutes ses composantes. Je le vis comme une chance qui est donné aux artistes de développer ses propositions artistiques. » Mais n’en n’oublie pas une de ses caractéristiques pour autant, celle d’être exigent sur ce qu’il va faire. « Une grande création est prévue pour 2020. Ce sera ce qui précède L’enseignement de l’ignorance, La Culture du narcissisme de Christopher Lasch. Elle regroupera des comédiens et un youtubeur. »
La création L’Homme seul
Mais pour ce qui est d’aujourd’hui, Seb Lanz présente L’Homme seul au Théâtre des Carmes, tous les soirs à 19h. Un texte qu’il a écrit avec son interprète Fred Guittet. « Si vous lui en parlez, il vous dira que non, mais il m’a aidé dans l’écriture. » Et d’enchaîner, « au départ de l’écriture, il a une amitié avec Paul Payan, historien. Je lui ai demandé comment l’on traitait les pauvres au XIIIe siècle. Il m’a raconté que l’on accueillait les pauvres dans les hospices, dans les granges, que laisser dormir les gens dehors ne se faisait pas. Cela était un usage de collaboration et de sécurité. Et aujourd’hui, nos valeurs contemporaines ont inversé cela. On entend que le pauvre profite du système alors que c’est le système qui accepte que les gens pauvres soient mis de côté et profite d’eux. On vit une époque où il y a beaucoup de mépris envers les pauvres, les communautés… »
Mais Seb Lanz ne s’est pas arrêté aux textes historiques, il est allé avec Fred Guittet à la rencontre des gens qui vivent dans la rue : « La plus grande des émotions est que chacun dit que ça peut t’arriver. On s’aperçoit qu’il y a une dépendance, un destin qui retient ces gens dans l’exclusion. J’ai rencontré des personnes remplis de lumière et de poésie. »
Lorsque vous lui demandez si le texte a évolué entre sa création et maintenant, le metteur en scène vous répond que non, mais qu’il découvre ce personnage qu’est Pilo et s’aperçoit qu’il pourrait avoir une suite à L’Homme Seul. Et quelle serait-elle ? « Quand il était sa femme. Comment vivait-il son quotidien ? Qui était sa femme ? Ce serait l’histoire de cette dernière avec une comédienne seule en scène à deux époques différentes, l’époque d’avec Pilo et 10 ans après, lorsqu’elle rencontre un clochard qui lui ressemble. C’est un travail en cours que j’aimerai écrire avec la comédienne. » Mais nous n’en saurons pas plus.
Vu : L’Homme Seul
C’est un court voyage que le public fait de la place des Carmes jusqu’au lieu de la représentation, que nous ne dévoilerons pas pour laisser la découverte intacte. Se faufiler au milieu des gens sur les trottoirs, rencontrer des regards participent déjà à ce que le public va vivre dans quelques minutes. Puis enfin, nous prenons place. C’est en extérieur que L’Homme seul va se jouer. Au loin, le bruit de la rue, des coups de klaxons, des rires d’enfants et des cris d’adultes, parfois. Tout participe à s’attacher à celui qui est devant nous, couché sous sa couverture de survie.
Lui, c’est cet Homme Seul, qui porte le prénom de Pilo. Ou s’agit-il d’un surnom ? Il adresse la parole directement au public. Il raconte sa vie d’avant, quand il était aquariologiste, qu’il vivait avec celle qu’il aimait. Et tout d’un coup, la bascule, la séparation, l’envie de partir, un accident en Espagne et l’argent qui fond comme neige au soleil. Puis, rien. Plus rien. Il ne lui reste plus que la rue pour territoire et se rattache à sa canette. Sa canette, pour lui c’est la bière, mais nous renvoit à nos dépendances contemporaines, à nos clics, à nos poésies virtuelles furtives.
Avec des mots simples Pilo dit la violence qui règne dans la rue, mais aussi cette humanité nouvelle. Véritables poètes, les âmes de ces oubliés se nourrissent de petits riens qui sont d’une richesse immense.
Avec ce texte, Seb Lanz signe une histoire banale, touchante, emplie de poésie. Sans pathos, les mots sont d’une franchise et d’une bouleversante réalité. Fred Guillet (Pilo) est éblouissant dans son rôle. Troublant de vérité, le public ne sait pas vraiment à qui il a à faire. Est-ce un vrai comédien ou bien le rôle est-il joué par un vrai SDF ? On se questionne réellement. Le décor extérieur donne une force supplémentaire à cet Homme seul et concourt à une parfaite mise en situation, non galvaudée par des artifices superflus, d’une réalité brute.
Le théâtre a cette particularité, celle de vous mettre en face de notre monde. Seb Lanz et Fred Guillet le font avec exigence et proposent un moment d’une grande utilité publique.
Propos recueillis et retour Laurent Bourbousson
L’Homme seul de Seb Lanz à voir absolument jusqu’au 25 jullet (relâche les jeudis) à 19h au théâtre des Carmes. Renseignements ici.
Metteur en scène Seb Lanz | Interprète : Fred Guillet
impossible de vous joindre pour réserver des places pour l’homme seul. votre site est bloqué et votre tél sur répondeur. Merci de nous indiquer la marche à suivre. Sylvie
Madame, j’ai transmis votre message directement au Théâtre.