Vu : Phasme de Fré Werbrouck au Théâtre des Doms

8 mars 2018 /// Les retours
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Inspiré d’une série de tableaux du peintre Michaël Borremans, « Phasme » est le deuxième volet des Variations sur l’immobile. Deux bâtons blancs de chair pâle. Un environnement quelque peu confiné et une atmosphère très intime… Elle va nous susurrer son propos.

Michael Borremans © Hashtag Legend

Borremans © contemporaryartdaily.com

« On ne sait pas ce que peut une image. Certaines rendent complètement idiots, d’autres semblent éveiller à la vie de l’esprit, laissant passer comme un souffle qui meut la pensée et l’oblige à en interroger les puissances de lumière et de trouble. » Georges Didi-Huberman

Il y a le silence, la lumière tamisée et ces incroyables bras qui se déploient. Puis apparaît un visage lumineux ponctué par ses yeux bleus et de longs cheveux roux. De sa robe, elle aussi  bleue, on ne voit que le buste.

Elle est effectivement dans la table, elle semble ne pouvoir s’en échapper, elle ne cherche d’ailleurs pas à le faire. Elle en fait partie, physiquement. Elle est incarcérée, c’est une prison physique et une prison mentale.

Mais surtout il y a les mouvements du haut de son corps, de ses bras principalement. Elle est mue de l’intérieur. Ses bras se déplacent indépendamment de sa volonté à des rythmes différents, avec des qualités différentes. L’écriture du mouvement est très précise. Elle est répétée à l’identique parfois, ou recomposée. Tout son chemin est celui de l’appropriation. Saura-t-elle faire de ces mouvements les siens ? Saura-t-elle avoir prise sur cette chorégraphie qui lui échappe ? Saura-t-elle s’en rendre maître ? Saura-t-elle l’incorporer ?

Phasme ©Sara Sampaleyo

J’ai eu le sentiment de la voir essayer et essayer encore, de différentes façons… J’ai eu le sentiment de la voir jubiler parfois de parvenir à « être avec » ce qui tout à l’heure la contrôlait sans qu’elle ne le désire. Enfin, elle était parfois maîtresse du jeu. Elle avait réussi à s’adapter à son environnement ! Elle faisait corps (et esprit) avec la table et avec ce qui provoquait en elle le mouvement.

L’environnement sonore était irrégulier et hétéroclite. Parfois le silence, parfois des bruits, parfois de la musique harmonieuse, et parfois encore le silence…la musique se cherche…comme cette femme.

Cette courte pièce, très poétique, nous renvoie à nos « prisons » intérieures. Au combats internes que nous menons chaque jour pour nous connaître un peu mieux, pour tenter de nous adapter aux environnements multiples qui sont les nôtres et avec lesquels nous ne nous sentons pas toujours en « phase ». Comme elle, sans  sortir de nos carcans, nous tentons de trouver du sens à ce qui nous meut. Nous tentons de donner un sens à notre vie en nous appropriant ce qui nous constitue, ce que l’on est, ce que sont nos « bagages », que l’on ne peut effacer ou détruire… juste transformer et faire siens.

Par Séverine Gros
Photo : Phasme ©Sara Sampaleyo

Phasme de la Cie D’iciP a été vu au Théâtre des Doms le samedi 3 mars 2018 dans le cadre de la 40è édition du Festival Les Hivernales.

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