
[VU] Promesse, le manifeste féminin d’Anne Rehbinder et Antoine Colnot
À Klap Maison pour la danse à Marseille, Anne Rehbinder et Antoine Colnot créaient Promesse avec Tânia Carvalho en chorégraphe invitée.
Ceux qui s’attendaient à voir un spectacle chorégraphique seront déçus, ceux qui croyaient voir un spectacle de théâtre aussi, et ceux qui apprécient la transdisciplinarité seront embarqués dans ce « laboratoire » qui donne à la parole intime et collective le rôle-titre.
Après une introduction facétieuse que nous ne dévoilerons pas au risque de gâcher la surprise, la troupe (comme on dit au théâtre) démarre un marathon de mots, de gestes, d’éclats de voix, de prises de bec face à une metteure en scène vacillante et préoccupée par sa vie familiale. Le sujet est lancé : comment conjuguer l’éternelle équation féminité, création, famille ? Si les danseuses se rebiffent devant les doutes d’Anne Rehbinder (metteure en scène et comédienne et mère de famille), les voici dos au mur : à elles d’insuffler de nouvelles idées, creuser des pistes, faire exister la pièce coûte que coûte quitte à déborder du cadre, délirer, s’engueuler, lâcher prise ou tout déballer… Comme Milane qui s’investit dans un monologue d’une violence inouïe et jette à la face du monde un chapelet de violences faites aux femmes. Rien nous est épargné et c’est tant mieux. D’autant que la forme en contrepoint est plus virulente encore, déclamant avec rage « n’en avoir rien à foutre » de la sororité, du harcèlement, du viol, de l’inceste, des femmes battues, emprisonnées, muselées, etc. ! Le silence assourdissant qui suit et son immobilisme soudain font mouche. Heureusement, d’autres séquences humoristiques offrent quelques moments de répit entre deux diatribes sur la sexualité, la culpabilité, les soi-disant privilèges des femmes…
Promesse est un spectacle déstabilisant car, si l’on rit beaucoup, le propos est amer et le constat alarmant. Les inégalités homme-femme persistent, circulez, y’a plus d’espoir ! Le hic, c’est la place dévorante de l’écriture textuelle sur l’écriture chorégraphique qui ne tient pas ses promesses. Dommage, car Tânia Carvalho nous avait habitués à une gestuelle baroque et moins rigide, une expressivité moins convenue.
Marie Godfrin-Guidicelli
Crédit photo : ©HKC
Générique
Conception et direction artistique Anne Rehbinder et Antoine Colnot / Mise en scène Antoine Colnot / Écriture dramaturgique Anne Rehbinder / Chorégraphe invitée Tânia Carvalho / Musique Olivier Slabiak / Avec Marie Buysschaert, Milane Cathala-Di Fabrizio, Guila Mbikinkam, Camille Mezerette, Shihya Peng
Toutes les dates de tournée : compagniehkc.fr