Eleonora Romeo et Fabrice Lebert : Lampedusa Snow au Fest’hiver à Avignon
Alors que les théâtres ne sont plus ouverts aux publics depuis le 30 octobre 2020, le Fest’hiver, le festival des Scènes d’Avignon soutenu par la Ville d’Avignon, se vit de façon numérique.
Eleonora Romeo de la Cie Erre présentait le second volet de la Trilogie du naufrage de Lina Prosa devant un parterre de professionnels au Théâtre du chien qui fume, puis devant un public invisible, installé devant son écran d’ordinateur, faute de mieux.
Retour et rencontre avec la metteuse en scène et Fabrice Lebert, son comédien.
À l’heure où les captations de spectacles diffusées sur le net alimentent les conversations (est-ce qu’à terme, ce procédé pourrait remplacer un jour le spectacle bien vivant ?), un autre débat surgit au sein des compagnies : faut-il ouvrir la représentation aux professionnels (à ce titre, lire l’article de Vincent Bouquet sur sceneweb.fr) ?
La metteuse en scène Eleonora Romeo a vécu cela avec la création de Lampedusa Snow. Le second volet de la « Trilogie du Naufrage » de Lina Prosa a vu le jour lors de l’ouverture du Fest’hiver, vendredi dernier au Théâtre du Chien qui Fume, devant un parterre de professionnels. Il fait suite à Lampedusa Beach créé deux ans plus tôt.
Ce que l’on peut déjà dire est que la metteuse en scène a le chic pour s’entourer des bons comédiens. Si l’interprétation de Stefania Ventura a marqué le premier volet, il est à parier que Fabrice Lebert marquera celui-ci.
Le comédien porte la voix de Mohamed et la poésie de Lina Prosa. Il donne à entendre le moindre mot et le moindre souffle de l’écriture de l’auteure.
Lampedusa Snow ou la déshumanisation des rapports humains
Avec son costume de boxeur, le comédien livre un combat, celui de Mohamed, mais également celui de ses pairs. Commencé le jour où le chef du village l’invite à partir pour donner la leçon aux « gros blancs » en tant qu’ingénieur en électronique, il se terminera lors de sa traversée des Alpes à 1800 mètres d’altitude. Cette parole portée devient universelle. Elle est non seulement celle de Mohamed mais également celle des anonymes qui disparaissent et seront oubliés à jamais, de l’autre côté des mers et ici-même.
Le comédien donne vie à ces êtres dans un décor blanc contrastant avec la boîte noire. Avec pour simple décor un frigo-bar (et ici le mot simple revêt cette définition : qui suffit à soi seul, qui n’a besoin de rien d’autre pour produire l’effet attendu – dictionnaire Larousse), l’homme reconnaîtra en cet objet un port d’attache, un lieu de ressources.
Le froid du texte se fait ressentir dans les moindres paroles. Devenu invisible au regard de l’administration, du corps médical et des habitants de ce village dans lequel vivent la centaine de migrants, les humains qu’ils sont ne représentent plus rien pour leurs homologues européens.
Ce volet raconte bien plus que la traversée des migrants vers les terres européennes, sorte d’El Dorado devenu prison à ciel ouvert. Fabrice Lebert met toute sa force pour raconter la déshumanisation de nos rapports et les petites contrariétés que vit l’homme blanc en regard de situations bien plus dramatiques qu’un simple chagrin d’amour.
La mise en scène d’Eleonora Romeo, le travail lumière de Damien Gandolfo et Franck Michallet, ainsi que l’habillage sonore de Jamespance et Eric Craviatto servent le texte de Lina Prosa sans l’étouffer.
Fabrice Lebert porte avec passion et sincérité les dires de Mohamed et traverse admirablement cette odyssée humaine et tragique.
L’interview
C’est le lendemain de la création que nous avons rencontrer Eleonora Romeo et Fabrice Lebert. Nous remercions le Théâtre du Chien qui Fume pour leur accueil.
0:00:53 – Le ressenti face à la captation (ndrl la captation n’est plus disponible)
04:16:00 – La captation, un nouvel outil de diffusion ?
06:08:00 – Fabrice Lebert, l’interprète parle de la découverte du texte
11:33:00 – Eleonora Romeo et la rencontre avec Fabrice Lebert : le possible d’un spectacle et les subtilités du texte dans sa version originale
15:18:00 – Les facettes du personnage par Fabrice Lebert
18:03:00 – L’engagement du corps
19:51:00 – La mise en scène et le frigo
24:59:00 – Le travail lumière et l’univers sonore
27:39:00 – Phrases
Générique
Lampedusa Snow de Lina Prosa, traduction de Jean-Paul Manganaro.
Mise en scène Eleonora Romeo|Interprétation Fabrice Lebert|Lumière Damien Gandolfo, Franck Michallet|Musique Jeamspance, Eric Craviatto
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