Interview : Yanis : L’Heure bleue est représentative de mon parcours
Yanis sera en concert aux Passagers du Zinc, à Avignon, le 18 mars 2016. L’été dernier, il nous a réchauffé avec son titre Hypnotized. L’Heure Bleue, son EP, est une invitation au plaisir. Interview.
On t’a connu sous le pseudo de Sliimy, il y a 7 ans. Cet été, tu es revenu avec ton titre Hypnotized, sous ton vrai prénom, Yanis. Quel lien peut-on faire entre ces deux rives ?
Il y a un lien entre ma vie, Sliimy et le rapport à l’autre, le rapport d’avoir découvert l’autre. Quand je faisais Sliimy, je vivais beaucoup enfermé dans ma chambre, j’ai écrit ça en colère. Pendant tout ce temps, j’ai continué à composer, à créer, tout ceci à évoluer. Je n’ai pas arrêté de rechercher. C’est presque une quête identitaire car c’est lié à tout ce qui se passe autour de moi. Ça fait parti de ma vie à 100% de ma vie, et le résultat est L’Heure Bleue. Cet EP, que je vois plus comme un album d’ailleurs, est une vraie transition. C’est un pont entre ce que j’ai fait avant et ce que je vais faire aujourd’hui.
Nous sommes en pleine bascule alors ?
Exactement car l’heure bleue est le moment ou tout est en train de changer, c’est quelque chose d’éphémère, c’est le coucher ou le lever de soleil. L’heure bleue est différente tous les jours et elle est représentative de mon parcours. Je suis en train de faire des nouveaux titres et il y a des choses de ces derniers jours qui vont m’inspirer pour leurs écritures.
A l’écoute de L’Heure bleue, on sent une progression dans les titres. Un scénario se met en place. Il y a comme une idée de transe qui sous-tend les titres…
Les titres traitent effectivement de ce rapport là, autant dans la musique que dans les textes. C’est ce que j’essaie de faire, partager mes morceaux et faire que les personnes les fassent évoluer, qu’ils grandissent en eux, dans une sorte de transe.
Je réécoutais ton album, et j’avoue avoir découvert Aura aujourd’hui…
Ce titre n’est vraiment pas facile au premier abord. Il a été créé en juillet dernier, donc assez récent. Il raconte l’histoire d’une amitié, ce moment où l’on découvre réellement la personne que l’on croyait connaître. L’aura est cette énergie chez l’autre qui surprend lorsque nous la découvrons.
J’avoue que la personne qui m’a beaucoup inspiré sur ce titre est Roisin Murphy. Elle a une façon de composer et sa voix lie les choses.
Il y a un mot qui me permet de définir ta musique, c’est hédoniste. Est-ce que tu valides cela ?
Ah, ça me fait vraiment plaisir et ça me représente bien.
Le 18 mars, tu seras aux Passagers du Zinc, à Avignon, avec Sage. Comment va se dérouler la soirée ?
J’aime beaucoup cette idée de partager le plateau. Ce sont des sets complets. Personne n’est la première partie de. J’aime beaucoup Sage. Il a un bel univers, autant au niveau visuel, que musicalement.
Pour ma part, je fais découvrir les titres de l’album en live. Je n’ai jamais fait ça avant et je trouve cela très intéressant. Cela permet de prendre de la distance avec les chansons, de pouvoir les retravailler. Une relation particulière se crée avec les titres. Le live est une étape importante pour moi car cela me permet de sortir de ma grotte. Être sur scène, me fait du bien. J’ai fait ces chansons pour les vivre en live, danser, planer… Il y en a d’autres aussi, au moins une quarantaine. Il y a des titres qui ne sortiront jamais, je les garde dans des boites… A la fin, je fais des choix mais je n’arrête pas de créer. C’est hyper important pour moi.
Tous ces morceaux resteront dans ton jardin secret ?
Je pense que l’on n’est pas obligé de tout sortir. C’est un truc qu’on oublie aujourd’hui avec les réseaux sociaux. On peut conserver des choses. C’est comme cela que j’ai conduit mon projet : durant toutes ces années, j’écrivais sans pour autant teaser, je n’en parlais pas. Je trouve beaucoup plus impactant de revenir avec quelque chose de fort au lieu de cultiver, d’entretenir, le retour. Je n’ai pas peur de partir, car ma vie ne change pas pour autant. Ma façon d’exister est de créer afin de toucher les gens. Je me moque d’être là pour être là. Aujourd’hui, il faut toujours être présent mais il faut savoir, aussi, disparaître pour le temps de la création.
Tu es parmi les finalistes pour le Prix Deezer Adami. Comment reçoit-on cette nouvelle et est-ce la reconnaissance de ses pairs ?
C’est génial. Je suis content d’être finaliste avec ce projet car cela montre a quel point on peut se réinventer. Mais ce qui est fou, c’est que le projet est fait en autoproduction, j’ai créé un label sur une structure. C’est quelque chose de petit, au départ, et c’est génial d’avoir cette reconnaissance là.
Tu as réalisé le clip pour le titre Crave, et tu t’apprêtes à tourner celui de The run…
Je travaille dessus. J’ai vraiment hâte de le mettre en image. Il y a quelque chose de brut dans le morceau. Ce sera difficile, pour moi, de le tourner car je revivrais l’état dans lequel le morceau a été écrit lorsque j’étais à Berlin. C’était un moment pas évident à vivre, ça va être intense de faire le clip.
Comment perçois-tu ton public ?
A chaque fois que je fais un live, je trouve que les gens sont hyper bienveillants. Même lorsque je fais un show case à la FNAC comme hier. Il y avait une dame qui m’a dit qu’elle n’écoutait pas mon style de musique, qu’elle était plutôt classique, et que ça l’avait totalement emportée. Elle a reconnu une force dans les instruments. Elle est venue et m’a fait signer un cd. Dans ce contexte, je trouve cela très bien de rencontrer des gens qui ne m’auraient pas vu. Je suis surpris que ma musique peut toucher certaines personnes, c’est très vaste.
Aujourd’hui, la musique est un mélange de pleins d’origines, d’influences. Les artistes repoussent les limites de la création. C’est une vraie force aujourd’hui.
Et pour finir, qu’est-ce que tu écoutes ?
J’écoute beaucoup un album ces derniers temps, c’est celui d’Ibeyi. Je l’aime beaucoup. Je pense que c’est un bel exemple de ce que je viens de dire, ce mélange de cultures, d’origines. Je trouve beau le fait de faire parti d’une génération qui aura enlevé tellement de barrières dans le métissage. Aujourd’hui, on a le droit de chanter en anglais, dans sa langue natale.
J’écoute aussi beaucoup Bowie, mais je l’écoute tout le temps. Il m’inspire beaucoup. Il a tellement repoussé les limites de la création que ça rassure. Il a changé d’identité en fonction de sa musique. Peu importe ce que nous sommes, c’est la musique qui touche les gens.
Il y aussi Aurora, une artiste norvégienne. Elle me touche beaucoup. Elle a une façon d’interpréter les choses, elle est hyper habitée. Elle a une façon de danser, aussi, qui me plait énormément. J’aimerai beaucoup la rencontrer.
Yanis sera en concert aux Passagers du Zinc, Avignon,le 18 mars 2016, avec Sage : là
L’heure Bleue est sortie en février 2016 : ici
Prix Deezer Adami : là
Propos recueillis le 5 mars 2016.
Laurent Bourbousson
Photo : Yanis ©Benjamin Nevert