[ITW] Festival Uzès Danse : Liliane Schaus pour une dernière programmation

6 juin 2022 /// Les interviews
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Elle a accompagné le public d’Uzès Danse durant 16 édition. Le 27e festival est sa dernière programmation. Il débute vendredi 10 juin pour se poursuivre jusqu’au samedi 18 juin. Deux week-ends de danse à vivre à Uzès signés Liliane Schaus !

Liliane Schaus quittera définitivement les bureaux du CDCN La Maison Uzès Gard Occitanie en novembre prochain. Emilie Peluchon lui succèdera. Nous profitons de son dernier festival pour l’interviewer, ce que nous aimons faire particulièrement tant ses paroles sont éclairantes.

Une dernière programmation pour Uzès Danse

Vous signez un merveilleux édito, très beau et très touchant, dans la plaquette du programme de votre dernière programmation du Festival Uzès Danse. Comment vous sentez-vous à quelques jours de votre dernier festival ?
Même si nous avons une activité de saison au CDCN, la période du festival est un moment particulier durant lequel nous avons les artistes avec nous de façon permanente. L’équipe et moi vivons ce moment dans une énergie particulière qui se dégage durant le festival, on vit des montées d’adrénaline particulières. Pour répondre à la question, je me réjouis de cela mais en même temps, je suis un peu triste car c’est la dernière édition. Je reverrais certains artistes, d’autres pas.
Je suis très contente de retrouver les artistes compagnons avec lesquels nous avons travaillés durant toutes ces années. Cette réjouissance est mélangée à de la mélancolie, puisque je me dis que c’est la dernière fois que je vis cela.
Ceci étant, je suis contente de m’arrêter car je l’ai décidé et c’est bien de passer le relais à une nouvelle énergie. C’est un moment un peu particulier. Mais je n’oublie pas que nous allons également faire la fête avec le public et les artistes.  

Si vous deviez donner des mots pour définir la programmation de cette 27e édition, quels seraient-ils ? Ce seraient les mots fidélité et surprise.

Effectivement, au fil de vos programmations, vous avez aimé surprendre le public. Vous avez signé vos éditions avec un savoir-faire qui vous caractérise. Ceci a donné au Festival Uzès Danse une couleur que nous lui connaissons. J’imagine que vous en avez conscience ?
Oui et non. J’ai fait une programmation avec des convictions et du coup, j’ai programmé pratiquement des artistes auxquels je croyais et des œuvres que je pouvais défendre bec et ongles. C’est ce que j’ai toujours dit à mon équipe. Je pense qu’une programmation est liée à une personnalité, à un regard, aux liens que l’on construit avec les artistes. Une programmation est également construite à partir d’un parcours. Avant d’arriver à Uzès, j’ai vécu à Berlin et cela m’a marqué, a forgé mon regard et une façon de faire les choses.

Un festival entre artistes compagnons, fidèles, associés…

Comment avez-vous fait vos choix pour cette édition ? J’imagine qu’ils n’ont pas été simples à faire…
Il y a toujours des frustrations dans chaque programmation parce que l’on se dit j’aurais aimé avoir tel artiste, tel spectacle et que techniquement ou financièrement on ne peut les programmer. Et cette fois, c’est la der des ders et je n’ai plus de seconde chance pour faire venir des artistes. Je pense à Ayelin Parolin (11/06) qui est une chorégraphe brésilienne vivant à Bruxelles, dont j’avais découvert le travail et que je souhaitais avoir. Parmi les artistes que nous avons reçus et suivis, il y a Tânia Carvalho (18/06) qui est une artiste que l’on a régulièrement présentée. J’aurai bien aimé avoir Marlène Monteiro Freitas dont j’avais présenté le tout premier solo à Uzès mais aujourd’hui, ses pièces sont inabordables pour nos structures car ce sont des pièces immenses.

Quand j’ai réfléchi à cette programmation, ma priorité était les artistes associés et compagnons avec lesquels nous avons travaillé durant ces 16 années et puis les dernières découvertes. Effectivement, j’ai construit autour d’eux. 

Mais il y a également des découvertes. Anna Massoni (12/06) qui est une interprète fabuleuse sera là avec son solo Rideau (lire notre retour ici). On retrouve gégalement Léa Leclerc (12/06), découverte l’année dernière et que nous accompagnons sur son second solo. Par ailleurs, nous poursuivrons cet accompagnement avec la complicité de David Wampach, qui sera son œil extérieur, sur la transmission du solo qui sera créé le 12 juin à 4 interprètes, ce qui sera sa première pièce de groupe. 

Nous retrouverons Sylvain Huc (11/06), que nous avons déjà présenté à Uzès, Alain Michard (10/06), également, que nous avons accueilli en résidence à Barjac pour sa pièce l’année dernière mais dont les rencontres avec le public n’ont pu se faire à cause de la crise sanitaire ! Il crée donc L’Aurore. Il fait partie de la famille des chorégraphes tels que Martine Pisani, Laurent Pichaud… C’est une première pour lui mais il était présent avec ces chorégraphes qui sont entre la danse, le théâtre, sur la poésie, qui ouvrent le chorégraphique à d’autres champs aussi.  

Une ouverture de Festival avec Boris Charmatz

Plongeons si vous le voulez bien dans la programmation de ce festival qui débute le vendredi 10 juin. Vous ouvrez votre festival avec Boris Charmatz et son solo Somnole (lire notre retour ici), marquant ainsi le début de la traversée que vous proposez au public. Boris Charmatz, un fidèle d’Uzès danse ?
Un fidèle, oui. Il y a vraiment une histoire avec Boris. Il a été là au tout premier festival, fondé par Didier Michel, avec À bras le corps, un duo qui est devenu mythique depuis. J’ai souhaité reprogrammer ce duo pour le 20e anniversaire du festival, mais nous avons dû annuler sa venue car Boris s’était blessé. Ensuite, je l’ai invité avec sa pièce de groupe Infini, que j’ai adoré, en 2020. Nous avons connu une nouvelle annulation du fait de la crise sanitaire.
Pour ma dernière programmation, on ne pouvait pas ne pas avoir Boris Charmatz dans la programmation. Je suis très honorée qu’il fasse l’ouverture de ce festival avec son solo qui est du grand art. 
C’est un chorégraphe et danseur que j’apprécie fortement. J’aime beaucoup son travail que je trouve très intelligent, très fin, très fort, très juste.

Dans votre programmation, vous donnez carte blanche à Dania Hammoud, votre artiste associée.
C’est la carte blanche (16/06) qu’elle n’a pu présenter l’année dernière. Les deux artistes invitées présenteront leurs œuvres : Khouloud Yassine, une pièce politique avec Dance Me, et Ghida Hachicho pour Studies on locomotion

Dania Hammoud présente également sa dernière création durant le festival, le 17 juin. Une pièce au titre surprenant : Devenir Crocodile.
Avec sa précédente création, Sérénités, Dania abordait pour la première fois le texte dans son travail de chorégraphe. Aujourd’hui, elle poursuit cette dynamique. Dans Devenir crocodile, il y a vraiment un lien que je définirais de très organique entre le son, le texte et la danse.
Pour son spectacle, Dania a puisé dans ses écrits sur ses rêves. Le spectacle raconte l’effondrement d’un pays, qui est le sien, le Liban. Mais en même temps, elle a une façon de transposer tout ceci d’une manière artistique qui devient universel. Elle raconte l’effondrement de notre monde. Bien qu’elle ait écrit son texte bien avant le début de la guerre en Ukraine, le public fera le lien avec ce qui se passe à quelques milliers de kilomètres de nous. C’est en ce sens que son écriture est universelle.
Même si Dania décrit des moments de tragédies, elle les fait coexister avec de beaux moments de lumière, de poésie, qui sont vraiment magnifiques. Dania écrit de plus en plus et son écriture est très belle. Devenir crocodile signifie également que la peau de l’être humain se durcit à force d’épreuves. C’est une très belle pièce. 

Parmi les fidèles, on retrouve Fabrice Ramalingom. Il sera présent avec Générations – Battle of portraits. C’est un très beau travail entre deux interprètes qui ont 50 ans de différence d’âge. Hugues Rondepierre, le plus jeune, est dans une énergie débordante, quant à Jean rochereau, on le retrouve dans une énergie plus retenue mais tout aussi débordante finalement. Cette sorte de battle fait place à une très grande complicité et une grande tendresse entre eux deux. C’est une pièce très touchante que Fabrice nous propose ici (17/06).

On note également la présence de Christophe Haleb pour son installation Entropic Now, chorégraphe-complice au festival.
Christophe Haleb a mené un travail pendant deux saisons avec des jeunes de Pont-Saint-Esprit et d’Uzès. Il en a rencontré une centaine au départ et se sont finalement 50 jeunes qui sont restés pour le projet Entropic Now. 
Christophe a animé des ateliers afin de collecter leurs témoignages sur la façon dont ils vivent dans leur ville. Il les a suivis avec son caméraman, dans des lieux un peu underground où ils ont l’habitude de se retrouver. Cela donne deux films magnifiques d’une heure chacun. L’œil de Christophe sait montrer au spectateur les corps en mouvement dans l’architecture des villes. Il donne également avec ce projet une vision de la jeunesse qui est très positive. Tout ceci est très réjouissant car on voit des jeunes avec un optimisme et un dynamisme réels.
Pour leurs diffusions, Christophe a imaginé une installation qui est ouverte les jours de festival. Elle sera inaugurée le samedi 11 juin, à 15h, en présence des jeunes.
Le soir du vernissage, le groupe qui interprète la musique des films jouera en live avec des prises de paroles de ces jeunes qui ont vécu des choses très fortes durant ces deux années.

Des expériences à Uzès Danse

Le vendredi 17 juin, le public pourra assister au bar de l’évêché à Danse sur écoute. Pouvez-vous nous présenter ce projet de Clémence Galliard et de Juliette Médeville ?
C’est une première, ce qui fait dire à mon directeur technique que l’on ne peut pas faire toutes les expériences la même année, ce à quoi je réponds que oui, nous le pouvons puisque c’est mon dernier festival ! (rires)
Danse sur écoute est une première pour Radio Fuze que nous avons associé à ce projet, pour Clémence Gaillard, qui a beaucoup travaillé avec Philippe Découflé et que nous avons rencontré par l’intermédiaire de David Wampach, avec lequel elle travaille.
Clémence a imaginé cela durant la crise sanitaire où il y avait beaucoup de spectacles en streaming. L’idée est de retranscrire un spectacle pour le spectateur qui écoute et imagine le mouvement. Son objectif est de mettre en avant les interprètes. 

Je lui ai donc proposé de faire une émission en direct. Nous aurons une partie de public sur place et l’autre qui pourra l’écouter d’où il se trouve. Deux interprètes de Guérillères (18/06), le spectacle de Marta Izquierdo Munoz qui sera présenté le lendemain, danseront un extrait que Clémence commentera et décrira pour que les auditeurs imaginent. Cela sera suivi par une interview des interprètes. Le spectacle commencera à 18h pétantes car étant en direct, nous ne pourrons accepter les retardataires.

Le public retrouvera Sorour Darabi avec Natural Drama, un·e chorégraphe qui marque les esprits. Sa venue fait suite au spectacle Savušun que vous aviez accueilli en 2019.
Natural Drama (16/06) fait partie, en effet, des spectacles qui déroutent. C’est un·e artiste en transition qui va nous parler du genre à travers ce spectacle. Sorour s’est inspiré·e d’Isadora Duncan, figure de la danse dans la nature et d’une danse bourgeoise et blanche de toute une époque. Iel s’inspire également d’une princesse iranienne dont les canons de beauté de l’époque n’étaient pas les mêmes chez nous, Zahra Khanom. Cette dernière avait de larges sourcils et de la moustache. Iel joue sur ces deux registres et tout le spectacle est de déconstruire la vision binaire que l’on a des choses sur la question du genre, sur la question du beau et du laid, ou sur le doux et le dur… Cela donne un spectacle fascinant et déroutant. On sort de là un peu perturbé et je pense que cela matière à échanges.

Les fidèles parmi les plus fidèles :  Laurent Pichaud et David Wampach

On ne peut pas finir l’interview sans parler de deux chorégraphes présents dans votre programmation : Laurent Pichaud et David Wampach !
David Wampach retrouve Dalila Khatir avec laquelle il a beaucoup travaillé et propose un duo sur l’Algérie intitulé Algeria Alegria (18/06). Tous les deux ont des origines algériennes et tous les deux se souviennent des danses de mariage qu’ils déconstruisent tout en conservant une gestuelle propre à ces danses. Ce qui est intéressant ici est de voir le rapport et la physicalité entre un David très en ébullition presque en transe, et Dalila qui a quelque chose de très ancré, de très solide aussi.

Avec Laurent Pichaud, notre artiste compagnon depuis 10 ans, nous avons décidé de boucler un cycle avec une pièce qui résume tout ce qu’il a fait à Uzès : que ce soit son travail autour du monument aux morts, ou bien avec les habitants, ou encore de la pièce avec les villes jumelées… jeo politique (12/06) est une pièce avec 5 interprètes qui résonne comme un jeu. On retrouve 4 joueurs et un arbitre en prise avec un ballon qui représente la terre. C’est une pièce très politique car tout consiste à savoir comment faire pour maintenir ce ballon en équilibre ?
Nous terminerons la journée du dimanche 12 juin, avec lui et son équipe, à faire des jeux tout en dégustant des vins avec notre partenaire, les Vins AOP du Duché d’Uzès. Nous ferons des jeux issus de l’idée de jumelage comme le pétanquille, pour pétanque et jeu de quilles. C’est un moment de détente qui est proposé.

En novembre, Emilie Peluchon prendra la direction du CDCN La Maison

En guise de conclusion, quel serait le conseil que vous donneriez à Emilie Peluchon, qui vous succèdera à la direction de La Maison, en novembre prochain ? 
Déjà, de vous dire que je suis très contente de cette succession parce que son projet, choisi par le jury, est dans la continuité de ce qui a été construit et c’est une bonne chose que de poursuivre tout en ouvrant de nouvelles perspectives. 
Le conseil serait celui-ci : la Maison que nous sommes est une maison ouverte, bienveillante, qui accueille les artistes, le public et les équipes. Il convient de continuer sur cet état esprit de bienveillance et d’accompagnement. Je pense qu’elle va poursuivre et proposer de nouvelles choses du même ordre. C’est pour cela que je pars également avec une certaine sérénité et contente du choix qui a été fait.  

Propos recueillis par Laurent Bourbousson
Visuel : La Nuit de Sylvain Huc © Loran Chourrau

Générique

Le Festival Uzès Danse, du 10 au 18 juin 2022. Toute la programmation et renseignements sur lamaison-cdcn.fr

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