[ITW] PAUSE MUSICALE AVEC YOUNESS ABOULAKOUL
On le connaît chorégraphe et concepteur sonore pour ses pièces. Aujourd’hui, il ajoute une corde à son arc, celle de compositeur. Et c’est une belle corde qui s’écoute sur toutes les plateformes. On prend une pause musicale avec Youness Aboulakoul.
Sortis en catimini sur soundcloud, les titres de Youness Aboulakoul s’écoutent aujourd’hui sur toutes les plateformes, réunis sous l’EP Métissage. Composé de 7 titres cartes postales, le chorégraphe compositeur célèbre sa culture artistique entre Maroc et Europe et offre un dépaysement total. On se laisse bercer par le son des rues marocaines avant de plonger dans une électro orientalo-européenne pulsative. Il nous séduit encore plus avec les titres Eclypse et Rise. Interview.
Lorsque l’on écoute l’EP Métissage, on a une impression de voyager. Était-ce l’envie première ?
Cela me fait plaisir d’entendre que Métissage a cet effet sur toi. Et j’espère que ce sera le cas pour toutes les personnes qui l’écouteront. Je voulais proposer avec la lecture du titre, l’idée d’un voyage. Ce mot s’accompagne de sonorités et de rythmiques qui dialoguent et se confrontent dans nos esprits. Je voulais vraiment que l’auditeur, depuis son salon, ait la sensation de se déplacer.
On peut dire que c’est vraiment réussi. Tu composes les musiques de tes pièces chorégraphiques. Comment en es-tu venu à composer Métissage ?
Cela faisait un moment que je maturais cet EP. Dès le début de ma trilogie (composée de Today Is A Beautiful Day (2019), Mille Miles (2022) et Ayta (2024) ndlr), j’avais envie de sortir un album. Après Ayta, je me suis mis devant mes instruments et c’est sorti en 7 jours. J’écrivais un morceau par jour. C’était nouveau pour moi. Tous les titres sont des créations originales.
Qu’est-ce qui change dans l’exercice pour le chorégraphe qui est concepteur sonore de ses propres musiques et cet exercice de production pure ?
Sur le principe et cela vient de ma manière de travailler, je dirais que c’est la même chose. La composition musicale est liée au corps. Je tente de voir ou d’imaginer comment la musique va influencer le mouvement. Je suis dans le dialogue corps/rythmique.
Maintenant, lorsque je travaille sur une pièce chorégraphique, il y a toute la durée du processus de création qui rentre en ligne de compte dans la création musicale. Le rapport au temps est différent. Je vois également la nécessité de chaque son dans mon écriture des mouvements pour des interprètes que je connais.
Ici, pour la création sonore, je crée un son qui va durer entre 3 et 6 minutes. Même si je n’ai pas de corps en mouvement devant moi, il est toujours présent à mon esprit. Pour la composition de l’EP, j’ai essayé de ressentir comment les rythmes agissaient dans mon corps et je recherchais des sensations physiques. J’ai tenté de les amplifier avec le son.
C’est un exercice totalement différent même si la matrice première reste le corps. Construire des titres d’une durée réduite s’est révélé être plus un exercice de style à travers lequel je recherche à faire danser les personnes que je ne connais pas.
Ce qui est frappant lorsque l’on écoute Métissage est que nous avons la sensation d’écouter une musique qui accompagnerait un film.
C’est très bien ressenti (rires). Il y a, dans mon travail chorégraphique, un aspect cinématographique. Je m’inspire de beaucoup de films dans la manière de concevoir mes pièces mais également dans la manière de travailler la musique. J’ai une approche visuelle dans la composition de ma musique. J’ai des images en tête, je vois quels effets elles ont sur moi et je les traduis en musique. L’aspect cinématographique est très ancré dans ma démarche, en effet.
Quelles sont tes sources d’inspirations ?
Je suis métissé artistiquement. Je porte tout un héritage de ma culture marocaine, qui s’étend de la danse, en passant par le son mais également avec l’artisanat qui influence mon travail plastique et chorégraphique, et mon héritage hip-hop avec sa musique. A côté de cela, il y a mon parcours en danse contemporaine que j’ai déployé en arrivant en France. Je suis baigné dans la culture européenne et française. Je suis au carrefour de toutes ces influences.
La polyrythmie de la musique marocaine, les univers sonores de mon parcours en danse, l’énergie du hip-hop ainsi que le monde de la nuit avec l’électro ont façonné mes écritures chorégraphique et musicale.
Que la musique soit savante, classique, tribale, électro, …, j’écoute vraiment de tout tant qu’elle m’apporte quelque chose.
Tous les titres de Métissage ont leurs propres pulsations. Les morceaux nous racontent une histoire. Est-ce que tu n’as pas envie de clipper un de tes morceaux ?
Je n’y ai pas pensé au départ, mais je pense que ça viendra, surtout pour le titre Casablanca Baby. J’ai des sensations, des images, mais rien de précis encore. Ce qui m’intéresse, que ce soit dans le travail chorégraphique ou purement sonore, c’est comme dans la cuisine, c’est quand les saveurs se rencontrent et que ça donne lieu à d’autres saveurs. Quand je mets en dialogue des rythmiques différentes cela devient magique. Je m’épanouis dans cet espace de rencontre, celui du mixage, qui donne lieu à un autre lieu qui peut prendre ici la forme d’un clip.
Eclypse et Rise ont été mis également en ligne. Sont-ils annonciateurs d’un EP en préparation ?
Ces deux titres sont autres, avec d’autres dynamiques sonores. Ils sont sortis en tant que titre singulier.
Tes créations sont en écoute libre sur les plateformes, ce qui est très bien. Mais est-ce que l’on peut se les procurer sur Bandcamp ?
C’est quelque chose à laquelle je n’ai pas pensé. Pour moi, ce sont des titres pour faire danser, à écouter en streaming, pour que les gens puissent les partager et danser !
Et le chorégraphe dans tout cela ?
Ayta (sa dernière création ndlr) va partir en tournée et je travaille sur une nouvelle trilogie.
Ecouter les titres de Youness Aboulakoul ci-dessous sur Spotify ou Deezer :
Propos recueillis par Laurent Bourbousson
Crédit photo : ©Jeronimo Roe
AYTA est à voir au Théâtre d’Arles, le 3 décembre et au Festival Ici et là à Toulouse en février 2025.
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