La femme de ma vie, l’histoire de la création d’une pièce de théâtre – 2

18 mai 2018 /// Les interviews
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Robert Plagnol et son équipe artistique ont investi le Salon Baroncelli de l’Hôtel d’Europe, toute cette semaine, pour la création de La femme de ma vie. Le comédien a traduit et adapté le texte d’Andrew Payne. Il en est également le producteur. Interview de ce chef de troupe.

Robert Plagnol le dit, il aura un mois de juillet passionnant entre les lectures et le fait de défendre une œuvre d’un auteur qu’il aime beaucoup, dans un lieu formidable avec une équipe artistique irréprochable et talentueuse. C’est à la fin d’une journée de répétition que nous l’avons rencontré pour évoquer l’aventure de cette pièce et évoquer la question du théâtre privé/subventionné.

La femme de ma vie et l’écriture de Payne

Brigitte Veyne nous a raconté le début de cette aventure, qui a débuté avec la lecture de La femme de ma vie dans le show-room Paul Smith, dans le Marais (Paris). Pouvez-vous nous raconter l’histoire de cette pièce ?
L’histoire de La femme de ma vie est celle d’un homme amoureux du luxe, de la volupté, des belles chaussures, des beaux costumes, de l’art et de la littérature. Il aime le beau. Il a très bon goût. Sa vie est compliquée et il n’a pas accès à cette beauté. Quand j’ai eu fini de traduire ce texte, j’avais envie de faire une lecture de ce texte dans un endroit qui raconte le beau et l’élégance. J’ai contacté le service de presse de Paul Smith, par lequel j’avais été habillé pour des cérémonies, pour savoir s’il était possible d’envisager une lecture. La réponse a été positive. Puis après, quand j’ai décidé de venir à Avignon, j’ai demandé si Paul Smith souhaiterait faire l’affiche. La réponse a été positive. C’est une première pour lui.

C’est presque un conte de fée.
Oh non !

On dirait plutôt que tout est facile lorsque vous en parlez…
Ce qui est facile est de défendre un texte qui est génial. Si pour la lecture de La femme de ma vie, les retours avaient été négatifs, le projet aurait été abandonné. Mais ici, encore une fois, le texte, comme tous les textes de Payne, est subtil, extrêmement drôle et puissant dans ce qu’il raconte. Donc, quand Paul Smith a entendu les retours positifs de tout son staff, cela a été plus simple.

Le texte La femme de ma vie est une commande que vous avez faite à Andrew Payne ?
Oui. Un jour je lui ai demandé s’il ne voulait pas m’écrire un monologue. Il m’a dit d’accord.

La femme est la cinquième pièce de l’auteur que vous adaptez. Est-ce que vous changez certains éléments au moment de l’adaptation ?
Pour ce texte, j’ai modifié le prénom du personnage puisque dans la version anglaise il s’appelle Robert et en français, il se prénomme Franck. Cela aurait fait bizarre de dire “je m’appelle Robert” en me prénommant Robert. Je pense qu’adapter un texte, c’est trouver le bon mot. Franck m’a semblé être le bon prénom pour ce personnage.

Affiche de Paul Smith pour La femme de ma vieVous travaillez depuis le début de la semaine dans le salon Baroncelli de l’Hôtel d’Europe entouré de votre équipe artistique que vous qualifiez de talentueuse.
J’en suis fier car c’est moi qui les ai choisis. J’en connais certains depuis un certain moment et d’autres depuis peu comme Broo, la scénographe, que j’ai rencontré au moment de la lecture du texte dans le show-room Paul Smith, il y a deux ans. Michel Winogradoff a toujours fait le son de mes pièces de Payne, avec Franck Thévenon, pour la lumière, ce sera notre quatrième collaboration… Ce sont des personnes que j’aime profondément humainement et artistiquement car ils sont talentueux. Ils nourrissent le propos et la mise en scène que j’ai confiée à Gilles Bannier, qui m’a fait le plaisir d’accepter.
Et puis, il y a aussi ce partenariat avec Paul Smith qui signe l’affiche du spectacle qui est très paynienne : on comprend ce dont il s’agit mais les explications sont multiples. Les gens réagissent de façons différentes comme ils peuvent le faire pour les pièces de Payne. Cet auteur laisse une grande part de liberté au spectateur et c’est ce que j’aime, que le public se refasse la pièce en se questionnant sur ce qu’ils ont entendu.

Je me suis fait la réflexion que décidément la nature humaine était étonnante, et j’ai rangé mon flingue
Andrew Payne

C’est ceci qui vous plaît dans cette écriture, les jeux de miroirs et de faux-semblants que les mots mettent en place ?
Ce qui est génial dans son écriture est qu’Andrew Payne laisse une part à l’interprétation de l’acteur. C’est une écriture qui ne dit pas tout. C’est comme un iceberg. Au détour de trois mots, il peut raconter beaucoup de choses. Il y a cette phrase dans La femme de ma vie : “Je me suis fait la réflexion que décidément la nature humaine était étonnante, et j’ai rangé mon flingue”. Cette phrase est l’exemple de dire beaucoup avec une économie de mots alors que d’autres décriraient cela en trois pages.

Théâtre privé/Théâtre subventionné

On a l’impression que, pour la création de cette pièce, vous êtes à la barre de toute cette équipe ?
On travaille en équipe. C’est vrai que je les ai réunis pour que la création ait lieu à Avignon. Alors oui, je suis chef de troupe, mais je ne sais pas si c’est la bonne définition. En tout cas, je suis responsable de cette embarcation et ils sont venus avec moi ramer pour la mener à bon port.

Vous avez eu la liberté de choisir tous les membres de cet équipage ?
Oui, car je suis le producteur. C’est moi qui suis allé voir les banques.

En effet, cela simplifie les choses…
J’ai fait, également, un appel au mécénat. Je ne pense pas qu’il puisse y avoir de la culture sans mécène. On donne toujours l’impression de faire la manche pour faire du théâtre. Le mécénat culturel a toujours existé. Aujourd’hui, même l’Opéra de Paris et la Comédie française ont recours à ce principe.

Que pensez-vous du fait de confronter le théâtre privé au théâtre public ? Faudrait-il outrepasser cette limite ?
Avant de vous répondre, il faut que je vous raconte cette histoire. La pièce Squash de Payne est passée du théâtre privé au théâtre public. C’est la seule pièce créée dans le privé, depuis les années post-guerre et Malraux, passée dans le subventionné avec les mêmes acteurs et le même metteur en scène. Créée en septembre 2006 au Petit Montparnasse, nous avons fait le festival off en 2007 et cette pièce est allée au Théâtre de la Commune, à Aubervilliers, chez Didier Bezace en 2009. Il a explosé la frontière du privé et du subventionné avec intelligence, celle d’aimer les textes. Cela montre bien la force de l’écriture de Payne.
Maintenant que le théâtre privé et le subventionné aient des différences est évident. Ce ne sont pas les mêmes moyens. Il faut avoir de l’argent pour avoir un théâtre privé. Si j’ai Alain Delon sur scène, je gagnerai plus d’argent que si j’ai Robert Plagnol, par exemple. C’est pour cela que l’on retrouve, certaine fois, des choses plus commerciales à l’instar du théâtre subventionné qui lui, pour le coup, n’a pas besoin d’être rentable, toute proportion gardée.
Au final, on fait tous du théâtre et nous essayons de raconter des histoires sur un plateau. Nous sommes tous frères.

Revenons à Andrew Payne, avant de nous quitter. Vous avez adapté l’ensemble de ses pièces pour le théâtre. Peut-on dire que vous êtes son traducteur attitré ?
Ce n’est pas un titre officiel. Il se trouve que toutes ses pièces ont été traduites par moi, sauf pour les 3 premières Squash, Synopsis et Plan B, pour lesquelles Vanessa Chouraqui était d’une aide précieuse. On peut dire si on veut que je suis son traducteur attitré mais si une autre personne le traduisait, peut-être qu’il changerait de traducteur. Andrew sera présent en juillet, vous lui demanderez (rires).

Propos recueillis par Laurent Bourbousson.
Photo : Emmanuel Fradin.

La femme de ma vie d’Andrew Payne, mise en scène de Gilles Bannier, avec Robert Plagnol, scénographie Broo, lumières Franck Thévenon, création sonore Michel Winogradoff, musiques Amélie Nilles, assistante Emilie Perraudeau. Première samedi 19 mai à l’Hôtel d’Europe, puis du 6 au 29 juillet à 18h15, à l’Hôtel d’Europe.
Les lectures : Robert Plagnol accompagnera Pascal Lacoste pour Cockpit (le 25) et lira Quitter Paris (le 23) et Se Taire (le 25) d’Andrew Payne.

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