OFF21 : Premier Amour – Le Billet de Francis

14 juillet 2021 /// Les retours - OFF - VU #OFF
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Festival off d’Avignon. Théâtre des Halles. Premier Amour. Samuel Beckett. Jean-Quentin Châtelain.

En rentrant dans la Chapelle du Théâtre des Halles, une évidence saute aux yeux. Ce lieu est LE LIEU de Jean-Quentin Châtelain. Il y habite certainement depuis quelques jours. Ce lieu est le lieu de son intimité. C’est son cocon. Tellement impressionnant et humble qu’il doit sans doute le protéger de l’éventuelle intrusion d’un autre comédien.

Comme il se qualifie lui même de MONOLOGUEUR, il ne pourrait pas laisser la parole à un autre acteur. Non pas qu’il prenne toute la place sur le plateau, non pas par excès de cabotinage, mais tout simplement parce qu’il est lui, précédé de sa réputation, auréolé de fascination, parce que simplement il est J.Q.CH.

On l’avait vu dans l’immense monologue de Imre Kertez KADDISH POUR L’ENFANT QUI NE NAÎTRA PAS, on l’avait écouté dans le monologue de Pessoa ODE MARITIME, mis en scène par Claude Régy… inoubliable diseur, incomparable récitant, comédien incroyable.

Il est tout ce qu’un comédien doit être. Au service du texte et du metteur en scène. Il devient le texte, l’apprivoise, se l’approprie, le rend sien, mâché, avalé, acidifié, sucré, poivré, à son goût et à sa folie. Car J.Q.CH. est l’acteur fou, dans la veine d’un Serge Merlin ou d’un Jean Paul Roussillon. Il suffit qu’ils apparaissent sur scène pour qu’on oublie tout, que tout s’efface autour d’eux, qu’ils soient l’incarnation sonore de l’essence même du texte…

À l’écouter dire les mot de Samuel Beckett dans ce texte –PREMIER AMOUR– , on a l’impression qu’il est l’auteur, et encore plus, qu’il est le personnage dont il raconte la vie. Il se dédouble totalement et il raconte alors sa propre vie, il se raconte lui, sa jeunesse, son père, sa solitude, ses amours, son premier amour.

Le texte est comme son autobiographie, c’est de l’autre dont il parle mais, en réalité, c’est de lui dont il parle. C’est là que réside cette ambiguïté éloquente et gestuelle qui le rendent totalement véridique. L’intimité du héros est son intimité. Il mime le pipi/caca, la bite et les couilles, comme ses rapports avec sa compagne et les gestes qui vont avec. Il se fait indiscret avec humour et sarcasmes, il a les gestes précis, le ton et l’allure d’un homme hors de tout. Plus le texte avance, plus il joue avec nous et avec lui-même. Il bouge les mains, se frotte les yeux pour y voir plus clair dans sa misogynie, se frotte le ventre, se tourne et se détourne pour éloigner ses sarcasmes et ses peurs. Il devient coquin, espiègle, malicieux et misanthrope. Jamais dans cette chapelle un tel langage, un tel jeu d’acteur n’a suscité autant de respect et d’admiration. Premier Amour est un texte inouï. Le comédien est un acteur inouï. C’est le summum du Théâtre.. c’est absolument indispensable. Il faut se précipiter. On est pas prêt de recevoir un tel cadeau.

Merci à MONSIEUR LE MONOLOGUEUR, merci à Alain Timár , merci à Alexandra Timár , merci au Théâtre des Halles…

Je ne devrais pas dire ça, mais Jean Quentin Châtelain dans la Cour… ce serait pas mieux que certaines icônes trop connues. Vous pouvez me dire qu’ils ont déjà joué ensemble MEDÉE sur le plateau de la Cour d’honneur du Palais des Papes… on s’en souvient…

Francis Braun

Générique

Texte Samuel Beckett – Mise en scène Jean-Michel Meyer – Avec Jean-Quentin Châtelain – Création et régie lumière Thierry Caperan – Texte publié aux Éditions de Minuit

PREMIER AMOUR au Théâtre des Halles, du 7 au 31 juillet (relâche les 20 et 27 juillet)

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