[VU] Avec Bananas (and Kings), Julie Timmerman excelle dans son art

24 juillet 2022 /// Les retours - OFF
4 1 vote
Évaluation de l'article

Depuis La Sorcière (2015), la compagnie Idiomecanic Théâtre propose un théâtre vif et percutant afin d’éveiller les consciences face au monde qui nous entoure. Avec le second volet du dyptique consacré à la démocratie et aux dérives du capitalisme, qui fait suite à Un Démocrate (2017), la metteuse en scène et comédienne Julie Timmerman propose une virée au cœur de l’Amérique centrale, pays de la corruption et des lobbys. Retour.

Avec son « Bananas (and Kings) » , la metteuse en scène, comédienne et auteure Julie Timmerman va encore plus loin qu’avec « Un Démocrate ». Si dans ce premier volet consacré à la vie d’Edwards Bernays, le premier homme à avoir théorisé la manipulation de masses, l’allusion au coup d’état instrumentalisé par les Etats-Unis en Amérique centrale contre Arbenz était évoqué, l’envie de fouiller au coeur des plantations bananières pour l’auteure s’est révélée.

C’est ainsi qu’un travail minutieux de recherches s’est mis en place. Aujourd’hui, cela prend forme avec un des spectacles les plus réussis de ce off, à savoir « Bananas (and Kings) ».

Un théâtre brechtien, de trétaux et tibétain.

Julie Timmerman rend un véritable hommage au théâtre bretchien (théâtre de critique sociale et politique). On pourrait très bien écrire que cet hommage s’étend au théâtre de tréteaux, avec la manipulation à vue des décors où tout se transforme, et au théâtre tibétain avec les rôles masculins interprétés par Anne Cressent et Julie Timmerman.

Avec son théâtre, Julie Timmerman plonge le public dans une histoire de coup d’état, celui mené contre Arbenz président du Guatemala, élu démocratiquement, pour s’être opposé à Sam Zemurray, dirigeant de la United Fruit.

Rationalisation économique vs exploitation humaine

Le texte de Julie Timmerman détaille les ressorts d’une histoire économique dans un pays à l’indépendance jeune, l’Amérique centrale. Cette histoire se vit comme une épopée et couvre la période de 1871 à nos jours.

Avec l’arrivée de Minor Keith, premier homme à planté des bananes pour la United Fruit sur les terres d’Amérique centrale, c’est le mécanisme de la rationalisation économique qui se met marche. Agissant comme un rouleau compresseur, les mayas vont être expulsés sans ménagement, exploités sur leurs propres terres et empoisonnés par les traitements successifs des plantations que va entreprendre l’homme de la situation. Avec l’arrivée de Sam Zemurray, à la tête de la firme, toute une population eu espoir d’un meilleur traitement.

Peine perdue puisque son arrivée en tant que dirigeant coïncide avec le coup d’état contre Arbenz, président aux valeurs humaines et combattant pour une meilleure équité.

43 rôles pour 4 comédiens

Le traitement scénique qu’a reservé Julie Timmerman à son « Bananas (and Kings) » est d’une réjouissance absolue.

En compagnie d’Anne Cressent, de Mathieu Desfemmes et de Jean-Baptiste Verquin, ce sont 43 personnages qui vont défiler devant les yeux du public. C’est une véritable prouesse théâtrale qui se joue au plateau.

Le rythme enlevé de la pièce ne faiblit jamais. La musique de Benjamin Laurent et la scénographie de Charlotte Villermet servent parfaitement l’ensemble.

Entre adresses au public et allusions à certaines affaires politiques d’aujourd’hui, la joyeuse troupe embarque son monde dans cette traversée où la magie du théâtre opère du début à la fin.

Et c’est ici que la force du théâtre de Julie Timmerman réside : s’amuser en dénonçant les atrocités de notre système pour mieux les faire entendre.

« Bananas (and Kings) » est une plongée dans les enfers de la corruption bananière que l’on peut décupler à l’infini. Pensons, ne serait-ce qu’un instant, aux secteurs de l’exploitation forestière et des industries extractives (bois, minerais) en Amazonie brésilienne menée tambour battant par la politique de Jair Bolsonaro au Brésil, ou encore à la surexploitation des vergers d’amandiers aux Etats-Unis qui entraîne une hécatombe des abeilles… L’histoire se répète indéfiniment.

Laurent Bourbousson
Visuel : Pascal Gély

Générique

Bananas (and Kings) jusqu’au 30 juillet (relâche le 25), à 14h50 à La Factory – Théâtre de l’Oulle

texte et mise en scène Julie Timmerman / dramaturgie Pauline Thimonnier / collaboration artistique Benjamin Laurent / Interprètes Anne CressentMathieu DesfemmesJean-Baptiste Verquin et Julie Timmerman / scénographie Charlotte Villermet / lumière Philippe Sazerat / musique Benjamin Laurent / costumes Dominique Rocher / son Michel Head / vidéo Jean-Baptiste Pigneur / construction de la scénographie Jean-Paul Dewynter

4 1 vote
Évaluation de l'article
Subscribe
Me notifier des
0 Commentaires
plus anciens
plus récents
Inline Feedbacks
View all comments
Partager
0
Would love your thoughts, please comment.x