Vu : Avec Noces de Sang, Guillaume Cantillon rend un bel hommage à Federico Garcia Lorca

14 janvier 2015 /// Les retours
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Alors que la lumière s’éteint brusquement, j’entends encore la voix de Quaisoir. Il chante cette chanson où il est question du fil de la pelote que l’on tire, pelote qui file alors pour s’arrêter lorsqu’elle arrivera à sa fin. Les paroles sont à la fois la quintessence de cette pièce et son parfait résumé.
Lorca avait écrit Noces de sang en intégrant dans le récit des chants et morceaux de musique, Guillaume Cantillon reprend ce principe et confie la partie musicale au musicien et chanteur Quaisoir. L’ensemble des titres ne fait qu’un avec les mots de Lorca qui bénéficient d’une nouvelle traduction de Clarice Plasteig dit Cassou.

Les Noces de sang dépeignent une société vivant en vase clos, où rien ne semble enrayer l’ellipse du malheur.

Il y a, au début de la pièce, cette scène dans laquelle les différents protagonistes prennent place autour de la table. La mère et le fils (le futur fiancé) vont échanger les premiers mots qui marquent du sceau de la fatalité la destinée de ce dernier. La mère le questionne sur cette fille, la future fiancée.
Ici, pas de prénom pour désigner la mère, le fiancé, la fiancée. Ils sont ces personnages universels qui peuplent les histoires tragiques.

La mère (formidable Marianne Fontaine) ne peut se faire à l’idée de faire pénétrer chez elle cette fiancée (extraordinaire Marie Delmas), qui se consume encore aujourd’hui d’une passion dévorante avec Leonardo, être désigné maléfique pour porter le même nom des assassins de ceux qui lui ont enlevé son fils et son époux.
Tout semble alors dit : l’amour, nourricier du mensonge ; la haine, nourricière de la violence.

L’âpreté du texte apporte, aux noces, une sensation d’étouffement.
La femme de Leonardo (interprétée avec justesse par Marie Blondel), cousine de la fiancée, porte les stigmates de l’union qui la lie à Leonardo. Elle est cet être fantomatique, qui existe malgré elle, étouffée par ce mariage arrangé et par le manque d’amour. Sa revanche est prise lorsqu’elle annonce la fuite de son mari avec la fiancée.

En l’espace d’une seconde, l’écriture de Lorca change de registre : le récit ethnographique, descriptif des us et coutumes d’une société, se fait surréaliste.

L’onirisme, cher à Lorca, éclate alors, lorsque la lune et la mort s’entretiennent. Cette partition délicate met au premier plan Alexandre Dufour et Laetitia Vitteau. Ils servent sans fausse note ce moment suspendu, entre deux, où rien n’est encore advenu et où le pire reste à venir.
Mais la pelote ne cesse de se dérouler et la fin de ce troisième acte met au centre du dénouement ce qui pourrit l’humain : l’honneur.

Julien Bonnet, Stéphane Bault, Vincent Mourlon et Reveline Fabre viennent compléter la distribution de ces noces pour former un ensemble choral, orchestré par une mise en scène minutieuse et les lumières de Laurent Bénard.
Guillaume Cantillon fait parti des metteurs en scène amoureux des textes, des mots, de la parole, de la poésie. Il signe avec Noces de sang, un voyage aux racines de la douleur et de l’onirique, et conduit le spectateur aux portes de l’abîme humain, celle des enfers.

Noces de sang en tournée à partir du 20 janvier 2015, a été créé au Théâtre Liberté (Toulon).
Rencontre avec Guillaume Cantillon : ici.

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